Tous propriétaires : l’utopie démagogique

25 septembre 2008

S’appuyant sur l’aspiration des Français à posséder leur logement, le projet de loi Boutin propose de vendre le parc locatif social et d’endetter plus longtemps encore les acquéreurs.

C’était une des lubies du candidat Sarkozy en campagne pour l’élection présidentielle. Faire de la France un pays composé à 70% de propriétaires. C’est à présent l’objectif que sous-tend le projet de loi intitulé "Plan d’actions pour l’accès au logement", défendu par Christine Boutin. La ministre du Logement, qui, selon le président de la République, aurait eu carte blanche sur ce dossier, propose de « développer l’accession populaire à la propriété ». Une formulation dans laquelle le qualificatif populaire remplace celui usuellement employé : sociale.

Les ménages les plus modestes seront tenus à l’écart

Mais le terme relève ici d’un faux ami, à la manière du "populaire" glissé dans le sigle UMP. Première tromperie du texte, condamné par de nombreuses associations, l’accession à la propriété reste un dessein duquel les ménages les plus modestes seront tenus à l’écart. Ménages qui - s’ils ont le droit légitime, au même titre que l’ensemble de la population française, d’aspirer à devenir acquéreurs de leur logement - sont d’abord en droit d’attendre des pouvoirs publics qu’ils leur permettent, en priorité, d’accéder à un toit.
« Pour le dixième anniversaire de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, non seulement ce projet ne marque pas une avancée dans les droits conférés aux personnes en matière de logement, mais il apparaît comme un recul par rapport aux droits acquis par les lois de 1990, 1998, 2000 et la loi DALO de 2007, qui pourtant désignait l’État comme garant du droit au logement », juge le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées, parmi lesquelles figurent ATD Quart-Monde, la Croix-Rouge française, Emmaüs France, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, la Ligue des droits de l’homme, les Enfants de Don Quichotte ou encore le Secours catholique. Car les difficultés d’une partie croissante de la population à se loger sont l’aspect majeur et essentiel de la crise du logement dans un pays riche comme la France. Et aucune mesure du plan Boutin ne prend à bras-le-corps la cherté des loyers ni la trop faible construction d’habitat social. Au contraire, puisqu’il encourage la vente de HLM, au prétexte que cela permet aux catégories populaires d’acheter à des coûts inférieurs à ceux du marché.
Autre danger du texte, l’extension du Pass foncier au logement collectif qui instaure un système de deux prêts successifs, l’un pour le bâti, l’autre pour le terrain. S’appuyant sur le dispositif Borloo de la maison à 100.000 euros, qui connaît un véritable flop, Christine Boutin invente l’appartement à 15 euros par jour, prétendant vouloir diminuer les mensualités des acquérants. En réalité, elle leur propose un endettement sur trente, voire quarante ans. Un cadeau empoissonné à l’heure du resserrement des conditions d’accès au crédit pour les personnes dont la solvabilité est jugée insuffisante par les banques. L’existence de nombreux cas de copropriétés dégradées en raison de l’incapacité des propriétaires à payer leurs charges démontre l’inconséquence de la politique gouvernementale.

« Il faut relancer l’accession à la propriété »

« On ne peut pas contester la forte aspiration des Français à devenir propriétaires de leur logement. Mais la question centrale est celle des conditions économiques. Le gouvernement peut s’y prendre comme il veut, s’il ne fait rien contre la spéculation foncière et qu’il n’intervient pas sur les taux d’intérêt, c’est faux de dire qu’on atteindra les 70% d’accédants à la propriété », tranche Jean-Pierre Giacomo, président de la Confédération nationale du logement (CNL).
« Fixer un objectif de 70% de Français propriétaires est une absurdité », estime Marie-Noëlle Lienneman, députée européenne socialiste et présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives de HLM. (...)
À l’heure actuelle, plus d’un Français sur deux est propriétaire de son logement (58%). Pour le gouvernement, c’est encore trop peu, citant en exemple les cas comme l’Espagne (84%), la Belgique (78%) et la Grande-Bretagne (71%). Pays qui, après avoir foncé tête baissée dans l’accession, reviennent en arrière. Pour s’en tenir à la situation de l’autre côté des Pyrénées, le gouvernement Zapatero a été contraint de relancer, en urgence, le parc locatif, face à la pénurie de l’offre et aux difficultés d’accéder à la propriété pour une partie de la population, particulièrement la plus jeune.

 Ludovic Tomas 


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