Un reportage sur le site internet “Place Publique”

« Le Port : du bidonville au logement sur mesure »

29 juillet 2004

On lira ci-dessous de larges extraits d’un reportage d’une journaliste, Corinne Gonthier, sur la politique de lutte contre l’habitat précaire menée depuis trois décennies par la municipalité du Port. Un reportage paru sur le site internet “Place Publique”. Un site qui promeut les « initiatives citoyennes ».
En observatrice attentive des réalisations qui, sur le territoire français, tentent d’associer les habitants au développement de leur quartier et de leur ville, l’auteur de l’article salue l’ambition et la réussite portoises. Ce qui est écrit à ce propos doit inciter l’équipe de responsables portois à poursuivre l’aménagement de la ville en conservant - et même en améliorant sans cesse - la même démarche.
Mais au-delà de ces points positifs, il convient de garder à l’esprit le contexte gravissime du logement social à La Réunion. Plus de 20.000 logements insalubres abritent encore des familles réunionnaises. Des milliers d’autres logements connaissent la suroccupation et la promiscuité. Et chaque année, la croissance démographique apporte son lot de demandes supplémentaires.
Face à ces besoins immenses, la filière de production du logement social est très loin d’atteindre les objectifs qui lui sont unanimement fixés. (voir “Témoignages” des 17 et 19 juillet 2004)

« Grâce à une politique très volontariste de la municipalité, les bidonvilles du Port sont progressivement éradiqués et remplacés par des logements “sur-mesure” conçus en étroite concertation avec leurs occupants ». (photo Corinne Gonthier)

À la fin des années 70, plus de la moitié des habitants de la ville du Port, située sur l’île de La Réunion, vivait dans des bidonvilles. Grâce à une politique très volontariste de la municipalité, ces bidonvilles sont progressivement éradiqués et remplacés par des logements “sur-mesure” conçus en étroite concertation avec leurs occupants. Un vrai modèle de participation des habitants.
Dans cette commune réunionnaise, les bidonvilles se sont développés de manière spontanée, il y a de nombreuses années. Depuis près de trente ans, la municipalité s’est engagée dans un vaste programme d’éradication de cet habitat insalubre et en a fait l’un des axes majeurs de son projet de ville.
"Au Port, nous en sommes aujourd’hui à la quatrième opération de RHI (résorption de l’habitat insalubre)" (1), indique Jean-Yves Langenier, le maire du Port.
"Nous avions démarré au Cœur Saignant, un quartier qui était à l’époque le plus gros bidonville de l’île abritant 6.000 personnes : nous avions tout rasé et relogé les personnes dans d’autres secteurs de la commune. (...)" (2)

Réviser ses pratiques

Dans les bidonvilles, explique-t-il encore, "la cohésion sociale est forte. Contrairement à ce qui se passe dans les secteurs neufs que nous avons construits à l’époque, il y existe peu de délinquance et de criminalité". Ayant vu surgir des problèmes sociaux de cette nature dans les nouveaux quartiers, la ville a ainsi décidé de réviser ses pratiques.
Pour l’équipe municipale, la montée de certaines violences s’expliquait, en effet, en partie, par la difficulté des habitants à s’adapter à leur nouveau mode de vie. Passer du bidonville au logement collectif “en dur” disposant du “confort moderne” ne va pas de soi pour quelqu’un habitué à vivre une grande partie de ses journées dehors. (...)

Sauvegarder le tissu d’entraide

Dans les opérations de RHI, la stratégie d’intervention de la commune consiste donc désormais à maintenir, autant que faire se peut, les familles là où elles vivent : "Nous tentons de conserver leur environnement familial et amical et leurs activités. Nous voulons transformer le moins possible la vie du quartier, sauvegarder le tissu d’entraide", poursuit le maire.
Les familles sont maintenues sur place et, si leur habitat ne peut être réhabilité, il est détruit mais reconstruit au même endroit. Avant d’élaborer quelque projet que ce soit, une équipe de techniciens conduite par un architecte-sociologue rencontre les familles pour comprendre leur mode de vie, leur environnement et... comptabiliser leurs animaux.
Dans ces habitations, les animaux occupent, en effet, une place importante : "Dans la RHI du centre-ville, on en a comptabilisé 3.500 pour 1.250 personnes ! Certaines familles avaient 10 aquariums ; je me souviens aussi d’une dame avec 50 tortues et 200 oiseaux", argumente Attila Cheyssial, l’architecte.
La ville a fait appel à lui à la fin des années 90 parce que, dans la conception de ses bâtiments, il prend en compte la vie quotidienne des gens et leurs souhaits de transformation du quartier.

Une stratégie d’intervention personnalisée

C’est même une méthode de travail individualisé qu’Attila Cheyssial revendique haut et fort : "Je rencontre tout le monde, non pas en groupe mais famille par famille. En moyenne, entre trois et six fois, cela dépend. Je leur rend visite à domicile, un peu comme le ferait un médecin de quartier et j’élabore des solutions de relogements directement avec elles", explique-t-il.
Objectif : arriver à une proposition d’aménagement consensuelle à travers laquelle la famille comprend à la fois quelles sont ses marges de manœuvre et quelles sont les contraintes imposées par l’administration.
Dans le futur projet urbain, tout doit être pris en compte : le tissu relationnel du bidonville, les liens familiaux, les activités, et jusqu’aux plantes ! (...)
"Je considère les familles comme des acteurs, poursuit l’architecte. Les gens ont toujours des capacités, pourquoi ne pas les développer en leur permettant de construire eux-mêmes une partie de leur habitat ?".
C’est sur le quartier de La Rivière des Galets, à forte tradition associative, que cette stratégie de participation des habitants est sans doute la plus aboutie. Un atelier d’architecture ouvert y a même été créé : les habitants y viennent pour réfléchir, en commun, à des modèles de cases. Ils ont réalisé une maquette du bidonville existant afin d’en récupérer le sens, le fonctionnement et de pouvoir les transférer au futur projet.
De leur côté, Attila Cheyssial et son équipe présentent, en général, une maquette des futurs projetsaux habitants. "À chaque fois que j’ai pu mobiliser les compétences des gens, mes projets ont toujours réussi , raconte l’architecte. J’observe avec beaucoup de satisfaction qu’en transformant leurs maisons, les habitants se transforment eux-mêmes. Pour certains, au chômage depuis longtemps, les travaux sont même un moyen de réapprendre petit à petit à travailler".
Cette méthode de travail coûte plus cher à la commune. Elle nécessite, en effet, de consacrer beaucoup plus de temps, en amont du projet, à la conception. Pour autant, pour la municipalité du Port, sa rentabilité n’est pas discutable. (...)

(1) La 6ème opération R.H.I. en fait. (NDLR)

(2) Les R.H.I. n’existaient pas encore à cette époque (1979 - 1982). (NDLR)


Le Port, en bref

Située à 18 km de Saint-Denis, Le Port est la plus petite commune de l’île de La Réunion du point de vue de la superficie (1.660 hectares). Pourtant, sa population a été multipliée par 5 en cinquante ans pour atteindre les 40.000 habitants : 40 % d’entre eux ont moins de 20 ans aujourd’hui.
Le Port, tout comme de nombreuses communes réunionnaises, souffre du chômage. Le taux de chômage avoisine ici les 50% et les allocataires du RMI représentent près de 23% de la population (contre 18% en moyenne sur l’île). 82% des ménages ne paient pas d’impôts.


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