Pourquoi pas à La Réunion ?

La réquisition : un moyen légal d’atténuer la crise du logement

Une loi rappelle que le droit est révolutionnaire

1er février 2007, par Manuel Marchal

Mesure spectaculaire, médiatique et efficace, la réquisition est là pour rappeler que le droit est un moyen sur lequel peuvent s’appuyer les luttes pour une société plus juste.

Chassée par les effets pervers de la défiscalisation, la hausse des loyers, l’insuffisance de logements sociaux, une grande partie de la population réunionnaise, à défaut d’accéder à un logement social, est contrainte de se loger dans des taudis ou vit dans la rue.
À La Réunion, plus de 26.000 familles ayant droit à un logement social en sont privées, plus de 20.000 autres s’entassent dans des bidonvilles. Face à cette demande, le nombre de logements sociaux construits ne fait que diminuer, il est loin d’atteindre les objectifs minimaux.
Dans le droit, des mesures existent pour faire face à des situations aussi urgentes que celles que vit actuellement La Réunion. Si elles ne peuvent pas, à elles seules, résoudre le problème, elles ont le mérite, lorsqu’elles sont appliquées, d’être une étincelle qui éveille les consciences. Parmi ces mesures, la plus médiatique est sans nul doute la réquisition. Elle reconnaît le droit à une famille sans-logis ou mal-logée d’occuper temporairement un local d’habitation en attendant que sa situation s’améliore.

Des lois pas appliquées

Dans le contexte réunionnais, il est certain que la réquisition sera loin de tout régler, notamment du fait de la pression de la demande. Mais sa mise en œuvre résolue peut signifier un pas en avant plus que symbolique dans la lutte menée depuis des décennies par les Réunionnais pour faire respecter le droit au logement. Légalement, la réquisition est du ressort du Préfet, mais en France, des associations telles que Droit au logement s’appuient sur ce texte pour occuper des locaux vacants au profit de personnes sans-logis. À La Réunion, chacun a encore en mémoire l’occupation de l’ex-hôtel Armony par les militants de l’association Momon papa Lé La. Lorsqu’elles sont menées, ces initiatives spectaculaires placent la bataille pour le droit au logement sous les feux de l’actualité, ce qui oblige chacun à prendre ses responsabilités.
Car dans l’attente de la mise en œuvre effective d’un droit au logement opposable devant les tribunaux, les lois votées en France depuis plus de 50 ans sont des moyens de lutte qui, malheureusement, ne sont pas toujours appliqués.

Société plus juste

Ils offrent pourtant des outils capables de protéger de l’insalubrité une population touchée de plus en plus par la perte de pouvoir d’achat, la précarisation croissante de l’emploi et le sentiment de ne pas être entendue. Autrement dit, le contenu de ces textes de loi est porteur d’espoir pour toutes celles et tous ceux qui bataillent pour une société plus juste. Les avancées obtenues depuis 60 ans à travers la lutte pour l’égalité rappellent que lorsqu’une cause est juste, et quand en plus elle s’appuie sur des fondements légaux, alors elle ne peut que triompher.
Cette bataille pour l’égalité est menée sur la base de la loi du 19 mars 1946 qui reconnaît en droit l’égalité entre Français et Réunionnais. Or, la loi reconnaît aussi le droit de tous à un logement décent. Et ce droit est applicable à La Réunion. C’est dans cette perspective que se situe ce coup de projecteur sur la réquisition, un des moyens d’application du droit au logement. Cette mesure est là pour rappeler que le droit est bien révolutionnaire dans le sens où il concourt à jeter les bases d’une société plus juste.

Manuel Marchal


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