Des crédits de la L.B.U. dégelés

Des crédits de la LBU dégelés. Ouf, il était temps ! La preuve qu’il est nécessaire de crier pour réveiller Paris

18 décembre 2004

Dans un communiqué publié jeudi soir, la ministre de l’Outre-Mer annonce qu’elle a ’obtenu pour 2004 le dégel des 75 millions d’euros d’autorisations de programme qui étaient gelés sur la ligne budgétaire unique (LBU) destinée au financement du logement social Outre-Mer’.

(Page 5)

"Ces crédits seront délégués prochainement aux préfets, qui recevront des instructions pour les affecter dans le respect des programmes arrêtés au plan local au titre de l’année 2004", ajoute le communiqué.
"Ainsi, les crédits de la LBU ne subiront pas d’amputation cette année", conclut la ministre.
Ce communiqué de Brigitte Girardin est d’abord une confirmation : la Rue Oudinot reconnaît qu’il y a bien eu “gel” d’une partie de ces crédits : 26% sur les 287,5 millions programmés au titre de l’année qui se termine. Et encore, il ne viendrait à l’idée de personne de prendre une règle à calculer et de vérifier si les sommes qui ont été gelées correspondent effectivement aux 75 millions annoncés par le Ministère !
L’annonce faite avant-hier par Mme Girardin tombe “pile poil” quelques jours avant l’arrivée dans l’île de Jean-Louis Borloo, qui, dans le plan de cohésion sociale qu’ill propose, fait de la relance du logement social une priorité.
Ceci étant, la problématique de la construction du logement social outre-mer n’est pas qu’une question de montant de la LBU. Lors de sa conférence de presse de lundi dernier, le PCR a énuméré un certain nombre de problèmes clefs.
Il y a, en premier lieu, la question du coût de la construction. Les offres faites par les promoteurs sont désormais supérieures de 20 à 30% sinon plus aux prix plancher fixés.
Le deuxième problème est celui de l’aménagement et de l’équipement des terrains. Les crédits inscrits au titre du FRAFU pour jusqu’en 2006 ont été tous utilisés. Il n’y en aura pas de disponibles en 2005 et en 2006.
Enfin, les politiques de défiscalisation menées depuis 1986 ont contribué à fausser toutes les données.
Les entreprises préfèrent construire du “défiscalisé” plutôt que du logement social : c’est plus intéressant.
Mais, surtout, le prix du foncier a explosé au cours de ces dernières années. La majorité des maires n’ayant pas fait de réserves foncières ne peuvent plus offrir des terrains à un coût abordable pour la construction de logements sociaux mais aussi pour des équipements comme les lycées ou les collèges.
Devant le Sénat, Mme Girardin a implicitement admis que les nouvelles dispositions de défiscalisation pourraient avoir des effets pervers. Elle a annoncé qu’elle demanderait "qu’une étude soit menée à ce sujet, tant en terme d’impact sur le prix du foncier que sur celui de la construction". C’est sans aucun doute cela l’urgence !

J. M.



“Dégel” de crédits : simple respect des engagements !

Le “dégel” annoncé de 75 millions d’autorisations de programme sur l’habitat social outre-mer pour 2004 vient - ni plus ni moins - réparer les dégâts qu’aurait causés l’amputation de la LBU. Apparemment, l’émotion générale suscitée dans l’opinion par la restriction drastique des crédits n’a pas été sans effet.
Ainsi, la réintégration dans la LBU 2004 de crédits annoncés comme gelés va permettre de financer sur 2004 les quelque 600 logements (628 exactement) qui allaient, faute de financement, être reportés sur la LBU 2005.
Cela dit, ce n’est qu’un juste rétablissement de l’enveloppe financière fixée par l’État pour 2004. Il s’agit en réalité du simple respect de la part du gouvernement de ses propres engagements, pris il y a moins de 12 mois. A la veille de la venue ministérielle, une annonce “triomphaliste” de la chose aurait comme une touche de “mauvais goût”, voire de manœuvre “gros doigt”.
Cela dit aussi - et j’allais dire surtout - Brigitte Girardin a parlé "autorisations de programme". Mais elle n’a rien dit sur les "crédits de paiement" (de quoi payer les factures !), qui eux restent désespérément bloqués, mettant en péril immédiat opérateurs et entreprises.

A. D .



Une lettre de la Fédération Réunionnaise du BTP

"Travailler à la recherche de solutions, en toute transparence"

Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un courrier qui a été envoyé aux différents quotidiens de l’île par la Fédération Réunionnaise du BTP, sous la signature de son secrétaire général Bernard Tillon. Ce courrier fait suite au Conseil Départemental de l’Habitat (CDH) du 14 décembre dernier et aux comptes-rendus qui ont rapporté dans la presse les échanges de cette session de travail.

"(...) Lors de l’assemblée du CDH, le représentant de la FRBTP était notamment intervenu pour expliquer les difficultés croissantes rencontrées par les entreprises pour répondre aux consultations des maîtres d’ouvrage sociaux.
D’une part, le secteur du BTP supporte depuis quelques années, et plus intensément depuis 18 mois, une succession de hausses qui se répercutent sur les coûts de construction, à savoir :

- mise en œuvre de la réduction du temps de travail, plus particulièrement coûteuse pour les entreprises de plus de 20 salariés, (incidence sur les coûts : entre 3 et 4,5% selon les corps d’État) ;

- conséquences discriminatoires - et désastreuses - de la loi Programme pour l’Outre-Mer, pour les entreprises de plus de 50 salariés, (distorsion de concurrence : entre 5,95 et 18,50% selon les ouvrages) ;

- suppression des allégements RTT (incidence sur les coûts de production : 1,8%) ;

- inflation sur les matières premières, et principalement sur l’acier (+ 73% en un an), mais également sur le cuivre (63%), l’aluminium (21%), le plomb (61%), le zinc ;

- inflation sur tous les dérivés du pétrole (PVC : 38%, bitume ...) ;

- révision, devenue indispensable, de la convention collective des ouvriers du BTP et entrée en vigueur des nouvelles dispositions ; coût : 40 millions d’euros hors charges, soit près de 20% de la masse salariale du BTP (6,5% par an sur trois ans).

S’y ajoutent naturellement les hausses successives des coûts du fret (aérien et maritime), de transit, comme aussi des assurances.
D’autre part, il ressort d’une enquête FRBTP récente auprès des entreprises du BTP qu’il est devenu beaucoup plus difficile pour les entreprises de répondre en construction de logements sociaux, en particulier en gros œuvre, pour les raisons suivantes :

- un niveau de prix souvent très inférieur au coût de réalisation des entreprises, et unanimement considéré par celles-ci comme la principale difficulté ; sur des exemples récents d’opérations réalisées en 2003 et 2004, certaines entreprises de gros œuvre ont supporté près de 30% de perte !

- un manque de maîtrise des dossiers et des opérations : l’insuffisance de la maîtrise d’œuvre sur les opérations de construction de logements sociaux est unanimement citée, se traduisant par le report systématique de tous les problèmes sur les entreprises de gros œuvre, alors que cette même maîtrise d’œuvre est performante sur les opérations privées où elle a une obligation de résultat ;

- les coûts nouveaux, induits par de nouvelles normes (C.15.100 en électricité, normes thermiques) ;

- la concurrence du travail illégal, que l’on retrouve fréquemment sur certains chantiers, en particulier en second œuvre (peinture).

Par ailleurs et depuis près de 30 ans, la part du prix de construction dans le prix de vente des logements n’a cessé de décroître, au plan national comme au plan local, pour passer de 59,8% en 1977 à moins de 50% en 2002 ; les prix de nos entreprises servent ainsi de variable d’ajustement des prix de vente des opérateurs ! Au cours de ces dix dernières années, nombre d’entreprises, qui intervenaient principalement dans la construction de logements sociaux, en ont été victimes et ont disparu.
Pour autant, nos entreprises ne souhaitent nullement se désengager de la construction de logements sociaux. Elles ont même réaffirmé leur volonté d’y participer ; dans un esprit constructif de recherche de solutions, elles ont proposé, en toute transparence, d’ouvrir et d’expliquer leurs études de prix aux maîtres d’ouvrages sociaux, études qui ne sont pas différentes de celles réalisées pour la construction privée. (...)

Déclarer que les entreprises dépassent les prix plafond de 30% en laissant entendre qu’elles seraient responsables de la défaillance de production de logements sociaux est inacceptable. Est-il également besoin de rappeler que, dans le secteur du BTP, les résultats des entreprises se situent, en moyenne et lorsque tout va bien, entre 1 et 2%, résultats sans rapport avec ceux de certains opérateurs sociaux.
Dire que dans le secteur du BTP, c’est le "vide sidéral" en dehors de deux majors et de trois autres qui suivent, c’est mépriser quelque 2.300 entreprises et artisans employeurs de l’île et leurs 17.000 salariés qui réalisent quelque 950 millions d’euros de travaux de BTP à La Réunion ! Ces milliers d’entreprises et leurs salariés, qui très souvent souffrent cruellement de ne pas être payées de leurs travaux - notamment en marchés publics avec certaines collectivités locales comme aussi avec certains maîtres d’ouvrages sociaux - apprécieront sûrement, si elles n’ont pas disparu, de lire qu’il y aurait "une insuffisance de la concurrence".
En tout état de cause, nombre de ces entreprises ne peuvent qu’apprécier actuellement de pouvoir survivre grâce à la commande des grands donneurs d’ouvrage publics et à l’activité du secteur privé, avec ou sans défiscalisation.
Est-il enfin besoin de préciser que les travaux du chantier de la Route des Tamarins, qui n’ont pas encore véritablement démarré et qui par ailleurs génèrent l’arrivée d’entreprises concurrentes, sont sans incidence sur le créneau de la construction de logements sociaux...
Alors que les véritables raisons de la crise de l’offre sociale de logements sont depuis longtemps parfaitement connues, et que les entreprises et leurs salariés en ont supporté les conséquences, la Fédération Réunionnaise du BTP ne peut accepter des propos qui salissent toute la Profession (...)".


Notre commentaire

Par-delà le ton quelque peu “crispé” de ce texte, dont “Témoignages” - vu la sobriété de son commentaire au lendemain du CDH - ne pense pas devoir accuser réception, il nous est apparu intéressant de verser une pièce argumentée au lourd dossier de la crise du logement social à La Réunion ; une pièce provenant d’un des acteurs importants de la filière logement : les constructeurs, les entreprises.
Intéressant également de retenir "l’esprit constructif de recherche de solutions" qui ressort de cette lettre, ainsi que la volonté de travailler "en toute transparence".
La situation de marasme actuelle, tout comme les perspectives alarmantes des prochaines années, exigent en effet une mise à plat de TOUS les blocages, dans la clarté la plus absolue. C’est bien à partir de là qu’une politique du logement cohérente et efficace doit être insufflée par l’État au plus vite, pour répondre au droit au logement des Réunionnais.


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