Priorité : construire de nouveaux logements !

13 juin 2008

En date du 30 mai 2007, dans son dossier ’Les rendez-vous de la démocratie’, la Commission Justice et Paix invitait les différents candidats aux élections à faire reconnaître par l’Etat le besoin de logements sociaux à La Réunion et soulignait la nécessité pour nos parlementaires de faire voter par l’Assemblée Nationale les budgets nécessaires. Récemment, la Fondation Abbé Pierre a tiré très fort la sonnette d’alarme. Dans le cadre de la préparation de la Loi Programme, la Région, le Département et le monde économique soulignent unanimement le risque de déstabilisation du secteur du BTP, avec les conséquences néfastes qui en découleraient. La Commission Justice et Paix apporte aujourd’hui une nouvelle contribution au ’dossier Logements’ en faveur de l’ensemble de la population réunionnaise.

Au 1er janvier 2008 selon l’Armos (Association Régionale des Maîtres d’Ouvrages Sociaux - Océan Indien), 29.000 ménages avaient présenté une demande de logement locatif social auprès des bailleurs sociaux. Ne sont pas comptabilisées les demandes multiples déposées par un même ménage auprès de plusieurs bailleurs. Ce chiffre est donc net, sans "doublons". Ce nombre important a été atteint du fait que de 1995 à 1999, les promoteurs sociaux livraient presque 2.500 logements par an. Depuis cette période, le rythme annuel de livraison n’a cessé de chuter : 1.500 de 2000 à 2004, moins de 1.000 depuis 2005, pour atteindre moins de 900 en 2007.

Le Gouvernement proposerait dans son nouveau dispositif la construction dans les quatre DOM de 1.330 logements en 2009, 1.730 en 2010 et 3300 par an à partir de 2011. En prenant comme référence le nombre d’habitants de ces Départements, La Réunion représente 45% de la population globale. Proportionnellement le nombre de logements sociaux à construire serait pour la Réunion de 600 en 2009, 780 en 2010, et 1.500 à partir de 2011. Cette proposition ne permet pas de répondre à la demande annuelle (3.000) et encore moins de résorber le stock de 29.000. Pour information, 74% des demandeurs ont entre 25 et 44 ans. Il est donc évident que la proposition ne répond pas aux besoins de la population.

Le volet défiscalisation en faveur du logement social sera-t-il suffisant ? Dans son T.E.R. (Tableau Economique de La Réunion 2007/2008), l’INSEE indique qu’en 1999, il y avait 6.350 ménages de plus par an, dans notre Département. Dans sa revue n° 132 d’Avril 2008, au chapitre "Population et ménages nouvelles projections 2030", l’INSEE évalue la taille du parc de logements nécessaires. Nous avons retenu le scénario central : sur une base de 280.000 en 2005, il devrait passer à 317.000 en 2010 et 355.000 en 2015. La moyenne de logements à construire est donc de 7.400 dans la première période et de 7.500 dans la deuxième.

En considérant la demande de logements locatifs sociaux (3.000), il faudrait donc construire 4.500 autres logements par an. Les classes moyennes ont, elles aussi, le droit de se loger ou d’accéder à la propriété. En supprimant la défiscalisation, on leur enlève l’espoir d’y parvenir. Elles se rabattront sur les logements sociaux qui seront accessibles. Un arrêt brutal de la défiscalisation actuelle va créer une congestion dans le logement social. Cela relancera le logement informel, voire le mitage, avec les problèmes qu’ils génèrent (espaces insuffisants, réseaux d’assainissements, voiries....etc.)

Seule une densification respectant une politique foncière rigoureuse et les règles de l’aménagement du territoire permettra ces réalisations, par des promoteurs privés et publics. C’est parce qu’il y a une demande que des investisseurs extérieurs financent la construction de logements. Certes, ils y trouvent leurs intérêts mais les Réunionnais aussi en finale. Est-ce au détriment de l’Etat, de la collectivité ? Nous ne le pensons pas. En tout état de cause, la demande est là. C’est une réalité.

Par contre, il convient d’adapter et d’améliorer la loi de défiscalisation. Mais la supprimer ou la farder de mesures fiscales non-incitatives reviendrait à pénaliser l’ensemble de la population réunionnaise, puisque l’Etat n’est pas en mesure de financer toutes les constructions nécessaires. Qui va assumer la responsabilité d’une insuffisance de logements à longue échéance et de la destruction d’emplois, deux secteurs prioritaires dans ce Département ? Ce dossier nous concerne tous, décideurs nationaux et locaux, politiques, techniciens administratifs et tous les citoyens. C’est pourquoi il est essentiel que les décideurs nationaux et les collectivités locales, prenant vraiment conscience du très grand besoin de logements pour toutes les classes de la société réunionnaise, agissent en conséquence selon leurs compétences respectives.

Des règles peuvent être instituées pour :
Surveiller l’application des dispositifs fiscaux,
Maîtriser l’inflation des prix du foncier
Éviter les dérives sur les prix de cession
Réduire les complications administratives sur les dossiers et faire disparaître la paralysie qui en résulte faute de volonté politique forte
Éliminer les surcoûts injustifiés de production
Combattre les excès pratiqués dans certains cas sur les prix des loyers
L’appareil d’Etat et les collectivités locales ont les moyens de définir les règles, de procéder à des contrôles et de poursuivre ceux qui ne les respectent pas.

La Commission Justice et Paix est consciente des contraintes qui pèsent sur la Nation, de la nécessité de procéder à des réformes, de l’obligation de réduire les dépenses. Il est impératif de rechercher les équilibres financiers. Il est tout autant nécessaire en même temps de développer les équilibres sociaux sans se cacher derrière la traque aux niches fiscales, au risque de ne plus voir certaines réalités fondamentales. Il ne suffit pas de codifier un "droit opposable" pour garder un logement. Dans ce domaine, la priorité est bien de construire de nouveaux logements. Il s’agit de permettre à chaque citoyen de pouvoir vivre dans un logement décent et adapté aux exigences d’une île propre. Il y a là un vaste chantier économique mais surtout un chantier humain. Finalement, il s’agit de l’avenir de milliers de jeunes qui veulent "décohabiter", avoir leur chez-soi pour fonder une famille et pouvoir subvenir à ses besoins. Les réussites familiales sont aussi à ce prix, pour la construction de la paix sociale.
Le 11 juin 2008
Pour la Commission Diocésaine Justice et Paix

Le Président, Mgr Gilbert AUBRY
Le Secrétaire, M. Philippe JEAN-PIERRE

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