Le droit au logement opposable...

Un droit mort-né à La Réunion ?

18 décembre 2007, par Alain Dreneau

Le Conseil Départemental de l’Habitat (CDH) s’est tenu le mardi 11 décembre dernier, quelques jours seulement après la mise en place de la Commission départementale de médiation pour le droit au logement opposable (1). La proximité des dates offre l’occasion de rappeler cette vérité première : le droit au logement opposable n’a de sens que si l’Etat répond à la demande de logement. A La Réunion, ce droit risque d’être littéralement un droit “mort-né”. En effet, le CDH vient d’entériner un niveau de baisse historique des livraisons de logements sociaux pour cette année. Et loin d’annoncer l’effort exceptionnel qu’exigerait le décalage énorme entre production et besoins de logements, l’Etat n’ouvre comme perspectives que désengagement financier et absence de toute volonté de relance. Alarmant.

Les chiffres publiés lors du dernier CDH illustrent une situation du logement à La Réunion qui touche véritablement le fond (voir encadré).
Le Conseil Départemental de l’Habitat, qui se réunit, rappelons-le, deux fois par an, s’est déroulé dans un climat délétère, fait d’un silence officiel qui ressemble fort à de la résignation. A l’heure où le droit opposable des familles mal-logées, reconnu par la loi Dalo (2) votée le 5 mars dernier, impose à l’Etat le devoir de procurer des logements décents dans des délais rapprochés, la faillite du logement social dans les DOM, et en particulier à La Réunion, est manifeste.

2008 : 60 millions d’euros pour un besoin de 119 millions d’euros

Le pire, c’est qu’aucune perspective de relance ne se dessine. La programmation officielle de logements sociaux annoncée pour l’année 2008 - déjà très insuffisante au regard de la demande - représente un besoin de financement sur la LBU (Ligne Budgétaire Unique) de 119 millions d’euros. Mais, en face de ces besoins financiers, quel est le montant des autorisations d’engagements (AE) annoncé par le gouvernement ? Mystère. Aucun chiffre n’a été donné. C’est sans doute la première fois qu’un CDH se cantonne à une programmation “virtuelle” !
Ce qu’il y a de certain, c’est que lors du Budget 2008 voté en novembre dernier pour l’Outre-mer, l’enveloppe arrêtée pour le logement Outre-mer est descendue de 270 à 236 millions d’euros. Compte tenu du “poids” relatif de La Réunion par rapport à l’ensemble de l’Outre-mer, on peut s’attendre à un montant de l’ordre de 80-85 millions d’euros pour notre île. Ce montant devra couvrir les constructions de logements, mais également les dépenses liées aux opérations RHI (3), ainsi que les opérations d’aménagement relevant du FRAFU (4).
On peut estimer en conséquence à 60-65 millions d’euros le financement qui sera dévolu au logement proprement dit. D’un côté, 119 millions d’euros de besoin de financement pour 2008 ; de l’autre côté, entre 60 et 65 millions d’euros de disponibilités financières : en deux chiffres - l’un étant la moitié de l’autre ! - on mesure l’incohérence d’une politique du logement qui opte pour le désengagement de l’Etat au moment même où la loi DALO exigerait un effort sans précédent (5).

Rien sur la loi-programme...

Et la loi-programme pour l’Outre-mer en cours d’élaboration n’a pas à ce jour permis d’enclencher une concertation à la hauteur des enjeux, qui déboucherait sur des mesures partagées par l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, à quelques encablures de la sortie de cette loi-programme, aucun “volet logement” n’a été soumis par le gouvernement aux partenaires. Ce n’est pas la sourdine prévisible qui vient d’être mise à la solution “défiscalisation” (annoncée encore il y a peu comme source de financement réaliste et opératoire...) qui peut masquer l’urgence d’une réflexion globale du problème afin de déboucher sur une action de grande ampleur.
Si la loi-programme n’offre pas un cadre radicalement nouveau - financier, réglementaire, organisationnel - pour une construction massive de logements décents et à loyer modéré à La Réunion, le « droit au logement opposable » n’aura été, pour les dizaines de milliers de familles en attente, qu’un droit mort-né portant une atteinte de plus au respect de leur dignité.

Alain Dreneau

(1) Voir l’article de Manuel Marchal dans “Témoignages” du 13 décembre 2007.
(2) La loi DALO, rappelons-le, entre en vigueur à partir du 1er janvier prochain.
(3) Résorption de l’habitat insalubre
(4) Fonds régional d’aménagement foncier et urbain
(5) L’évidence du recul gouvernemental se lit aussi quand on rappelle les financements de l’année 2007 : 106 millions d’euros, dont 76 pour le logement proprement dit.


La chute s’accélère


- En termes de logements neufs, on aura financé en 2007 seulement 2.136 logements. C’est extraordinairement insuffisant par rapport aux 8.000 logements sociaux nécessaires par an ou par rapport aux 26.000 demandes en souffrance chez les bailleurs.

- De 2006 à 2007, on note une chute de 688 logements neufs, et de 666 logements LLS et LLTS (destinés aux familles aux revenus les plus modestes). C’est la production financée de logements neufs la plus faible de la période 2000-2007 (période déjà en diminution par rapport à la période précédente)

- De même, pour le locatif collectif LLS et LLTS, l’année 2007 est la plus mauvaise depuis 2000 :

- La moyenne de la période 1990-99 était de 2.380.

- Évolution des mises en chantier : sévère baisse par rapport à 2006.



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