“Kaz atèr, kaz anlèr”

22 décembre 2006

Le n°27 d’“Akoz” vient de paraître. Comme son nom l’indique implicitement, il est consacré aux répercussions du passage de la kaz traditionnelle avec la kour, aux barres et tours apparues dans les années 1960. Au-delà de cette mutation, le collectif d’auteurs s’interroge non seulement sur le logement mais également sur les nouvelles formes de vivre ensemble qui en découlent.

Le premier texte est un inédit d’Alain Lorraine. Il est à recommander vivement, tant par sa poésie que par sa compréhension du changement qui se produit pour les personnes venant vivre dans les cités.
La seconde livraison est celle d’Alex Maillot. On ne peut que regretter que cet auteur n’aille pas au bout de ses propos “révolutionnaires” de logement gratuit pour les pauvres en indiquant dans le détail les chiffres de la nécessité du logement social, la défiscalisation qui n’encourage que les gros chantiers et non les HLM. A trop vouloir être utopique, l’auteur rate sa cible : l’urgence du réel.

Florence Desnot s’attelle à la tâche de montrer au lecteur le problème de la pression foncière. L’espace constructible se réduit d’année en année et les lotissements doivent être peu à peu abandonnés au profit des immeubles. Là encore, l’auteur ne va pas au bout de sa démonstration en faveur de l’urgence du logement social.

Alain Dreneau, pour sa part, livre une clé d’explication au succès des pique-niques, le sport favori des Réunionnais. Avec l’augmentation des kaz anlèr, donc des immeubles, depuis les années 60, les habitants ont perdu le lieu de sociabilité que représentait la kour. Ne pouvant plus se retrouver entre eux par manque de places, les gens se voient à l’extérieur. L’auteur déplore cette tendance.

Michel Watin et Eliane Wolf indiquent de leur côté que le logement réunionnais s’est amélioré (par exemple, il résiste mieux aux cyclones). Ils constatent, certes, que la sociabilité est moindre qu’auparavant, mais que la voiture permet aux gens de se déplacer et de se retrouver. En outre, ces auteurs montrent que les nouvelles technologies permettent de conserver un lien très fort avec La Réunion pour ceux qui « sautent la mer ».

Jean-Denis Compain, quant à lui, s’emporte contre les fausses cases créoles que l’on se met à construire à foison de nos jours, comme, ailleurs, les faux chalets savoyards.

Daniel Honoré rappelle les nombreuses superstitions qui sont liées à la kaz. Que ce soit chez les Malbar, les Chinois, etc..., tous ont un “truc” pour chasser les mauvais esprits qui peuvent s’introduire au sein de la maison.

Nicolas Roinsard montre qu’une personne interrogée stigmatise le fait que les gens ne s’aident plus comme avant. Or, après d’autres entretiens, il s’est rendu compte que ces derniers recevaient de très nombreuses aides de la collectivité publique. Celui-ci ne réalisait pas tout simplement qu’à la solidarité familiale d’antan s’était superposée la solidarité étatique, certes beaucoup moins personnelle, mais peut-être plus personnalisée.

Yves Colette nous avertit, un peu dans les pas de Florence Desnot, sur les dangers qu’il y aurait à ne pas penser la beauté, l’embellissement par les fleurs et la prise en compte de l’environnement dans les énormes besoins en logement social qui existent à La Réunion.

Est alors publié un extrait du rapport sur le mal-logement à La Réunion en 2006 de la Fondation Emmaüs. Ce texte met particulièrement en évidence les conditions difficiles dans lesquelles vivent les habitants originaires de Mayotte. Il stigmatise les « marchands de sommeil » qui louent de mauvais logements à des prix importants. Il met aussi en avant la xénophobie qui augmente à La Réunion vis-à-vis de cette population. Pour remédier à la situation, l’article espère notamment en la future départementalisation de Mayotte.

Patricia de Bollivier revient quant à elle sur la Casanoé, projet de kaz en kit à construire soi-même proposée par Alain Séraphine. C’est intéressant, mais il manque des photos pour montrer l’esthétique du logement.

Patrice Marcel propose enfin, dans un texte d’anticipation, une vision assez apocalyptique de La Réunion en 2037. On ne peut que regretter ici que rien n’ait été dit sur l’emploi dans tout le dossier. En effet, dans la description de l’émeute qui se produit dans le texte de Marcel, il n’est fait référence qu’au logement. Néanmoins, c’est prendre le problème par un bout, mais qui a été souvent pris dans ce dossier. En revanche, à aucun moment ou presque, l’important chômage de La Réunion n’a été stigmatisé dans la situation présente. Lorsqu’on lit un ouvrage sur les banlieues, sur le mal-logement, cette thématique est pourtant centrale !

Par ailleurs, comme nous l’avons déjà indiqué, nous regrettons de n’avoir rien lu sur la défiscalisation ou sur la faiblesse de l’argent donné par l’Etat par habitant réunionnais en comparaison avec la Corse.
Néanmoins, cette lecture constitue une bonne introduction à la problématique de l’habitat à La Réunion. En outre, de jolies illustrations de Mickaël Elma, un artiste peï, viennent arborer ce numéro.

Matthieu Damian


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