Signature de la charte de l’habitat

Propositions réunionnaises pour garantir le droit au logement des générations futures

"Où loger nos enfants demain"

2 juin 2003

Du 31 mars au 4 avril derniers a eu lieu dans notre île la semaine du logement. Organisée par l’Association régionale des maîtres d’ouvrages sociaux (ARMOS) et la DDE, soutenue par le Département, cette semaine de débats a vu la participation des différentes collectivités locales et du grand public. Les participants devaient réfléchir sur une question essentielle pour La Réunion : ’Où loger nos enfants demain ?’. Les différentes contributions ont été rassemblées dans un document intitulé ’Charte pour la mise en œuvre d’une politique globale et cohérente de l’habitat pour La Réunion’. La charte a été officiellement signée vendredi dernier par le préfet de La Réunion, le président du Conseil général, Philippe Berne - vice-président de la Région représentant le président de la collectivité -, le maire de Sainte-Rose - représentant le président de l’Association des maires de La Réunion -, le président de l’ARMOS et le directeur régional de la Caisse des dépôts et consignations. Ce document montre que sur la question du logement, les Réunionnais sont capables de surmonter leurs divergences politiques pour parler d’une même voix. Mais dans un contexte de restriction budgétaire, le gouvernement saura-t-il entendre cet appel ?

Préambule

La Réunion est une île de 250.000 hectares qui devra accueillir en 20 ans, dans une hypothèse démographique et de migration moyenne, plus de 250.000 habitants supplémentaires, ce qui nécessitera la construction de 180.000 logements (soit près de 70% des logements existants aujourd’hui).
Un effort conjoint de tous est nécessaire pour relever le défi du logement. La production totale de logement semble quantitativement suffisante (8.500 logements produits en 2002), mais ce chiffre cache des problèmes de fond :
- inflation des coûts fonciers constructibles préoccupante (+60% de 1993 à 2002) ;
- difficulté de plus en plus grande pour les opérateurs à trouver du foncier équipé.
Ces deux phénomènes expliquent notamment la tendance à la baisse de la production des logements sociaux qui ne représente plus qu’un tiers de la production totale. Cela a pour conséquence une croissance dangereuse de l’habitat informel.
Si des solutions concrètes ne sont pas rapidement trouvées, de graves déséquilibres vont continuer à se creuser dans le secteur de l’habitat :
- saturation du parc de logement social et création irréversible de ghettos ;
- nouvelle baisse de la construction de logements sociaux malgré une demande soutenue (70% de la population réunionnaise est éligible au logement social) ;
- difficultés accrues pour les classes moyennes de trouver un logement adapté ;
- mitage des espaces naturels et agricoles.
La solution à apporter à ces dysfonctionnements passe impérativement par un renforcement de l’implication et de la collaboration entre les partenaires afin d’intervenir sur chacun des maillons de la chaîne de production : maîtrise foncière, aménagement primaire et secondaire et production de logements.
En effet, les partenaires détiennent collectivement la capacité d’améliorer les outils juridiques et financiers afin de renforcer leurs effets pour chaque chaînon.
Ces partenaires sont les signataires de la présente Charte.

Mieux maîtriser l’urbanisme et le foncier à aménager

L’État, la Région Réunion, le Département, les communautés de communes ou d’agglomération et les communes s’engagent dans les plus brefs délais, à l’occasion de la mise en place du SAR (Schéma d’aménagement régional), des SCOT (schémas de cohésion territoriale), PLH (plans locaux d’habitation), PDU et PLU (plan locaux d’urbanisme) à :

• Organiser le débat entre le monde urbain et le monde agricole pour faire émerger les arbitrages sur l’utilisation de l’espace dans le souci :
- d’une urbanisation raisonnée et raisonnable ;
- d’une protection de la production agricole ;
- d’une politique de prévention des risques ;
- de la préservation des espaces naturels.
Associer les maîtres d’ouvrage sociaux et aménageurs aux réflexions sur les SCOT et PLU comme les y autorise la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), en vue d’accélérer la mise en œuvre opérationnelle des projets de quartiers dans une approche globale et cohérente.

• Mettre en œuvre les documents d’urbanisme et de programmation à l’échelle des "400 quartiers" de La Réunion avec pour priorités :
- La densification des centres villes (programme PRU du Contrat de plan État/Région 2000-2006 à renforcer), la (re)structuration des quartiers existants et des bourgs des Hauts, en inscrivant dans ces documents, les dispositifs réglementaires permettant cette optimisation (traitement des dents creuses, continuités urbaines…).
- L’ouverture à l’urbanisation de zones vierges dans le cadre de projets globaux d’aménagement, intégrant la diversité des fonctions urbaines (transports, écoles, commerces, services…), afin d’en faire de véritables lieux de vie.
- La mixité sociale en tentant de rechercher, avec l’accord des populations, l’équilibre entre "logement social" et "logement libre".
- La qualité de l’aménagement des quartiers qui doit apporter une réponse adaptée aux problèmes sociaux et d’environnement en intégrant :
· les services et équipements de proximité - notion de "mètres carrés de vie" et pas seulement de "mètres carrés de logement",
· la problématique des déplacements (transports collectifs, plan vélo,…).

• Pour la mise en œuvre opérationnelle des documents d’urbanisme, les collectivités locales auront davantage recours aux outils juridiques classiques mais insuffisamment utilisés, les ZAD (Zones d’aménagement différé), la DUP (Déclaration d’utilité publique), le Droit de préemption urbain, voire l’expropriation… pour maîtriser le foncier.

• Les partenaires de la Charte s’engagent à développer de nouveaux outils financiers pour favoriser la maîtrise foncière (prêts bonifiés à long terme…) et à doter l’établissement public foncier EPFR récemment créé, non seulement en subventions, mais aussi en prêts afin de démultiplier sa politique de création des réserves foncières indispensables pour les années à venir. Ils s’engagent à trouver des solutions pour financer les surcharges foncières en centre ville pour maintenir la mixité.

• Les collectivités devront se doter des moyens de connaissance suffisants et partagés - de type observatoire du marché du logement - permettant une connaissance continue du marché tant social que privé. Ceci devra, entre autre, permettre d’apprécier l’impact des mesures de défiscalisation.

Se donner les moyens financiers pour équiper et aménager les quartiers

Compte tenu de leur Histoire et de leur jeunesse, les communes de La Réunion sont confrontées, en plus des besoins liés à l’évolution démographique, au problème de mise en œuvre simultanée :
- du rattrapage en terme d’équipements structurants d’infrastructures (500 millions d’euros pour l’assainissement, 250 millions d’euros pour l’alimentation en eau potable…), et de superstructures (équipements scolaires, sportifs, de loisirs, culturels, administratifs et de proximité...) ;
- de l’équipement des quartiers existants ;
- de la résorption de l’habitat insalubre ;
- de la reconquête des centres villes.
Elles sont donc dans l’incapacité de financer les études urbaines, le foncier, l’aménagement des terrains et la réalisation des équipements de proximité comme l’ont été les communes de France métropolitaine après la deuxième guerre mondiale, même si la part résiduelle après subvention peut paraître faible (de 20% en théorie à 50% compte tenu du plafonnement des assiettes éligibles aux subventions).
Pour répondre aux défis de la démographie et de la reconstruction, l’État avait mis en place dans les années 60 et 70 des moyens exceptionnels au travers du FNAFU (Fonds national d’aménagement foncier et urbain), des politiques "Villes nouvelles"… 50 ans plus tard, La Réunion doit pouvoir mobiliser les mêmes capacités financières pour relever le défi de 1 million d’habitants à l’horizon 2030.

Le FRAFU (Fonds régional d’aménagement foncier et urbain), principal instrument disponible, finance essentiellement l’aménagement primaire. Les modalités de financement de l’aménagement secondaire ne sont pas adaptées, ni en terme de montant, ni en terme de procédure de décision. De plus, la complexité croissante des procédures financières du FRAFU appelle une simplification de ses modes de gestion.
Les partenaires de la Charte proposent de :

• Mettre en place un véritable Fonds d’aménagement des quartiers (FAQ) de l’ordre de 30 millions d’euros par an à abonder par l’État et les collectivités territoriales.

• Financer sur la LBU l’ingénierie de projet pour la mise en œuvre d’opérations d’aménagement de quartiers dans le cadre d’opérations mixtes dans le respect des objectifs de densification du SAR.

• Réserver le Fonds régional d’aménagement foncier et urbain le (FRAFU) aux équipements structurants.

• Concentrer les financements des communes sur les équipements de superstructures.

• Favoriser une application adaptée aux réalités locales des réglementations (assainissement, endiguement), voire les renégocier le cas échéant, réfléchir à une meilleure participation des concessionnaires de réseaux.

• Accroître, d’une manière générale, la souplesse et la fongibilité des procédures de financement, par une simplification des procédures financières évitant notamment les financements croisés lors de la mise en œuvre effective de la décentralisation et de la déconcentration (par exemple les arrêtés RHI).

Réformer les produits de financement du logement tout en favorisant la mixité des formes urbaines et sociales pour répondre à la diversité des situations à traiter

L’accession à la propriété pour les classes moyennes (tous types de produits) est en panne notamment en raison de l’explosion du prix du foncier constructible due à sa rareté. Ce phénomène conjugué aux difficultés de sortie des opérations de logements sociaux a pour conséquence de limiter l’accès des familles les plus déshéritées au parc social (taux de rotation passé de 12% à 8% en 5 ans). Le logement s’inscrit dans un projet de vie, aussi est-il urgent de recréer les conditions d’une offre diversifiée de qualité répondant à chaque segment de marché.
Le ministère de l’Outre-mer a décidé de lancer une refonte des produits logement des DOM. Les acteurs réunionnais s’engagent à créer au plus vite un groupe permanent de propositions sur le sujet et demandent aux ministères concernés d’organiser des points d’échange à La Réunion pour discuter de l’élaboration de ces produits. L’objectif étant de déposer les premières propositions pour juin 2003 et des conclusions pour la fin 2003.
Les principaux points à développer seraient les suivants :

• Mieux relier la défiscalisation aux autres aides de l’État. Les aspects positifs de la défiscalisation (relance de l’offre privée et soutien à l’activité l’économique) doivent s’inscrire dans une réflexion globale sur le marché du logement, portant notamment sur les points suivants : maîtrise des prix du foncier constructible, adéquation de l’offre nouvelle aux besoins sur le long terme et place de l’ancien à travers la réhabilitation.

• Favoriser l’accession à la propriété pour les classes moyennes par une amélioration du dispositif PTZ (prêt à taux zéro).

• Créer un produit locatif pour les classes moyennes, accessible à la fois aux bailleurs sociaux et aux promoteurs privés.

• Poursuivre la mise aux normes des logements existants en veillant à développer l’offre de logements par des actions nouvelles sur le parc des logements vacants et le conventionnement de logements privés.

• Conforter la politique d’accession très sociale en cours de blocage (LES) mais qui constitue une réponse attendue et adaptée à la sortie d’insalubrité pour les familles les plus démunies et un élément de paix sociale dans les quartiers : par la simplification des procédures, la sécurisation du financement et le recalage des paramètres et du financement.

• Renforcer les outils de lutte contre l’habitat précaire et insalubre
L’État et la Caisse des dépôts et consignations viennent d’élargir le champ d’intervention des avances sur subventions pour les opérations d’éradication de l’habitat indigne. Une des conditions est qu’un plan départemental de résorption de l’habitat indigne soit conçu préalablement. Les partenaires s’engagent sur l’adoption la plus rapide de ce plan et qu’un suivi spécifique en CDH (Conseil départemental de l’habitat) soit mis en place.

• Créer des places en accueil d’urgence et temporaire. Augmenter les places en CHRS et renforcer les partenariats entre des associations gestionnaires pérennes et performantes, les opérateurs sociaux et les collectivités pour trouver des solutions de relogement dignes aux familles en grande difficulté ou à faible solvabilité.

• Développer une offre de logements adaptés aux situations spécifiques : logements jeunes, personnes âgées, ….

• Continuer à réduire la dépendance énergétique de La Réunion par la prise en compte des énergies renouvelables, notamment les chauffe-eau solaires et la climatisation naturelle, dans le financement de la construction.

• Relancer l’adaptation de la réglementation technique de la construction aux spécificités de La Réunion.

• Développer des politiques contractuelles entre l’État, les collectivités et les opérateurs sur des objectifs à atteindre par agglomération en termes de construction, gestion, attribution avec une possibilité de modulations des plafonds de ressources ou des niveaux de loyers qui permettent d’assurer une meilleure cohésion sociale.

La Caisse des dépôts et consignation a déjà engagé une expérience de globalisation des prêts vis-à-vis de certains opérateurs, ce qui doit permettre de rendre les décisions de financement sur la LBU (ligne budgétaire unique) plus souples et mieux adaptées au contexte local.

Développer la concertation avec les habitants

La maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) développe la démocratie participative. La responsabilité de la décision incombe aux élus en dernier ressort.
La participation des habitants doit se faire de plus en plus en amont de l’élaboration des projets d’aménagement de quartier, afin de tenir compte au maximum des besoins exprimés. Il s’agit de faire "avec" et pas uniquement "pour" les habitants.
Les signataires de la Charte proposent que :

• Les missions de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale MOUS qui ont fait preuve de leur efficacité dans les RHI soient généralisées à l’ensemble des opérations de structuration de quartiers, mais également sur l’amélioration et la réhabilitation.

• Les MOUS soient financées dès la phase projet et sur toute la durée de l’opération, tant que l’accompagnement des familles dans leur nouveau lieu de vie est nécessaire, c’est à dire bien au-delà des 3 ans réglementaires.

• La concertation locative, instituée par la loi SRU chez les bailleurs sociaux, soit poursuivie pour les programmes de travaux touchant le cadre de vie des locataires en concertation avec les représentants des associations de locataires et les collectivités.

Renforcer les lieux de débat et de suivi de la politique de l’aménagement et du logement

Il s’agit de traiter la question de l’habitat dans le cadre d’une véritable solidarité intercommunale, lieu d’élaboration des SCOT et PLH.
Le CDH (Conseil départemental de l’habitat) est le lieu pertinent pour faire la synthèse des politiques locales élaborées au niveau communal et intercommunal, en débattre et piloter une véritable politique de l’habitat dans toutes ses composantes.
Les partenaires de la Charte s’engagent à fournir les informations dont ils disposent pour alimenter les systèmes d’information sur le foncier, l’aménagement et le logement.

Mise en œuvre de la Charte

Les signataires conviennent de mettre en place un Comité de pilotage et de suivi de la Charte d’ici le 30 juin 2003 et à relayer au plan national les propositions issues de la Charte.
Des groupes de travail thématiques seront institués entre les différents partenaires pour décliner les différents thèmes de la Charte, en vue du rapport intermédiaire de juin 2003 et du document final de décembre 2003. Quatre groupes de travail sont pressentis :
- planification et maîtrise foncière ;
- financement de l’aménagement ;
- financement du logement et produits ;
- participation des habitants.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus