Un Toit Pour Vivre

Droit au logement : Faire confiance et faire preuve de solidarité

20 octobre 2006

« Il faut faire preuve de solidarité, l’être humain n’est pas fait pour dormir dans la rue, pour vivre dans l’angoisse de la violence, de se faire battre et dépouillé ». Directrice de l’association Un Toit Pour Vivre, Annie Darencourt témoigne de la lutte quotidienne que doivent livrer les Réunionnais à qui le droit à un logement est refusé. La crise du logement social et les conditions exigées par les bailleurs privés obligent un nombre croissant de compatriotes à dormir dans des squats, des voitures ou dans la rue. Car, avec pour seul revenu un RMI ou un RSO (revenu de solidarité), c’est-à-dire au mieux 448 euros par mois, l’accès au parc locatif privé est hors de portée. Sachant qu’il est rare de trouver un studio à moins de 400 euros par mois, que le salaire du locataire exigé par le bailleur doit être au moins 3 fois supérieur au montant du loyer et que pour rentrer dans l’appartement, il est nécessaire d’amener un dépôt de garantie égal à 2 mois de loyer, de payer 1 mois d’avance, avec éventuellement des honoraires d’agence, la facture à régler avant de recevoir les clés atteint vite 1.500 euros. De plus, le salaire minimal à justifier dépasse largement l’allocation versée à ces travailleurs privés d’emploi.

Un accès à la location bloqué

Pour tous ces Réunionnais qui vivent dans le désespoir d’accéder un jour à un logement, les associations œuvrant dans l’action sociale sont une bouée de sauvetage. Dans la mesure de ses moyens et avec toute sa volonté, l’association Un Toit Pour Vivre se fixe comme but d’accueillir provisoirement des Réunionnais sans logis et de les accompagner vers “l’hébergement définitif”. Elle apporte depuis 13 ans sa pierre à la lutte contre l’exclusion et pour le respect d’un droit fondamental.
Actuellement, 44 personnes sont suivies : 40 hommes, une femme seule, une femme et sa fille âgée de 20 ans, une mère de famille de 2 enfants et une autre de 3 enfants. Ces Réunionnais vivent dans des appartements loués par l’association. Seulement 4 logements appartiennent à des bailleurs sociaux, car, explique Annie Darencourt, « l’association ne fait pas partie du public prioritaire ». Les autres appartements sont la propriété de bailleurs privés à qui l’association règle le loyer. Elle prend aussi en charge l’assurance, l’eau et l’électricité. Reste à la charge du locataire suivi par l’association un montant de 300 euros, duquel est déduite l’allocation logement qui s’élève en général à 150 euros, versée directement à Un Toit Pour Vivre. Les 150 euros restants sont alors payés par le locataire à l’association. Annie Darencourt souligne que dans tous les cas, Georges Madarassou, Président d’Un Toit Pour Vivre, se porte caution solidaire. Personnalité connue à Saint-Denis, Georges Madarassou apporte auprès du bailleur un plus qui peut faire pencher la balance du bon côté.

Vaincre les réticences

Les réticences des propriétaires de logement sont nombreuses, et les prétextes avancés pour refuser de louer vont du manque de confiance accordé au érémiste, au racisme.
Ce qui amène Annie Darencourt à s’interroger sur l’aspect quantitatif de la crise du logement, estimant que beaucoup trop d’appartements sont inoccupés. Et cela ne concerne pas seulement le privé, déplore-t-elle, citant pour exemple des logements vacants dans le quartier de la Trinité à Saint-Denis.
Pour beaucoup de personnes suivies par Un Toit Pour Vivre, le point de départ de leurs difficultés résulte de la perte d’un emploi. À partir de là, la diminution des revenus et la difficulté à retrouver un autre travail se conjuguent pour, progressivement, entraîner un éclatement de la cellule familiale. Parmi les locataires de l’association, des anciens cadres, un ancien chef d’entreprise, des formateurs licenciés, voire même un avocat. Tous avaient un emploi qui leur permettait de vivre dignement, le chômage les a conduits à rechercher une solution d’hébergement d’urgence.
L’association est aussi un recours pour les services publics d’action sociale. Il n’est pas rare que le Conseil général ou le CCAS demandent à Un Toit Pour Vivre d’agir rapidement pour venir en aide à une personne sans logis qui prend attache avec un travailleur social.
« On nous demande beaucoup », souligne Annie Darencourt qui appelle les bailleurs à faire confiance à ceux qui ont connu l’injustice de dormir dans la rue. « Dès qu’ils touchent leur salaire ou leur allocation, leur première préoccupation est de venir à l’association payer le loyer car ils connaissent la galère ».

M.M.


Les oubliés de l’immobilier

Un Toit Pour Vivre suit une forte proportion d’hommes. Pour Annie Darencourt, cela s’explique par un phénomène de société : la tendance à l’éclatement de la cellule familiale. En cas de divorce, la garde des enfants est rarement accordée au père. De fait, il doit quitter l’appartement. Or, pour un fort pourcentage de travailleurs à La Réunion, le salaire est souvent le SMIC, voire moins. Dans de telles conditions, il est bien difficile d’accéder à un logement car ils ne sont pas prioritaires auprès des bailleurs sociaux, et ils ont des revenus trop faibles pour convaincre un loueur privé.
Les choix faits dans la politique de l’immobilier montrent « un oubli de ceux qui se retrouvent seuls à la suite d’une séparation ». Et « beaucoup dorment dans leur voiture ».


Témoignages

Auguste : 448 euros par mois

Une place de cinéma : « ...ne plus penser aux soucis pendant la durée du film »

Auguste est à Un Toit Pour Vivre depuis 10 mois, avant il était « un peu dans la rue ». Il perçoit le revenu de solidarité (RSO), un minimum social s’élevant à 448 euros par mois.
Il a longtemps vécu en France où il s’était installé au terme de son service militaire effectué en 1975. De retour à La Réunion, c’est le chômage, un stage, puis l’alternance de périodes sans emploi entrecoupées de contrats précaires. Son dernier travail était technicien en espaces verts, son métier : électricien.
La dernière fois qu’Auguste s’est rendu au cinéma, c’était il y a 17 ans, quand il vivait à Paris. Pour lui, une place de cinéma, c’est l’occasion « de ne plus penser aux soucis pendant la durée du film ».

Stéphane : céramiste sans emploi

« Le RMI, c’est limité pour trouver un studio, payer une caution »

Arrivé à Un Toit Pour Vivre en avril 2006, Stéphane vit à La Réunion depuis 2 ans. Il est venu rencontrer une famille qu’il ne connaissait pas. De formation céramiste d’art, il a aussi travaillé dans la vente. Privé d’emploi, il touche aujourd’hui le RMI, ce qui lui permet juste de payer le loyer, la nourriture et le bus. « Le RMI, c’est limité pour trouver un studio, payer une caution ». Peu de loisirs, sinon le sport et le dessin, car tout est cher quand on a comme seul revenu le RMI.

Éric : le chômage depuis 2 ans

... enchaînait les petits boulots...

Éric est là depuis 14 mois à la suite d’une démarche avec une assistante sociale. Avant, il vivait dans une pension. Il cherche du travail depuis 2 ans. Avant, il habitait en France où il enchaînait les petits boulots : manutentionnaire, magasinier, plongeur dans un restaurant, serveur, livreur de prospectus. Il arrivait à atteindre un salaire de 1.000 euros par mois. Il est alors venu à La Réunion pour retrouver de la famille. Et depuis, sa situation est difficile. Pour lui, loisirs riment avec sport, randonnées, vélo et aller au ciné de temps en temps.

Alain : à la recherche d’un travail

Un film « permet de se changer les idées »

Animateur culturel, Alain est à la recherche d’un travail. Il est à Un Toit Pour Vivre depuis 1 an et demi. En fin de droit à l’ASSEDIC, il a fait une demande de RMI. Le cinéma, c’est inaccessible pour lui, et il dit qu’un film « permet de se changer les idées ».


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