L’impasse du logement - 2 -

’Mon pays va mal...’

25 juillet 2006

Selon les services de l’État, la crise du logement doit se voir avec beaucoup plus de recul. Les chiffres seraient d’ailleurs à sa bonne faveur. Pour les associations qui luttent contre l’exclusion, la copie mérite d’être revue, et les pouvoirs compétents invités à venir sur le terrain, pour véritablement prendre conscience de ce fléau.

L’État, représenté par son secrétaire général Frank-Olivier Lachaud et son directeur régional de l’équipement, dresse un bilan positif de sa politique du logement à La Réunion. Son rapport, exposé lors du dernier Conseil Départemental de l’Habitat (CDH), se veut mielleux à souhait, notant que son aide financière est volontariste, augmentée. On toussote, respectueusement.
Les projets sont financés, mais quelle réalité sur le terrain ? Les petites gens, qui fondent leur espoir sur les politiques, réagissent chétivement. À bout, certains notent que cela profite toujours aux mieux placés. D’autres déplorent que l’on parle d’impact économique, alors qu’il s’agit d’intervention directe à effectuer sur le territoire réunionnais. Certains accusent le maire, qui privilégie untel au détriment d’unetelle pour “in ti kaz bordaz”. Quelques-uns vivent dans des conditions d’insalubrité innommables, alors que certains maires ne daignent même pas s’occuper du logement social sur leur commune.
Ajoutons à cela un chômage réunionnais endémique. On connaît la chanson : "Mon pays va mal ... Mon pays va mal, va mal, va mal .... Mon pays va mal". On passe vite, vous le comprendrez, du miel aux raisins amers. C’est sur le terrain que l’on perçoit toute l’ampleur de la crise du logement.

"Le premier marchand de sommeil..."

Du côté des associations qui luttent pour davantage de dignité pour des demandeurs de logements, le constat est on ne peut plus sévère. L’État - ce qui ne désengage pas la responsabilité des politiques réunionnais - doit tout entreprendre pour rattraper le retard considérable du logement social. "Dire que les choses avancent, c’est un mensonge éhonté. Il faudrait déjà que les maires respectent la construction des 20% de logements sociaux obligatoires. Ensuite, nous constatons une lente réhabilitation des logements. La résorption de l’habitat insalubre est toujours au même point, avec parfois même des enveloppes qui retournent puisque inutilisées", déplore Patrick Savatier, porte-parole de l’association Momon Papa Lé La.
Il constate certes les inquiétudes des politiques sur le sujet, mais indique fermement que ce sont les actions sur le terrain qui devraient abonder. "Après des déclarations fracassantes en période électorale, on ne voit toujours pas de résultats. Et en effet, on est loin du compte", poursuit le militant.
Il regrette un programme de construction de logement en panne, cela au détriment des plus de 25.000 demandeurs de logements, des 28.000 détenteurs de logements insalubres, et de "tous ceux qui vivent en famille interposée, qui doivent représenter pas loin de 50 à 60.000 concernés". Encore faut-il compter sur un dispositif “accession à la propriété” qui n’a pas fait ses preuves, parce que trop loin du compte, même si l’on peut observer de manière ponctuelle des actions. "Dans le cadre des élections législatives, je vais me battre pour que soit votée une loi qui oblige les propriétaires bailleurs privés ou public à un contrôle technique de leurs bâtiments. Je souhaite que l’on lutte contre la vétusté de certains logements, contre l’insalubrité, y compris chez les bailleurs publics. Le premier marchand de sommeil, dans certains quartiers, ce sont des bailleurs sociaux publics", annonce Patrick Savatier. Peut-être du changement dans l’air ?

La Réunion recule en matière de logement

Pour le président du collectif Agir Pou Nout Tout, "c’est l’échec de ce gouvernement, c’est aussi l’échec de tous ceux qui soutiennent ce gouvernement". Jean-Hugues Ratenon relève surtout "l’incapacité du gouvernement à se mobiliser autour d’une politique du logement, alors que La Réunion recule en matière de logements". Les conséquences sont désastreuses pour la population réunionnaise, qui abandonne. "Et arrive l’heure des questions", poursuit Jean-Hugues Ratenon, "les dispositifs en place sont-ils adaptés à la situation ? Sinon, pourquoi attendre pour changer les règles ?".
À l’aube de l’élection présidentielle, il importe que "la population se mobilise, et négocie son droit au logement. Normalement, cela ne se négocie pas, mais là il faut que cela change. Le droit au logement doit être la priorité de la prochaine mandature", déclare-t-il. Déjà, il interpelle les pouvoirs en place, pour que soient pris en compte ceux qui ne peuvent même pas payer un logement social. "Oui, aujourd’hui, le logement social est trop cher pour certaines familles réunionnaises dans le besoin", nous précise-t-il, avant d’avertir "ça va être le carnage". Entendez, la crise est loin d’être résorbée, et il faut redoubler l’effort au lieu de se complaire de quelques chiffres "roulés".
Par ailleurs, il ne manque de critiquer le nouveau PIG, en déclarant "Rénover des logements privés, c’est un signe de faiblesse. Un, parce que cela veut dire que l’on n’est pas capable de faire une bonne projection. On prévoyait 6.000 logements au minimum par an, seulement 2.000 sont construits. On se place au-dessous des besoins réels. Espérons aussi que cela ne sera pas effectué par copinage. 600 logements privés rénovés en 3 ans, c’est rien du tout comparé aux besoins". C’est dit.

Patrick Julie


À propos de location, le saviez-vous ?

Agent immobilier : Agent d’affaires qui intervient habituellement comme intermédiaire dans les opérations juridiques portant sur les biens immobiliers et les fonds de commerce.
Bail : Contrat par lequel une personne, propriétaire d’un bien, en cède la jouissance à une autre personne, moyennant un prix convenu (le loyer) et pour une durée déterminée.
Bailleur : Personne qui donne à bail le bien dont elle est propriétaire.
Charges récupérables : Le bailleur peut exiger du locataire le remboursement de certaines charges afférentes aux lieux loués. En matière de baux d’habitation et de baux à usage mixte (habitation et professionnel), elles sont classées en trois catégories, celles exigibles en contrepartie "des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée", "les dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée", "des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement".
Caution : Personne qui s’engage envers le créancier (le bailleur), à titre de garantie, à remplir l’obligation du débiteur principal (le locataire), pour le cas où celui-ci n’y aurait pas lui-même satisfait.
Congés ou préavis : Acte par lequel une des parties manifeste à l’autre partie sa volonté de mettre fin au contrat
Dépôt de garantie : Somme versée par le locataire au bailleur au moment de la signature du contrat de location. Le dépôt de garantie est restitué par le bailleur au locataire, à l’expiration du bail si celui-ci a respecté ses obligations.
Droit de préemption d’un locataire : Possibilité pour le locataire d’acheter un bien prioritairement en cas de congé pour vente ou dans le cadre d’une vente après division de l’immeuble.
État des lieux : Description d’un local indiquant l’état de conservation ou de dégradation de chacune de ses parties. L’état des lieux loués est dressé contradictoirement entre bailleur et locataire avant l’entrée en jouissance, soit à l’amiable, soit par acte d’huissier.
Expulsion : Procédure visant à évincer une personne, en vertu d’un titre exécutoire et au besoin par la force, d’un lieu où elle se trouve sans droit.
Indice du coût de la construction : Indice de référence établi chaque trimestre par l’INSEE et publié au journal officiel, utilisé pour la révision des loyers.
Locataire : Dans le contrat de bail, celui qui obtient le droit d’utiliser la chose louée contre le versement d’une somme d’argent appelée loyer. Le locataire est également désigné par le terme " preneur ".
Mandat : Acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour elle et en son nom.
Quittance : Acte écrit et remis au débiteur (le locataire) par lequel le créancier (le bailleur) reconnaît avoir reçu le montant de sa créance.
Résiliation du bail : Rupture du contrat dès lors que le locataire ou le propriétaire ne respecte pas ses obligations.

(source : ADIL)


Brève

Juste pour (l)ire

"En référence au plan de cohésion sociale, signé avec l’État et le Département, le 22 décembre 2004 pour une durée de 5 ans, et dans lequel un engagement a été pris par l’État de faire du rattrapage des retards en termes de production du logement social une priorité, je vous informe que le Conseil général, réuni en séance plénière le 19 juin 2006, a adopté une motion qui sera adressée au Ministère de l’Outre-mer, afin qu’il propose au Gouvernement de ne pas suivre les recommandations de ce rapport technique d’audit ministériel sur la politique du logement social outre-mer", lit-on dans les conclusions d’un document titré "Éléments d’intervention CDH 18 juillet", document interne au Conseil général. Encore une crise dans l’air.


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Messages

  • bonjour ....
    Je suis un metro , un z’oreille . Je me propose de venir faire unstage avec la fondation Abbé pierre sur la precarité énergetique et le mal logement sur la magnifique ile de la Reunion ...

    Je suis preneur de toute info ou tout temoignage ou aide ...j arrive en Avril ..

    mon contact
    [email protected]


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