L’impasse du logement réunionnais - 1 -

Solutionnons résolument la crise du logement

24 juillet 2006

L’ADIL, Agence Départementale pour l’Information sur le Logement de La Réunion, donne quelques précisions sur le secteur locatif social, qui comprendrait un peu plus de 46.000 logements, au 1er janvier 2003. À La Réunion, 80% de la population serait admissible pour un logement social, soit 612.000 Réunionnais. Avec presque 28.000 demandes insatisfaites, il reste beaucoup à faire pour pallier la crise du logement. "Un délai d’attente de plusieurs mois n’est pas exceptionnel, même en ce qui concerne des demandes prioritaires", déclare l’ADIL. Si ce n’est parfois des années d’attente, devrions-nous rajouter.
On comprend aisément que des bidonvilles naissent par-ci par-là, d’autant que l’État s’engage de moins en moins dans la construction de logements sociaux. C’était d’ailleurs la première chose relevée par le Conseil général, qui préside le Conseil Départemental de l’Habitat (CDH). La diminution de la Ligne Budgétaire Unique (LBU) - dotation financière de l’État pour la construction et l’amélioration des logements dans les DOM - a en effet eu pour conséquence la baisse de la construction des logements sociaux alors que la demande est importante. 6.000 logements sociaux par an sont à construire, et c’est un minimum. Mais ce rythme n’a jamais été atteint. Les derniers chiffres du CDH sont éloquents en la matière, à peine 2.000 logements sont réellement sortis de terre.
Mais cela ne peut soustraire l’irresponsabilité de certains maires, qui refusent de se plier au quota indiqué de construction de logements sociaux sur leurs territoires communaux. Entre temps, de nombreuses familles subissent des difficultés indescriptibles. Le nombre de bidonvilles ne cesse d’augmenter par exemple.

Chacun face à ses responsabilités

L’État, les élus, les logeurs sociaux, doivent accélérer la cadence, déjà en matière de maîtrise du foncier. Les prix sont affriolants pour les propriétaires fonciers, beaucoup moins pour ceux qui veulent louer ou acheter. Les victimes du chômage réunionnais sont brimées par l’espérance de disposer d’un loyer décent auprès des organismes HLM. Elles ne doivent faire qu’une chose : attendre. Les salaires moyens peuvent encore espérer bénéficier d’une accession à la propriété, mais redoutent l’endettement.
Notre pouvoir d’achat diminue. Les responsables de la politique du logement disposent-ils d’un foyer décent, répondant à leurs besoins et ceux de leurs familles ? Ne sont-ils pas représentants de la population réunionnaise pour certains, ou encore chargés de l’intérêt commun pour d’autres ? À d’autres encore de défendre goulûment la loi de cohésion sociale. "Un Plan, un Pacte et une Loi pour lutter contre la crise du logement..." peut-on trouver sur le site Internet www.logement.gouv.fr, avec une explication ferme de la volonté gouvernementale.
12,8 milliards d’euros sont ainsi au service de la cohésion sociale, et particulièrement pour le logement. Le gouvernement signe aussi un pacte pour le logement, pour encourager la construction de logements sociaux et propulser le Plan de cohésion sociale. Plus de 422.000 mises en chantier sont à enregistrer au 1er mai 2006 (sur les 12 derniers mois). Malheureusement, les chiffres officiels sont limités à l’Hexagone et à la Corse, ou se gardent bien de signaler “l’immonde” crise que connaissent les départements d’Outre-mer, et notamment notre île, la plus peuplée.
Maintenant, plus que des lois, ce sont les effets que nous attendons impatiemment sur le terrain. Chacun est bien face à ses responsabilités, devant la population réunionnaise, cela à la veille de futurs renouvellements électoraux.

Un programme pour qui ?

Et puis, quoi de plus juste que de se retourner vers les propriétaires ? Ou plutôt dire "se décharger sur le privé pour pallier les lacunes du service public". Un Programme d’Intérêt Général (PIG), signé entre l’État, l’ANAH et le Conseil général, prévoit d’améliorer des loyers du parc locatif privé ancien sur une durée de 3 ans, afin de disposer d’une "offre supplémentaire de logements à caractère social dans le parc locatif privé". En clair, des travaux de réhabilitation de logements vacants et insalubres seront réalisés, afin que des propriétaires puissent louer à un public social. Qui aide-t-on, les propriétaires ou les demandeurs de logements ?
Cette mesure est très critiquable, d’autant que le dispositif ne concerne qu’un nombre restreint de logements, en deçà des besoins réels. L’objectif de ce dispositif est d’atteindre un total de 600 logements réhabilités sur 3 ans. Ce PIG va certes dans l’intérêt des petits propriétaires, ne disposant pas de moyens pour réhabiliter leur résidence principale. Mais est-ce que cela incitera davantage de propriétaires bailleurs à épauler la politique de construction de logements sociaux ? Ne préfèreront-ils pas engager eux-mêmes les travaux pour les céder aux plus offrants, selon les prix du marché ? Nous ne constatons qu’une chose, et c’est le dossier de presse du Conseil Départemental de l’Habitat qui nous le révèle. Le programme va davantage aux propriétaires occupants (4,5 millions d’euros sur 3 ans) qu’aux propriétaires bailleurs (1,755 million d’euros sur 3 ans). Rappelons quand même que chaque année, le Département budgète, à hauteur totale d’environ 12 millions d’euros, l’amélioration de l’habitat. C’est donc à se demander le soutien réel apporté aux propriétaires bailleurs, souhaitant participer à l’effort “social” contre la crise du logement. Affaire à suivre.

Patrick Julie


Témoignage

S. Técher (26 ans), père de famille, smicard

Je suis le seul à travailler chez moi, et je dois pourvoir aux besoins de ma petite famille, avec un salaire moyen, tout juste le SMIC. Mon appartement est maintenant trop petit. Il nous faudrait au minimum une chambre supplémentaire. Notre logement actuel ne dispose que d’une seule chambre. Et vous comprenez, l’arrivée d’un enfant nous oblige à trouver un autre logement, maison ou appartement. Rien n’y fait. A la SIDR et à la SHLMR, nous avons monté un dossier, mais depuis aucune nouvelle. Nous avons envoyé d’autres demandes à d’autres organismes, mais sans plus de solutions. Aujourd’hui, je suis dans un F2 à trois personnes, mon enfant aura presque un an en septembre, et il faut bien que ces gens prennent conscience de cette situation. On attend. Pourtant, nous avons commencé les démarches à l’annonce même de l’arrivée de mon fils. Cela remonte donc à plus d’un an. J’ai bien essayé de chercher un loyer chez un privé entre temps, mais les prix sont exorbitants. Je suis smicard, et mon salaire ne me permet pas de payer un loyer supérieur à 450 euros.

Patrick Julie : vous avez pensé à l’achat d’une maison, en passant par les nombreux dispositifs d’aides ?
J’avoue que je n’y ai jamais pensé. À 26 ans, même en bénéficiant d’un CDI, on ne pense pas à cela tellement c’est ambitieux. Ma femme ne travaille pas, elle préfère profiter de son fils. Lorsqu’elle retrouvera un poste de secrétaire de direction, cette éventualité se présentera peut-être d’elle-même. Pour l’heure, nous ne voulons qu’un foyer plus grand, et à un prix raisonnable.


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