Association “Un toit pour vivre”

L’État se désengage, l’associatif trinque !

24 février 2005

Depuis 10 ans, Georges Madarassou propose un logement en collocation à des personnes sans “Un toit pour vivre”. Le 31 mars, cette association au service des plus nécessiteux, précaires et érémistes, fermera ses portes si l’État ne s’engage pas à la soutenir financièrement.

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Comme beaucoup de structures associatives qui se caractérisent par leur liberté d’initiative, “Un toit pour vivre” tend la main à une frange grandissante de la population qui vit une véritable détresse sociale et humaine. La solidarité populaire au service des intérêts généraux fait son œuvre jusqu’au jour où un incident regrettable vient remettre en cause la légitimité associative. Mais qui doit-on vraiment accuser d’ingérence ? Celui qui tend la main, ou celui qui la garde dans sa poche sans en sortir un sou ?

Un bonheur n’est jamais durable

Demandeurs d’emplois, salariés précaires, personnes suivies psychologiquement ou pour des comportements d’addiction à l’alcool... Grâce à “Un toit pour vivre”, ces personnes trouvent un refuge pour tenter de se réinsérer professionnellement, socialement, pour tenter de retrouver dignité et confiance en soi, pour essayer de vivre et de se construire, comme tout le monde.
Après 10 ans d’expérience associative, Georges Madarassou, président de l’association, constate qu’"un bonheur n’est jamais durable". La vie peu basculer du jour au lendemain et ceux que la société catalogue avec déni comme des “alcoolos” pouvaient être hier avocat ou gérant d’entreprise. "Beaucoup boivent avec chagrin et il suffit d’un déclic, d’une main tendue pour les aider à s’en sortir (...). Lorsque l’on est CES, érémiste, à force de tourner en rond, il peut arriver que l’on boive et que l’on devienne agressif", explique Georges Madarassou, sans chercher à excuser ces personnes mais plutôt en essayant de comprendre les racines du mal. Il a ainsi décidé de mettre un peu de lui, de son temps et de son argent au service de ces personnes trop souvent incomprises, en marge de la société.

Un tremplin

C’est ainsi que les assistantes sociales de La Réunion, la Maison des Oliviers, dans les Hauts de Saint-Gilles ou encore l’Institut Debré font appel aux services d’“Un toit pour vivre” pour des placements provisoires. Sur un loyer de 290 euros, charges comprises, 60% est pris en charge par la Caisse d’allocations familiales et le résiduel, à peu près 110 euros, par le colocataire qui bénéficie d’un logement meublé. "C’est le maximum que l’on peut demander à un érémiste", soutien Georges Madarassou qui engage sa responsabilité morale et financière (17.000 euros en 10 ans) auprès des bailleurs.
L’association et le colocataire, de plus de 30 ans, signent un contrat de location pour 6 mois, période durant laquelle il pourra mener un projet professionnel et tenter d’obtenir un emploi. Si ce dernier n’a pas abouti, alors le contrat est reconduit encore pour six mois. Il arrive pourtant que même avec un emploi, le montant de la fiche de paie ne permette pas à la personne d’accéder à un logement. C’est pour cette raison que depuis 4 ans, l’association accueille toujours un jeune homme qui n’a d’autres toits. "Nous sommes censés être un tremplin, sinon c’est une vie gâchée", déplore le président de l’association qui loge actuellement 42 personnes, dont 3 familles avec des enfants.
En 10 ans, “Un toit pour vivre” aura permis au moins à 10 personnes par an de "sortir avec le sourire", de "retrouver une vie normale", explique Georges Madarassou qui aujourd’hui, avoue sa lassitude. Ce vendeur textile, parti de rien pour parvenir à développer son commerce et mettre au service des autres le fruit de son travail, est aujourd’hui mis injustement sur la sellette.

Quel rôle joue l’État ?

À la suite d’un homicide intervenu dans un des logements de l’association, les services de la DRASS ont dénoncé à la Préfecture le manque de professionnalisme et d’organisation démocratique de la structure qui tient pourtant, chaque année avec ses 11 membres, 8 conseils d’administration et une assemblée générale (pièces officielles remises en préfecture à l’appui).
Effectivement, Georges Madaroussou n’a jamais prétendu être un travailleur social. "Si vous soignez quelqu’un pour qu’il se retrouve dans la rue, c’est un travail pour rien", déplore-t-il, constatant que les services sociaux se déchargent du suivi du public placé, ne font pas un travail concret d’accompagnement.
Jusque-là, le président supportait cette ingérence, mais après les propos accusateurs dont son association a été victime et qui lui ont "foncièrement déplus", l’engagement de Georges Madarassou s’en est trouvé ébranlé. Après être passé de 23 appartements à 10, suite à ce litige, il menace de cesser toute activité, si l’État ne prend pas ses responsabilités. "C’est un public qui relève de l’État. Quel rôle joue-t-il ?", interroge Georges Madarassou qui se demande alors pourquoi continuer à aider ces personnes en marge de la société.
Alors qu’il reste encore à sa charge 1.000 euros d’impayés à la suite de la fermeture des appartements, il dit avoir envie de quitter son poste, mais sait pertinemment qu’aujourd’hui, "aucun président n’accepterait cette situation peu claire, sans appui de l’État et du Département".
Suite à un article paru chez nos confrères du “JIR”, le vice-président du Département, Ibrahim Dindar, dit avoir pris bonne note de la situation de l’association et a assuré cette dernière de son soutien. Georges Madarassou, bien que fatigué, reste confiant et espère qu’une solution partagée pourra être trouvée avant d’en arriver à l’alternative finale d’une fermeture.

Estéfany


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