Fondation Abbé Pierre : « Précarité économique, précarité du logement, santé précaire : le cercle vicieux »

Double peine pour les victimes de la crise du logement

23 février 2016

Aujourd’hui, la Fondation Abbé Pierre présente son rapport annuel sur le mal-logement. Elle fait le lien entre l’insalubrité du logement et les problèmes de santé. C’est une double peine infligées aux victimes de la crise. À La Réunion, les habitants de 20 à 25.000 logements insalubres et les sans-domicile fixe voient leur espérance de vie diminuer. La Fondation Abbé Pierre interpelle les pouvoirs publics pour mettre fin à cette injustice.

20 à 25.000 logements insalubres à La Réunion
Photo Toniox

Hier à Saint-Denis, la Fondation Abbé Pierre a donné les principales conclusions de son rapport annuel sur le mal-logement, qui sera présenté aujourd’hui à Cinépalmes à Sainte-Marie. La Fondation a tout d’abord rappelé les indicateurs de la crise sociale à La Réunion.

42 % de la population qui est touchée par la pauvreté, soit environ 243.000 personnes qui vivent avec moins de 935 euros par mois. Ce niveau de vie très faible met en avant des situations extrêmement précaires rendant de plus en plus compliqué l’accès ou le maintien au logement.

Le taux de chômage est trois plus élevé qu’en France… les jeunes de 25 à 34 ans sont les plus touchés. Selon l’indice de Gini, La Réunion est le département le plus inégalitaire. L’indice de Gini (plus il est proche de 1, plus les inégalités sont fortes) y atteint 0,53, soit davantage que Paris (0,5), département le plus inégalitaire de France. 90 % des départements situés en France présentent un indice de Gini inférieur à 0,38 ;

La part de la population couverte par le RSA (Revenu de solidarité active) y est quatre fois plus élevée (31 % contre 8 %) et celle couverte par la CMU-C (Couverture Maladie Universelle complémentaire) cinq fois plus élevée (37 % contre 7 %).

Dans ce contexte d’extrême pauvreté, la vie à la rue, l’absence d’un domicile personnel, l’insalubrité, l’indignité des logements ou la précarité énergétique ont des conséquences graves sur l’état de santé des personnes précaires (maladies respiratoires, allergies, bronchites, dépression, stress, troubles psychiques, addictions…). Les carences des politiques de logement et de santé s’alimentent mutuellement pour toucher les personnes les plus vulnérables, en particulier celles, de plus en plus nombreuses sur l’île, qui souffrent de troubles psychiques ou addictifs.

Problèmes de santé

Des milliers de personnes à La Réunion paient au prix fort la crise du logement au plus profond d’eux-mêmes : des années de vie en moins, l’asthme des enfants en logements humides, les dépressions des parents. La situation est encore plus alarmante pour ceux qui sont sans domicile fixe.

À La Réunion, les conditions de vie à la rue ou en squat, dégradent la santé : seulement 48 % des personnes accueillies dans les 4 Boutiques Solidarité de l’île se déclarent être en bonne ou très bonne santé, alors que ce chiffre est de 69 % pour l’ensemble de la population. Les problèmes de vue touchent 40 % des usagers de la Boutique solidarité, juste devant les problèmes articulaires ou osseux (35 %), l’obésité pu le diabète ou l’épilepsie (35 %).

À ces maladies s’ajoutent les troubles de santé mentale et addictifs.

En l’absence de coordination suffisante avec les acteurs du champ de la santé et du médico-social, les professionnels de l’hébergement et du logement se disent souvent « démunis », notamment face aux personnes en fin de vie ou aux troubles psychiatriques et addictifs (alcool). Les centres d’hébergement peuvent même être considérés par certains comme les « nouveaux asiles psychiatriques ».

De la précarité du logement à la santé précaire

L’habitat indigne à La Réunion (20 à 25 000 logements, principalement dans le diffus) est à l’origine de nombreux troubles : principalement des pathologies allergiques ou respiratoires imputables à l’humidité du logement. Une étude de l’Observatoire Régional de Santé de La Réunion (2011) souligne sur ce point la prévalence de l’asthme à La Réunion chez les enfants et adolescents, et pointe l’humidité ambiante comme l’un des facteurs de risque évoqué pour expliquer cette forte prévalence.

28 % des logements diagnostiqués dans le cadre du dispositif SLIME [1] Réunion présentent des traces d’humidité apparentes lors de la visite à domicile. Ce taux s’élève à plus de 50 % pour les communes de Cilaos (54 %), Petite-Île (67 %), Sainte-Rose (80 %) et Saint-Louis (57 %).

Ces problèmes de santé semblent étroitement liés au manque de confort thermique (chaud / froid). L’étude menée par EDF sur le chauffage et l’isolation des logements des hauts (2009) démontrait déjà que « 62,6 % des ménages situés dans les hauts résident dans un logement non isolé, et peuvent ainsi soit être confrontés à des problématiques de froid en hiver ou de surconsommation due au chauffage ». Selon l’étude sur la précarité énergétique à La Réunion (2015), on peut estimer que plus de 2 750 ménages sont potentiellement en situation de précarité énergétique liée au froid dans les zones des hauts de La Réunion. Le couple humidité / chaleur participe également à une sensation d’inconfort dans le logement, qui peut être plus ou moins supportable, mais peut également entrainer des dangers de malaise, notamment en cas d’activité chez des personnes fragiles.

Au final, ces troubles sur la santé peuvent également avoir des conséquences sociales et psychiques lourdes : dégradation de l’image de soi, insécurité, repli sur soi, “honte” pour les adultes et les enfants.

Propositions

La Fondation Abbé Pierre, « il est grand temps de s’inquiéter plus clairement de ces questions ! ». Elle met en avant trois propositions :

Se donner les moyens de détecter et d’intervenir de manière précoce auprès des personnes qui en ont besoin, dans la logique de l’ « aller vers » afin de faire émerger la demande de soins ;

Partir de la situation des personnes et de leurs besoins, pour adapter les dispositifs plutôt que l’inverse ;

Développer l’accompagnement pluridisciplinaire et les partenariats entre le monde médical et les acteurs du logement, privilégier un traitement global et durable des problématiques, dans une logique de prévention et de promotion de la santé, en intervenant à la fois sur le logement et les besoins de ses occupants.

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