DROIT DES REUNIONNAIS AU LOGEMENT

Le logement social en panne faute de moyens financiers de l’Etat

23 décembre 2008, par Alain Dreneau

Un retour en arrière s’impose pour bien prendre la mesure de la gravité du problème du logement à La Réunion. Nous sommes en avril 2003... Le logement social, déjà, tourne dangereusement au ralenti. Suite à une semaine de débats entre tous les acteurs réunionnais de la filière, une “Charte de l’Habitat” est élaborée. Elle propose au gouvernement un ensemble de solutions concrètes pour sortir de l’impasse. Plus de 5 ans plus tard, alors que cette Charte est restée lettre morte et que la situation s’est encore dégradée, force est de constater que le logement social à La Réunion est en panne totale. Le CDH (Conseil Départemental de l’Habitat) du 15 décembre dernier a remué à nouveau le couteau dans la plaie. Il faut donc dire et redire aujourd’hui que le premier mal qui tue le logement social à La Réunion est le manque de volonté politique de la part d’un pouvoir qui ne pense qu’à réduire les crédits qu’il devrait lui consacrer.

« Les mêmes constats sont sans cesse répétés », a regretté la présidente du Conseil général lors du dernier CDH. Et c’est vrai que les 1.500 à 2.000 logements sociaux livrés chaque année, comparés aux quelque 6.000 logements reconnus comme nécessaires, reviennent en boucle dans les diagnostics. De même que les 24.000 logements insalubres. De même que les 30.000 demandes de logement non satisfaites (et ce n’est pas la loi DALO qui y changera quelque chose).

Inlassablement aussi, est mise en évidence la dévalorisation des subventions de la LBU (Ligne Budgétaire Unique) face à l’augmentation des coûts de la construction. A maintes reprises, depuis des années, dans nos colonnes en particulier (1), il a été question des « paramètres de financement de la LBU », insuffisants pour permettre le financement des opérations de LLS et LLTS (2).

L’écran de fumée de Paris

Or, le rattrapage de ces paramètres n’a jamais été décidé par le gouvernement. Certes on annonce la sortie d’un prochain décret relatif aux subventions pour la réalisation des logements sociaux et très sociaux dans les D.O.M. Mais ce décret ne sera pas suffisant pour régler le problème (3). Il risque d’ailleurs d’être imposé par le Ministère des Finances sans qu’aient été prises en compte les positions critiques de la Région et du Département.

Persistant depuis des années, cette mauvaise querelle à propos de la hauteur des subventions permet en fait à Paris de soulever un écran de fumée pour cacher la rétention de financement opérée par le gouvernement. « Comment pouvez-vous prétendre à une augmentation de l’enveloppe de la LBU alors que vous n’êtes pas capables d’en assurer la consommation complète ? » : voilà le discours tenu régulièrement par les représentants de l’Etat vis-à-vis des collectivités et promoteurs sociaux réunionnais. Ce discours culpabilisant cache le fait que bon nombre d’opérations de construction de logements sont tout simplement infaisables, vu l’insuffisance des subventions.

La défiscalisation : une ressource aléatoire

Alors arrêtons les faux procès et débloquons le système. Encore faut-il que l’Etat mette les moyens financiers nécessaires, ce qui doit passer avant tout aujourd’hui par une augmentation de la LBU. La LBU doit rester le socle intangible. En effet, la défiscalisation réorientée vers le logement social, telle qu’elle se présente dans le dispositif technique prévu, est loin d’être opérationnelle. Et le récent plafonnement des niches fiscales accentue encore son caractère non attractif. La défiscalisation constitue donc une ressource aléatoire.

Dans ces conditions, il n’est nullement rassurant de relever dans le rapport du CDH un écart impressionnant entre l’annonce des besoins financiers (125 millions d’euros) (4) qui correspondent aux 5.400 logements “affichés” au titre de l’année 2009, d’une part, et d’autre part, le montant de la LBU qui sera affecté à La Réunion (80 millions d’euros) pour cette même année. Laisser entendre que les 45 millions d’euros manquants pourront être comblés par la défiscalisation relève du leurre (5).

Alors, comment apprécier le positionnement de l’Etat vis-à-vis du dramatique problème du logement social dans les D.O.M.? Il refuse de traiter le problème de fond - dont il est responsable - qui est le manque de moyens financiers. La comparaison avec son positionnement pour la France hexagonale est éloquente. Là-bas, il y a un « plan de relance » décidé par le président de la République avec 240 millions d’euros d’aide à la pierre supplémentaires. Ici, c’est l’“oubli” total. Où est le moindre bonus sur la LBU ? Il y a bel et bien un “Plan Marshall” pour le logement en métropole. Celui annoncé pour La Réunion n’est qu’une illusion.

Alain Dreneau

(1) Voir, entre autres, “Témoignages” des 30 janvier 2007, 13 mars 2007, 25 juillet 2007, 10-11 novembre 2007, 18 décembre 2007, 3-4 mai 2008...
(2) LLS : Logements locatifs sociaux. LLTS : Logements locatifs très sociaux
(3) Les améliorations insuffisantes apportées par le décret ne permettront pas la réalisation de logements offrant des loyers compatibles avec les faibles ressources des familles locataires.
(4) Rapport du CDH du 15 décembre 2008 page 34
(5) ... surtout quand on apprend que le cumul LBU + “défisc” est considéré comme illégal par le ministère des Finances !

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