Action Logement et CDC-Habitat « partenaires » d’une stratégie

Logement : un cas typique de néocolonialisme

12 juillet 2019, par Manuel Marchal

Les conclusions de la Conférence du logement en Outre-mer éclairent sur la stratégie du gouvernement dans ce domaine à La Réunion. Elle repose notamment sur la prise de contrôle par des sociétés françaises des bailleurs sociaux réunionnais. Ainsi, des fonds mobilisés au titre de la LBU contribueront à créer des bénéfices qui seront ensuite rapatriés en France. C’est une illustration de la politique néocoloniale menée par la France à La Réunion.

Les conclusions de la Conférence du logement en Outre-mer ont été publiées ce mercredi 10 juillet. Sur le fond, elles ne remettent pas en cause le précédent Plan logement pour l’outre-mer, dont le volet réunionnais avait bénéficié en 2015 de la médiatique signature d’un Premier ministre en visite dans notre île. Ces conclusions préconisent de « Confirmer le bien fondé des grandes priorités du plan 2015-2020 et les décliner dans un plan d’action précis », car « ces principes directeurs ne sont pas remis en cause, mais ils doivent faire l’objet d’un plan d’action détaillé permettant de les atteindre et de mieux conjuguer objectifs quantitatifs et approche qualitative. C’est tout l’objet du plan logement 2019-2022, issu de la conférence logement ».
Sur le plan financier, « le Gouvernement se fixe pour objectif, sur le prochain triennal 2020-2021-2022, de revenir au dessus de 200 millions d’euros par an en exécution sur la Ligne Budgétaire Unique (LBU) consacrée au logement ».

Les bras armés de la stratégie du gouvernement

Reste à savoir qui seront les bénéficiaires de ces fonds. Les conclusions identifient pour le moment trois partenaires : l’ANRU, le Groupe Action Logement et CDC-Habitat. Si l’ANRU n’est pas un bailleur social à La Réunion, les deux autres partenaires ont pris le contrôle des deux plus importantes sociétés de HLM à La Réunion. Et le dossier de presse remis à l’issue de la présentation des conclusions de la Conférence du logement en Outre-mer mettent l’accent sur ces deux sociétés françaises implantées à La Réunion :

« Le Groupe Action Logement a initié en janvier 2019 un Plan d’investissement volontaire en faveur du logement pour améliorer le parc privé (rénovation énergétique, adaptation à la dépendance, lutte contre l’habitat indigne), poursuivre la production et la réhabilitation du parc social, développer le logement intermédiaire. Des dispositifs sont mis en place au niveau national et qui pourront être adaptés aux territoires ultra marins. Une enveloppe dédiée de 1.5 milliard d’euros a été affectée aux problématiques spécifiques du logement dans ces territoires et d’ici la fin de l’année des appels à projets territorialisés seront lancés qui permettront de financer les projets dès le début de l’année 2020. »
SHLMR est une filiale d’Action Logement.

« CDC Habitat est entré en décembre 2017 dans le capital de six Sociétés Immobilières d’Outre-Mer (SIDOM). L’objectif est d’améliorer le pilotage des SIDOM et de poursuivre le développement de ces sociétés qui jouent un rôle important sur leur marché. Un an après son entrée dans le capital des SIDOM, CDC Habitat a relevé les objectifs qu’il s’était fixé : redresser les sociétés (Sur trois sociétés déficitaires à son arrivée, deux sont devenues bénéficiaires) et relancer la production de logements neufs (+ 30 %, avec 2 500 logements en 2018). CDC Habitat estime les investissements à réaliser à 6 milliards d’euros sur les 10 prochaines années : 100 millions d’euros de travaux de réhabilitation par an et l’objectif de 3000 logements neufs construits par an (30 000 sur un horizon de 10 ans). »
La SIDR est une filiale de CDC Habitat.

SIDR et SHLMR filiales de groupes français

Il apparaît donc clairement que ces deux groupes français seront destinataires d’une grande partie des crédits du gouvernement à La Réunion, car SIDR et SHLMR sont les deux premiers bailleurs sociaux de notre île. Et leur part de marché risque encore d’augmenter car après avoir racheté les logements issus de la liquidation de la filiale immobilière du Groupe Apavou, CDC-Habitat lorgne sur la SEMADER. Pour l’acquisition réalisée et celle projetée, 260 millions d’euros sont mis sur la table. Ce qui signifie que cet argent d’une filiale réunionnaise de la Caisse des dépôts ne servira pas à construire le moindre logement neuf.
Quant au financement de ces deux structures, les Réunionnais y contribuent. Action Logement est financé pour moitié par les cotisations des entreprises de plus de 20 salariés. CDC-Habitat est une émanation de la Caisse des dépôts et consignation qui centralise les dépôts des deux-tiers des Livret A, afin de financer le logement social. C’est le principal placement des Réunionnais, avec un taux d’intérêt réduit.

Le précédent de GERRI

Ces différents éléments sont différentes briques d’une stratégie qui n’est pas sans rappeler en son temps GERRI. Rappelons que GERRI avait été créé par le gouvernement pour chapeauter les projets liés à la marche vers l’autonomie énergétique qui était alors rendue possible par la politique menée par la Région Réunion jusqu’en 2010. C’était la mainmise de Paris sur ce projet réunionnais. Et il est d’ailleurs révélateur qu’après que Didier Robert ait pris la présidence de la Région Réunion, GERRI a été dissous, car La Réunion ne pouvait plus alors ambitionner d’aller vers l’autonomie énergétique.
Dans le domaine du logement, des sociétés telles que Action Logement ou CDC-Habitat apparaissent comme le bras armé de la stratégie du gouvernement. Les deux sont des groupes français qui sont en position dominante à La Réunion. Ce qui signifie que les décisions importantes dans ce domaine se prennent à Paris et non plus dans notre île.
C’est une nouvelle illustration de la politique néocoloniale de la France à La Réunion.

M.M.

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