Le logement social en panne - 2 -

L’État, premier responsable

28 juin 2005

Pourquoi construit-on de moins en moins de logements sociaux alors que la demande reste très forte ? Les causes d’une telle situation sont nombreuses et certaines remontent loin en arrière. Et qui est responsable de ce problème qui atteint des proportions dramatiques ? Comme nous allons le démontrer, la responsabilité de l’État est la plus importante. Notamment parce qu’il a refusé les propositions unanimes faites par les Réunionnais, il y a 2 ans.

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La situation dans le domaine du logement social, où le nombre de constructions a tendance à chuter alors que la demande reste très forte (voir “Témoignages” d’hier) , fait que l’on peut parler d’un véritable “massacre” dans les D.O.M et en particulier à La Réunion.

La défiscalisation privilégiée

Les aides financières de l’État dans le domaine du logement ont été orientées vers la défiscalisation. À tel point que l’effort financier consenti par l’État est deux fois plus fort en moyenne pour un logement défiscalisé que pour un logement social : de l’ordre de 60.000 euros pour le premier, 30.000 euros pour le second (1). Deux fois plus pour la défiscalisation, alors que le logement défiscalisé est inaccessible aux familles modestes, et que le logement social est quant à lui attaché à des plafonds de ressources.
Cette politique déséquilibrée n’a été assortie par le gouvernement d’aucun moyen d’observation. Le ministère de l’Outre-mer ne connaît pas l’impact réel de la défiscalisation à La Réunion ; il est incapable d’en mesurer les effets pervers, de savoir à quelle hauteur elle a fait flamber les coûts du foncier et de la construction. Les bénéficiaires de cette politique sont les promoteurs, les investisseurs privés et les entreprises, mais les familles les plus en difficulté restent exclues du logement social, de plus en plus rare par rapport à la demande.

Les Réunionnais n’ont pas été écoutés

Il faut rappeler que la semaine du logement en avril 2003 avait rassemblé l’ensemble des acteurs du logement social : Préfet, Conseil régional, Conseil général, Association des maires, Caisse des dépôts, maîtres d’ouvrages sociaux.
La Charte de l’Habitat élaborée à cette occasion avait diagnostiqué les facteurs de blocage et tracé une “feuille de route” avec des propositions précises, en particulier pour la création d’un Fonds d’Aménagement apportant des moyens financiers à la hauteur des besoins.
On constate, deux ans après, que quasiment rien n’a été mis en place, en particulier rien pour changer de rythme sur le financement de l’aménagement, qui doit permettre de mobiliser le foncier pour le logement social, et qui conditionne tout le reste.
Pire, les mesures favorables prises en France hexagonale dans le cadre de la loi de Cohésion Sociale n’ont pas été appliquées dans les D.O.M. Il s’agit de l’engagement pluriannuel de l’État sur les crédits consacrés au logement social, intégrant le rattrapage des crédits de paiement. Au contraire, le déficit des crédits de paiement s’accroît : l’État ne paye plus ses dettes, l’ensemble de la filière est en danger (2).
La LBU 2005, personne n’en connaît le montant exact. La crédibilité du ministère des DOM et du gouvernement est mise à mal.

Des textes se sont fait attendre

Les textes d’application annoncés se sont fait attendre trop longtemps, comme la mise en place des PLS (Plans locatifs intermédiaires) annoncée en 2003 et sortie en avril 2005. Une fois sortis, ils n’ont pas répondu aux attentes :

- le décret de février 2005 a supprimé le PTZ (prêt à taux zéro) Dom et ne prend pas en compte les ménages aux revenus moyens fourchette basse.

- le nouveau texte sur le L.E.S, annoncé depuis plus d’un an (ce qui a bloqué les dossiers L.E.S en 2004), est en fait déconnecté de la réalité des coûts, suite à la hausse de ces derniers. Les L.E.S, plus que jamais, sont en danger de mort... et certains veulent leur peau.

Une photographie en 4 temps

La réalité de la situation aujourd’hui se lit sous l’aspect d’une photographie en quatre temps.
1 - Dans certaines communes, il y a des choix idéologiques derrière les chutes de production de logement (Saint-Denis, Saint-Pierre...). Des maires refusent l’implantation sur le territoire de leur commune de logements sociaux avec l’illusion qu’en ne faisant pas de logements sociaux, on n’aura plus de pauvres.
2 - Mais il reste des élus qui souhaitent construire du logement social. Ils rencontrent de vrais problèmes sur le financement de l’aménagement. Cela empêche souvent la faisabilité des opérations (coût du foncier, amplifié par la défiscalisation), et donc la présentation des dossiers au financement LBU.
3 - Mais même s’ils ont eu un programme financé par la LBU, les difficultés supplémentaires existent pour le mettre en chantier : les appels d’offres sont de plus en plus infructueux, avec la hausse des coûts de la construction, accélérée par la défiscalisation. Rallongement des délais, voire abandon de projets. Les paramètres de financement du logement social (prix plafond trop bas...) ne prennent pas suffisamment en compte cette hausse des coûts.
4 - Enfin, le dernier blocage - et non le moindre - est le non-paiement par l’État de ce qu’il a engagé, du fait de crédits de paiement totalement insuffisants, dont le retard cumulé met dans le rouge opérateurs et entreprises, qui sont obligés de puiser dans leur trésorerie et de supporter des frais financiers non prévus.

Une politique détruite

Y a-t-il encore une politique du logement social à La Réunion ?
Non, elle a été détruite.
Aujourd’hui, il faut tout faire pour que le nouveau ministre des D.O.M prenne une pleine conscience de l’importance du logement social pour la cohésion de la société réunionnaise. Le premier discours de M. Baroin n’a pas mentionné une seule fois le problème du logement... Mais il faut être positif, et avancer des axes de propositions.

(1) 40% de défiscalisation sur un investissement moyen d’un logement d’un million d’euros. Et 30 à 40% de subvention sur un logement locatif social moyen de 75 à 90.000 euros.
(2)Un opérateur de l’amélioration (la SICA Habitat rural) a demandé une avance de trésorerie au Conseil général en 2004. Un autre opérateur (le PACT Réunion) vient de décider de ne plus monter d’opération lourde (financement LBU). Certains autres opérateurs sociaux sont fragilisés, plongeant à leur tour les petites entreprises et les artisans dans de graves difficultés.


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