Marc-Philippe Daubresse à “Témoignages”

’Le logement est une des priorités absolues’

22 décembre 2004

À l’occasion de la visite qu’il effectue aujourd’hui et demain à La Réunion avec son collègue Jean-Louis Borloo, “Témoignages” a interrogé le ministre délégué au Logement et à la Ville, Marc-Philippe Daubresse, sur les attentes des Réunionnais en matière de politique gouvernementale de l’habitat social. Nous publions ci-après le texte de cet entretien, en espérant que le gouvernement mette ses actes en conformité avec ses paroles.

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o Les autorisations de programme de la LBU 2004 viennent d’être rétablies en conformité avec les engagements pris en début d’année par le gouvernement. Mais il y a aussi les CRÉDITS DE PAIEMENT, autrement dit le versement effectif des subventions de l’Etat. Or ces crédits de paiement sont aujourd’hui bloqués. Plus de 20 millions d’euros sont dus par l’Etat aux opérateurs et aux entreprises. Le gouvernement a-t-il décidé de débloquer une situation proche de l’asphyxie ?

- Nous sommes venus avec Jean-Louis Borloo pour élaborer un plan exemplaire réunionnais de cohésion sociale conformément aux engagements pris vis-à-vis des parlementaires de La Réunion, quelle que soit leur origine politique.
Le préalable que nous avons posé avec Brigitte Girardin pour élaborer ce Plan est le dégel des autorisations de programme de la LBU. Nous l’avons obtenu du Premier ministre, malgré le contexte économique difficile que traverse actuellement notre pays.
C’est une première, il faut maintenant que Brigitte Girardin se penche sur les crédits de paiement. Je sais pour en avoir depuis discuté avec elle qu’elle y est très sensible et qu’elle fera tout pour que les retards de paiements soient résolus dans les meilleurs délais. Néanmoins, dès cette année un effort a été fait puisque 60 millions d’euros qui ont été versés contre 36 millions en 2003.
Au plan national, la dette HLM contractée par l’Etat est bien plus importante et cela ne date pas d’hier puisqu’elle a été contractée sous le précédent gouvernement. Nous nous engageons à la résorber sur la durée du Plan, c’est-à-dire 5 ans. Il faut tendre au même objectif pour les crédits spécifiques de la LBU dans les DOM. Je peux vous garantir que la situation sera suivie avec attention l’année prochaine et que les choses évolueront très positivement pour l’Ile.
Par ailleurs, toutes les mesures prévues dans le cadre du Plan de cohésion sociale et de la rénovation des quartiers seront financées sans différé de crédits de paiement.

o Un des facteurs de blocage du logement social à La Réunion est le financement de l’équipement et de l’aménagement des terrains. Lors de la Semaine réunionnaise du Logement tenue en avril 2003, il a été proposé - à l’unanimité des partenaires, dont le Préfet de La Réunion - la création d’un FONDS D’AMÉNAGEMENT DES QUARTIERS (FAQ), dont l’État est financièrement responsable au premier chef. Le gouvernement a-t-il renoncé à créer et financer cet outil indispensable pour débloquer le logement social à La Réunion ?

- Avec Jean-Louis Borloo, nous venons pour dialoguer avec les acteurs du logement et de l’emploi, avec les élus locaux, nous sommes donc très attentifs à leur proposition de création d’un fonds d’aménagement des quartiers. Je salue d’ailleurs la qualité des Assises du logement qui ont eu lieu en 2003 à La Réunion, les propositions faites à ce moment là ont été entendues et la circulaire du 23 juillet 2004 créant la PAQ, Participation à l’Aménagement des Quartiers, prévoit des dispositions spécifiques pour La Réunion.
En outre, le budget du ministère de l’Outre-mer prévoit pour 2005 une enveloppe de 10 millions d’euros. D’ores et déjà, 10 projets sont en préparation sur l’Ile de la Réunion. L’État doit, certes, participer à l’aménagement mais ne peut pour autant se substituer aux communes et aux EPCI.

o Pour rester sur le problème crucial de l’aménagement des terrains, mais à terme immédiat, on sait que les ressources financières du FRAFU (Fonds Régional d’Aménagement Foncier et Urbain) sont d’ores et déjà consommées pour la période courant jusqu’à 2006. Quel apport le gouvernement compte-t-il effectuer afin de rendre constructibles les terrains pour le logement social ?

- L’aide moyenne de l’Etat par logement construit est ici de 23.000 euros c’est-à-dire presque dix fois plus qu’en Métropole mais il est certain que si nous voulons relancer la construction de logements sociaux, il faut agir simultanément sur le prix du foncier et sur le coût de la construction. Il faut donc essayer de comprendre pourquoi. Il n’y a, actuellement, plus d’argent sur ce fonds qui est en quelque sorte “victime” de son succès. Nous allons accepter la proposition du Conseil général de remettre de l’argent à parité avec l’Etat pour un montant de 10 millions d’euros, ce qui permettra de mettre 3.000 logements supplémentaires en construction. Il faut également rappeler que jusqu’à présent, 29 millions d’euros étaient inscrits sur le FRAFU secondaire, dans le cadre du Contrat de plan. L’Etat a tenu ses engagements et les crédits ont été versés.
J’envisage également des mesures spécifiques pour les DOM qui seront dans la loi “Habitat pour Tous” que je présenterai au Parlement avant l’été prochain.

o Lors du dernier Conseil Départemental de l’Habitat, le 14 décembre dernier, la quasi totalité des intervenants a pointé le fait que les diverses lois de défiscalisation ont provoqué une envolée des prix du foncier. La ministre de l’Outre-Mer, Mme Girardin, a devant le Sénat accepté le principe d’une étude d’impact de la défiscalisation, notamment sur la construction. Cet engagement sera-t-il rapidement tenu ? D’une façon plus générale, quelles dispositions comptez-vous prendre pour ramener le coôut du foncier à un prix compatible avec la construction de logements sociaux ?

- La spirale à la hausse des prix des terrains s’explique en partie par la défiscalisation et du fait que l’on construit des logements pour des catégories de population aisées. Or, le mécanisme de défiscalisation était très attendu pour favoriser la construction de logements. Il faut donc recentrer les aides de l’Etat pour construire des logements pour les plus modestes et pour les classes moyennes.
A cet effet, nous avons pris des mesures sur la LBU pour la mobilisation du foncier. En outre, je vais présenter au Parlement avant l’été prochain le projet de loi “habitat pour tous” et je prévois d’y intégrer ses mesures spécifiques pour les DOM. Enfin, je soutiens tout à fait l’étude d’impact sur la défiscalisation proposée par Brigitte Girardin compte tenu de la grave crise du logement que traverse l’Ile de La Réunion ; plus tôt cette étude sera réalisée, mieux ce sera.

o Depuis près de 20 ans, le Logement Evolutif Social (LES), autrement dit l’accession sociale à la propriété, a fait ses preuves ; il a été un élément important de réponse aux besoins de nombreuses familles modestes à La Réunion, en particulier dans les opérations RHI. Mais au fil des ans, le LES s’est fragilisé, du fait de la hausse des coûts, de réglementations pas toujours adaptées, de la part moindre de la subvention.... Conséquence : l’apport initial demandé aux familles atteint souvent aujourd’hui sa limite. M. le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le gouvernement a pris les mesures qui permettront de préserver la faisabilité du LES ?

- Le LES est un produit original dans les DOM et connaît un grand succès à La Réunion. Donc naturellement nous comptons maintenir et préserver le LES. D’ailleurs, le gouvernement va dès le début de l’année prochaine, très probablement en janvier publier une circulaire destinée à favoriser le dispositif du LES groupé. Jusqu’à présent, le logement évolutif social était reconduit d’année en année. Nous avons donc bien l’intention de le pérenniser. Nous étudions avec nos partenaires du 1% logement la mise en place de prêts à taux réduits.
Cependant, ce n’est pas le seul moyen d’accéder à la propriété pour les plus démunis. Le nouveau Prêt à Taux Zéro sera ouvert à l’ancien, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent et les plafonds de ressources sensiblement augmentés. Nous allons donc immédiatement l’adapter à la situation des DOM. Nous avons également prévu une adaptation du Plan social de location accession, le PSLA qui apporte une grande sécurité financière et permet à des locataires de devenir propriétaires au bout d’une période de location.
Nous étudions actuellement les mesures qui permettraient d’améliorer la faisabilité de l’ensemble de ces mesures dans le cadre de la futur loi "Habitat pour tous" dont je vous ai parlé.

o Les besoins de La Réunion en logements sociaux sont considérables : 24.000 logements (10% du parc) encore insalubres, un million d’habitants à l’horizon 2020 (pour 760.000 aujourd’hui) etc... Un accord général s’est établi sur un rythme minimum annuel nécessaire de 6.000 logements sociaux neufs. Or c’est dans une crise sans précédent que la filière est en train de s’enfoncer. Quelle politique du logement le gouvernement compte-t-il mettre ne place dans les DOM, et en particulier à La Réunion ?

- Comme vous le verrez dans les jours qui viennent, Jean-Louis Borloo et moi comptons agir sur tous les leviers pour sortir de la crise du logement qui est avant tout une crise de l’offre. Nous allons mettre en œuvre tous les leviers existants dans les domaines de l’accession sociale à la propriété, le locatif social et des actions sur le foncier.
Nous considérons que le logement est une des priorités absolues et à ce titre nous plaçons la barre haut. Je prévois dès 2005 la construction de 4.300 nouveaux logements, soit une augmentation de 40% par rapport à l’année qui s’achève tout en continuant les actions de prévention contre l’habitat insalubre. Par ailleurs, 400 nouveaux Prêts Locatifs Sociaux, qui n’existaient pas l’an dernier, vont être produit. À cela s’ajoutent également des exonérations fiscales d’un montant de 50 millions d’euros sur la durée du Plan et l’application du nouveau dispositif de prêt social location-accession qui permet, avec une très grande sécurité financière, de devenir propriétaire de son logement au terme d’une période de location.


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