Application du droit au logement opposable à La Réunion

Une crise exceptionnelle doit imposer des mesures exceptionnelles

25 octobre 2007, par Manuel Marchal

Le 1er octobre dernier, le Comité pour l’application du droit au logement opposable a rendu son premier rapport. Parmi les six enjeux de l’application de ce nouveau texte et les 37 propositions, l’un de ces dernières retient l’attention : la mise en place d’un ’Plan Marshall’ du logement pour l’Ile de France sous l’autorité du ministre du Logement. Étant donnée la crise due à la pénurie de logements sociaux à La Réunion, il est important qu’une telle initiative puisse être étendue à notre île.

L’obligation de résultat en matière de droit au logement suppose de la part de l’État un effort exceptionnel pendant 4 ans pour faire face à la crise exceptionnelle que connaît l’Ile de France en matière de pénurie de logement social. C’est ce que propose le Comité pour l’application du droit au logement opposable. À La Réunion, cette pénurie est encore plus forte. Des moyens exceptionnels doivent donc être dégagés pour que le droit au logement puisse être une réalité dans le même délai.
La promulgation d’un texte légalisant le droit au logement opposable va permettre à un demandeur de logement social de poursuivre l’État en justice si son attente dépasse un délai « anormalement long ». Non seulement l’État pourra être condamné à loger ou reloger un demandeur de logement social, mais en plus, l’État pourra être sous le coup d’une astreinte financière s’il tarde à appliquer cette décision de justice.
Mis en place progressivement à partir du 1er janvier prochain, le droit au logement opposable permettra dans un peu plus de 4 ans à tout demandeur de logement social de saisir la justice. Si l’État veut être en conformité avec la loi, il doit donc d’ici le 1er janvier 2008 créer les conditions pour que le droit au logement soit une réalité.
Dans ce cadre, le législateur a créé un Comité pour l’application du droit au logement opposable pour faire des propositions au gouvernement pour préparer ces échéances.

« Des moyens exceptionnels »

Pour reprendre les termes du Comité, c’est une véritable « obligation de résultat » dans le droit au logement, inscrite dans la loi, qui incombe à l’État.
Dans son premier rapport, le Comité appelle à prendre en compte les spécificités de la Région Ile de France. C’est en effet dans ce territoire d’un peu plus de 11 millions d’habitants que sont concentrés 40% des recours en justice potentiels. Le Comité y constate « une situation de crise particulièrement aiguë ». Cette situation s’illustre par « environ 72.000 logements attribués par an tous contingents confondus pour 230.000 ménages concernés ». Le Comité appelle à prendre des mesures énergiques visant à terme à la création d’une Autorité régionale organisatrice du logement (voir encadré).
Dans l’attente de la création de cette Autorité régionale et de la définition du Plan régional de l’Habitat, le Comité appelle à « mettre en place un "Plan Marshall" du logement pour l’Ile de France sous l’autorité du ministre du Logement ». Face à « une situation d’une gravité exceptionnelle », « un plan d’urgence doit donc être mis en place sans attendre, et sans que l’Etat hésite à recourir à des moyens exceptionnels ». Ce Plan fixe une production annuelle de 30.000 logements pendant 5 ans. Pour atteindre ce résultat, le Comité cite des moyens exceptionnels, notamment : nommer un "Préfet logement" concentrant l’ensemble des prérogatives liées à l’application du droit au logement opposable, « autoriser l’Etat à préempter les terrains et immeubles nécessaires à la réalisation du plan d’urgence », « mandater des organismes pour réaliser les logements sociaux sur le territoire des communes ayant fait l’objet d’un constat de carence dans l’application de l’article 55 de la loi SRU ».

Une crise amplifiée à La Réunion

À La Réunion, la situation de crise est encore plus aiguë. En effet, sur près de 800.000 habitants, plus de 28.000 demandes de logements sociaux ne sont pas satisfaites, plusieurs dizaines de milliers de familles vivent dans des bidonvilles ou des maisons trop petites. Ce qui signifie que si cette situation ne s’aggravait pas, ce sont plusieurs dizaines de milliers de familles qui pourront demander à la justice de condamner l’État à faire respecter leur droit à un logement. Par ailleurs, la stricte application de la loi SRU ne sera pas suffisante pour régler le problème. Ce sont en effet bien plus de 20% des familles réunionnaises qui ont droit à un logement social. Pour mémoire, il suffit de se rappeler que près de la moitié des familles sont tellement pauvres qu’elles relèvent de la Couverture maladie universelle (CMU), un chiffre sans commune mesure avec la situation en France.
En imaginant que la situation actuelle ne s’aggrave pas, se sont au moins 28.000 logements sociaux qui devront être construits au cours des 4 prochaines années pour que le droit au logement soit une réalité à La Réunion. Cela correspond à un rythme annuel de 7.000 pour 800.000 habitants. Pour sa part, le Comité propose comme mesure urgente la construction de 30.000 logements par an pour 11 millions 000.000 d’habitants.
Ce qui veut dire qu’en termes de construction de logement par habitant, l’effort doit être deux fois plus important à La Réunion pour que le droit au logement soit une réalité au 1er janvier 2012.
Ce calcul souligne les mesures exceptionnelles qui devront être prises pour faire face à une situation de crise exceptionnelle à La Réunion. Autrement dit, il est plus que jamais nécessaire de tenir compte de la spécificité de notre île, et de traduire cette volonté par un "Plan Marshall" pour le logement à La Réunion, avec à la clé des moyens exceptionnels pour faire face à une crise exceptionnelle.

Manuel Marchal


Le droit au logement opposable

Promulguée le 5 mars 2007, la loi relative à la mise en place du droit au logement opposable apporte une avancée significative. À partir de 2008, le droit à un logement est renforcé. Un demandeur peut légalement se retourner contre l’État si ce droit n’est pas respecté. Ce dispositif se mettra en place en trois étapes.
À partir du 1er janvier prochain, le demandeur de logement social peut faire un recours amiable s’il estime que le délai pour obtenir un logement est « anormalement long ». Sa demande est alors examinée par une commission de médiation départementale. Cette dernière a 1 mois pour statuer. Si la commission estime que la requête du demandeur est justifiée, c’est alors au préfet de faire appliquer la décision dans des conditions qui restent à déterminer.
À partir du 1er décembre 2008 pour les personnes prioritaires (sans logis...) et au 1er janvier 2012 pour tous les demandeurs de logement social en attente de l’attribution d’un logement depuis un délai « anormalement long », il sera possible de poursuivre l’État devant le Tribunal administratif. Le juge a deux mois pour statuer. Il peut ordonner le logement ou le relogement du demandeur par l’État. C’est une injonction du juge, et elle peut être assortie du versement d’une astreinte par l’État si celui-ci tarde à faire appliquer la décision de justice.


Propositions du Comité pour l’application du droit au logement opposable

Autorité régionale du logement et Plan régional de l’Habitat

L’État déléguerait des compétences à cette autorité. L’Autorité régionale devrait « définir et conduire la politique de l’habitat francilienne de façon à répondre aux besoins induits par le droit au logement en développant la mixité sociale ». Elle devrait « associer les différentes collectivités territoriales, en s’efforçant de dégager des consensus, procéder aux arbitrages chaque fois que nécessaire, être en capacité de faire appliquer ces arbitrages ».
Elle définirait un Programme Régional de l’Habitat (PRH) qui s’imposerait aux documents d’urbanisme. Le PRH fixerait des objectifs territoriaux de production de logements à atteindre, avec obligation de résultat.
L’Autorité régionale pourrait également avoir un droit de préemption pour atteindre l’obligation de résultat fixée par la loi. Le Comité préconise que cette autorité, ou l’État, engage la construction de logements sociaux prévus dans le PRH dans les communes qui n’atteindraient pas les objectifs fixés dans le Plan. Des objectifs qui peuvent aller plus loin que la loi SRU qui impose qu’au moins 1 logement sur 5 relève du parc social.


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Messages

  • Bonjour à vous,

    Une chose m’échappe sur ce sujet : Depuis l’alignement des prestations sociales avec la métropole, il y a une retenue effectuée au titre du logement, sur l’allocation du même nom, et depuis...ces nombreuses années, j’imagine aisément qu’une somme colossale a pu être constituée.

    Y aurait il une personne qui aurait des informations sur la destination de ces fonds, prévus me semble t il à des fins de logements sociaux, je crois : Comment se fait il que nous en sommes encore aujourd’hui, à ne pas comprendre les politiques menées sur ce point, si crucial pour chacun des réunionnais ?

    Sommes nous sûrs de posséder les compétences politiques dont nous avons besoin sur notre ile ? Je ne sais pas, mais parfois, je regrette la centralisation des pouvoirs, qui avaient ses défauts certes, mais peut être moindres que ceux que nous subissons, lorsque les lacunes intellectuelles des uns et des autres en deviennent aussi flagrantes : Combien de personnes en sont encore de nos jours réduits à vivre chez des parents, faute de pouvoir bénéficier d’un toit ? Et combien d’autres batissent des immeubles, dont les espaces sont inoccupés ? A quand une réquisition de ces locaux par nos responsables ? A quand une politique globale d’acquisition de terrains par nos élus ?

    Visiblement, avoir fait des études, ne semble pas être une garantie contre l’inconséquence, et c’est bien dommage, qu’elles ne soient que des justifications pour se prévaloir de prérogatives, quand nous pouvons supposer qu’un analphabête disposant seulement d’un solide bon-sens serait capable de faire bien mieux, et certainement avec une meilleure maitrise des dépenses budgétaires, à l’instar de nos pionniers qui ont bati La Réunion, et su préserver l’avenir de leurs descendances : Où est passé leur esprit de prévoyance, sinon maintenant seulement à se préoccuper de ses affidés, sans penser aux autres ?

    La situation est urgente, et même gravissime, disons le, chacun en convient, mais faudra t il voir des sans-logés attaquer en justice, et recevoir en contrepartie des indemnités, payés par la collectivité, pour que la situation financière des communes, déjà lourdement grévée par des frais de personnels, en fasse les frais, et ne finisse à terme par ne plus pouvoir payer les salaires ?

    Où va t on, nous pouvons nous le demander, sans être exagérement pessimiste : Dans un mur, et tous ensemble, de concert, aussi, il est clair que personne, ne disposera demain d’un droit de venir se plaindre, à moins de reconnaitre ainsi sa part d’irresponsabilité, car c’est chacun d’entre nous qui portons au pouvoir nos responsables, ils n’y arrivent pas tout seuls, avec la bénédiction d’un st-expédit ou d’une autre babiole adorable, je crois non ?

    Bien à vous


Témoignages - 80e année


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