Logement social : la situation reste « dramatique »

Faire sauter le verrou du foncier

16 juillet 2004

La situation du logement social à La Réunion est « dramatique ». Elle exige de relever un immense défi. C’est ce qui ressort du récent Conseil départemental de l’habitat. Sans une politique d’aménagement du foncier menée de façon volontariste par l’État, avec le soutien des collectivités locales, aucune relance de la production de logements ne sera possible. Le gouvernement est au pied du mur.

Le Conseil départemental de l’habitat ausculte la situation du logement à La Réunion deux fois l’an. L’Assemblée plénière de juillet s’est tenue vendredi dernier. La gravité - voire le caractère dramatique - du manque de logements sociaux ont marqué les débats de cette session.
"Retard considérable", "combat permanent", "bataille pour le logement"... Aucune voix n’est venue atténuer le constat, qu’elle vienne des opérateurs selon qui l’exercice en cours s’annonce "plutôt sombre", ou qu’elle vienne de la DDE selon laquelle "de difficiles perspectives se profilent à l’horizon".
La présidente du Conseil général, qui préside désormais le CDH, n’a pas caché son inquiétude. Et plusieurs interventions, telle celle de Jean-Yves Langenier, ont illustré l’importance des blocages.

Le verrou de l’aménagement

Au premier rang de ces blocages - tout le monde est, là aussi, sur la même longueur d’ondes - figure le problème de la disponibilité en foncier équipé. De par sa rareté et de par le coût de son aménagement, le foncier joue le rôle d’un frein à main serré fortement, qui vient empêcher toute avancée suffisante de la construction de logements.
C’est à partir de là qu’il convient quand même de dire les choses clairement. La pénurie de toits décents pour la population de La Réunion est évidente aujourd’hui, et elle va inexorablement s’aggraver dans les 10-15 ans, si aucun sursaut n’est opéré en profondeur sur la filière foncier-logement (1).
Le goulot d’étranglement est repéré, unanimement “dénoncé”. Alors ? Alors il faut bien s’attaquer au blocage pour remettre la machine en route. Et s’y attaquer avec des moyens financiers qui soient à même de changer la donne, d’ouvrir une perspective. S’y attaquer aussi avec des moyens réglementaires (ZAD...) et un état d’esprit politique (lutter contre la spéculation) qui doivent aller de pair avec les investissements engagés, afin de rendre cohérente et efficace une véritable politique d’aménagement du foncier à La Réunion.

Le gouvernement se défausse

Il se trouve que la préconisation majeure de la Charte issue de la Semaine réunionnaise de l’habitat (mai 2003) portait précisément sur la levée volontariste de cet obstacle. En proposant au gouvernement, dans ce document signé par l’ensemble des partenaires - y compris le partenaire État au niveau local -, la création et le financement d’un outil de développement indispensable, un Fonds d’aménagement des quartiers (FAQ).
Ce FAQ avait un poids financier incontournable qui avait été estimé par les acteurs réunionnais à quelque 30 millions d’euros par an. Le chiffre a été rappelé vendredi par le représentant de l’ARMOS (Association des maîtres d’ouvrage sociaux et aménageurs de La Réunion) lors du Conseil départemental de l’habitat. Il mesurait bien l’ampleur de l’effort à engager pour rattraper nos retards et relancer la filière logement.
Or que constate-t-on ? Que le FAQ n’a jamais été créé et qu’il a été escamoté au profit de la PAQ, un succédané qui a troqué le “F” de “Fonds” pour le “P” de “Participation”.
Au-delà de de cet abécédaire, c’est le basculement d’une logique à une autre logique, qui s’est produit en un an. Le gouvernement a quitté une logique qui lui faisait normalement assumer la charge et la responsabilité de l’aménagement du foncier. Et il adopte une autre logique qui consiste à se défausser sur les collectivités locales, d’un domaine qui constitue pourtant le verrou même qui commande l’accès à la construction des logements sociaux. Un logement social en plein cœur des attributions de l’État, sur l’ensemble du territoire français et en particulier dans les DOM.
C’est ainsi que la ministre de l’Outre-mer a évoqué, à la veille des élections de mars dernier, une simple “participation” de l’État aux investissements liés au foncier à équiper. On en sait un peu plus aujourd’hui sur la clé de répartition que veut imposer l’État : sa participation serait à hauteur de 25%, en complémentarité avec le FRAFU (Fonds régional d’aménagement foncier et urbain) qui viendrait à 50% et les collectivités locales à 25%. En chiffres absolus, la contribution de l’État ne dépasserait pas 5 millions d’euros par an. Un montant qui n’a plus rien à voir avec les besoins de 30 millions d’euros estimés l’an dernier. Un montant qui par ailleurs n’est budgété nulle part pour l’exercice 2004.

Vers un manque de 10% pour la L.B.U. 2004 ?

À propos de l’exercice 2004, la LBU (Ligne budgétaire unique) est annoncée (officieusement) à 94 millions d’euros, au même niveau que l’an dernier. Mais la programmation réajustée de 2004 - sur laquelle nous reviendrons dans un prochain article - donne des besoins de financements de 103 millions d’euros (2). Cette disparité entre besoins affichés et ressources affichées ne semble pas avoir été relevée lors du Conseil départemental de l’habitat (3).
Elle représenterait pourtant un manque de près de 10%. Un écart loin d’être négligeable s’il entraînait le non financement de quelque 450 logements sur les 5.000 prévus (4.933 précisément). Autant de programmes qui seraient renvoyés à l’année prochaine, et autant de retard supplémentaire pris sur le carnet de bord.

(à suivre)

A. D.

(1) Le nombre de logements sociaux pour 1.000 habitants stagne à La Réunion depuis 2000. Il reste collé à 61 logements sociaux pour 1.000 habitants, alors qu’il en faudrait beaucoup plus pour répondre aux besoins des personnes mal logées. Quand on connaît la croissance démographique des 15 prochaines années, on voit qu’il faut “faire quelque chose”.
(2) Document CDH du 9 juillet dernier, page 23.
(3) Est-ce parce qu’on sait d’expérience qu’il reste des dossiers “en carafe” à la fin octobre, et qu’on anticipe cette “déperdition sur la ligne” ?


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