Entretien avec le directeur du CILR

Le locatif intermédiaire : oui mais comment ?

30 octobre 2004

La Réunion a besoin de logements intermédiaires, pour permettre à certaines familles de déménager, afin de laisser le logement social à ceux qui en ont le plus besoin. Les modalités financières de cet outil n’étant pas encore définies, il est difficile pour le Comité interprofessionnel du logement de La Réunion de répondre à la demande.

Il manque tellement de logements à La Réunion que le “locatif intermédiaire” pourrait répondre aux besoins. À condition de pouvoir être appliqué. À l’occasion de la visite dans notre île du directeur général de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction (ANPEEC), François Didier Lemoine, le Comité interprofessionnel du logement de La Réunion (CILR) avait fait le point sur les mesures de modernisation du 1% Logement.
Il avait été question plus particulièrement de la location accession par le biais du Logement évolutif social (LES), (voir notre édition du mercredi 20 octobre). Depuis, nous avons rencontré le directeur du CILR Richard Cachoux pour en savoir un peu plus sur le logement locatif intermédiaire à La Réunion.

Vous nous avez dernièrement parlé de l’action du CIL en faveur du LES, mais qu’en est-il du logement locatif intermédiaire ?

Richard Cachoux. À part la philosophie, on ne connaît ni les taux, ni la durée des prêts. Que ce soit le CIL ou n’importe quel opérateur social, nous avons le souci de l’équilibre de l’opération. Il faut que le loyer de sortie soit en adéquation avec les ressources du bénéficiaire, sinon c’est l’échec garanti.
Pour faire du logement locatif intermédiaire, il faut pouvoir mobiliser des prêts et connaître le coût des loyers. Il faut faire des opérations de simulation, voir si le produit correspond au type de la population.

Quelle frange de la population pourrait y prétendre ? Les bénéficiaires des logements sociaux ?

- C’est très difficile à identifier. La loi prévoit de pratiquer le surloyer pour les personnes qui occupent des logements sociaux et dont les ressources sont supérieures à celles nécessaires pour y accéder. La pratique des surloyers dépend des opérateurs sociaux, mais apparemment, il est possible de passer outre. La population résidant dans les logements sociaux taxée de surloyer est marginale.
Ce n’est donc pas dans cette tranche de la population que l’on peut identifier les bénéficiaires du logement intermédiaire. Si la politique du surloyer était appliquée, après avoir établi des critères de sélection, on pourrait proposer du logement intermédiaire, mais en l’état, quel argument proposer au client pour déménager ?

Quel(s) avantage(s) offrirait le logement intermédiaire ?

- Tout d’abord, pour le bénéficiaire, c’est une classe de logement supérieure qui correspond à ses ressources et qui est très peu taxée. L’État offre un outil financier adapté : le PLS*, qui exonère les opérateurs de la taxe foncière, et permet aux organismes financiers de proposer des prêts à taux intéressants.
Pendant 15 ans, les opérateurs ne paient pas la taxe foncière (soit 0,80 euro en moyenne par mètre carré et par mois), économie qu’ils répercutent sur le prix du loyer.
Seulement, on ne connaît pas les conditions financières de cet outil. La Caisse des dépôts et des consignations vient de mandater une mission sur le PLS. En tant qu’opérateur patrimonial, le CIL est intéressé par cet outil. Mais c’est un mécanisme financier complexe qui s’analyse en fonction des résultats de la simulation.

Par le biais de l’Agence nationale de rénovation urbaine, le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo met en avant le principe de mixité dans les quartiers. Le logement intermédiaire est-il souhaité et nécessaire ?

- On sait qu’il y a un besoin de logement intermédiaire, que ce type de produit peut permettre de libérer les logements sociaux en faveur de ceux qui en ont le plus besoin. L’intérêt du logement intermédiaire, c’est qu’il offre un vrai parcours résidentiel, mais je ne pense pas qu’il améliorera la mixité. Aujourd’hui, la mixité existe déjà au sein des logements sociaux, avec la cohabitation de personnes aux revenus différents.
Pour trouver le client, il faut penser en terme de parcours résidentiel, identifier les personnes qui peuvent passer du logement social à l’intermédiaire, dans le cadre de l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) et dans d’autres cadres, pas forcément en mixité.

Pour développer le logement à La Réunion, le foncier est un problème majeur. Avez-vous des réserves foncières ?

- Notre activité ne nous permet pas d’avoir de réserve foncière, juste des opportunités. Il nous arrive d’acheter des terrains à des particuliers qui nous les proposent, avec même parfois un permis de construire qu’ils ne peuvent pas honorer.

Que pensez-vous du travail d’acquisition massive préconisé par l’Établissement public foncier ?

- Nous soutenons pleinement son action, que nous attendions depuis longtemps, mais le soutien de tous les maires était nécessaire pour déléguer le droit de préemption. Avec l’arrivée des privés et de la défiscalisation, les prix des terrains ont flambé et le coût de construction avec. Ces investisseurs ne font pas forcément du patrimonial.
Si les logements privés continuent de se développer, les opérateurs sociaux tels que le CIL seront confrontés à une véritable problématique. Le plan départemental de cohésion sociale du Département parle de 1.500 à 2.000 logements sociaux en plus des 3.500 construits par an. C’est une bonne chose mais où construire et avec quel argent ?
La présidente du Département estime que les fonds seront disponibles, cependant le coût de la construction reste élevé. Les entreprises de BTP (bâtiment et travaux publics) ont leurs carnets de commandes pleins. Elles élèvent ainsi au maximum la barre financière des logements sociaux. Il faudrait plus de concurrence sur ce marché pour arriver à des coûts de construction raisonnables.

Travaillez-vous en partenariat avec les communes ou les collectivités ?

- Avec la réforme de la décentralisation, ce n’est plus l’État qui distribuera les financements des logements sociaux, mais les collectivités locales à travers les EPCI. Lorsque l’on nous demandera d’appliquer les 1% Logement, nous regarderons avant tout les intérêts des entreprises et de leurs salariés. L’exiguïté de notre territoire, le profil de sa population rendent particulier et complexe le développement du logement à La Réunion.
De plus, du jour au lendemain, la loi Girardin sur la défiscalisation peut être revue, tout comme l’État peut ponctionner à nouveau sa Ligne budgétaire unique. Le contexte est incertain, mais malgré cela, le CILR souhaite participer au développement du département, le soutenir au mieux de ses capacités.

Propos recueillis par Estéfany

* Le LLTS correspond au logement locatif très social, le LLS au logement locatif social. Le PLS, déjà appliqué en Métropole, est un produit locatif intermédiaire dont on ne connaît pas encore les critères locaux d’application.
** La vocation du CILR est de fournir des logements sociaux aux salariés des entreprises qui cotisent au 1% Logement. Cependant, le problème est tellement crucial à La Réunion que le LES constitue une grande part de l’activité du CILR.


Mayotte : grave crise du logement

Prestations sociales faible et abus de certains couples : le logement social est nécessaire, mais le LES semble difficilement applicable.

À Mayotte, de nombreuses zones d’insalubrité sont encore à réhabiliter. Afin de soutenir cet effort, les représentants de l’ANPEEC et le directeur du CILR se sont rendus sur place la semaine dernière, afin d’étudier les éventuelles possibilités d’application du LES.

Mayotte dispose depuis le 13 juillet 2001 d’un nouveau statut de collectivité départementale. Bien que le développement des infrastructures de base ait permis depuis une quinzaine d’années l’essor économique de l’île, sa situation sociale reste particulièrement fragile. Pour y appliquer le Logement évolutif social, Richard Cachoux relève trois principaux problèmes : l’identité, le foncier, la précarité.
Les essais de logement social réalisés par la CASE SIM (Société d’économie mixte de Mayotte) révèlent certains abus de la part des couples mahorais qui, unis à la mosquée, n’ont pas d’existence maritale légale au sens de la loi française.

160.265 habitants sur 374 km2

Sans qu’un recoupement soit possible, chacun des membres du couple fait ainsi une demande de logement social et accède à deux logements pour une même famille. Généralement, elle occupe l’un et loue l’autre.
Le second problème rencontré à Mayotte, comme à La Réunion, reste le foncier. Selon les dernières données de l’INSEE, 160.265 habitants étaient recensés en 2002 pour une superficie totale (Petite Terre et Grande Terre) de 374 kilomètres carrés.
Enfin, le troisième problème qui entrave l’application du LES reste la précarité de la population. À Mayotte, "les prestations d’aides personnelles sont nettement inférieures" à celles qui ont cours à La Réunion et "la population a peu ou pas du tout de ressources", souligne Richard Cachoux.
Selon les chiffres récents de la Direction du travail, le SMIG horaire mahorais s’élève à 3,25 euros pour un SMIG mensuel brut de 549 euros. Dans ces conditions, il semblerait que la piste du LES soit difficilement applicable.

Estéfany


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