20 000 enfants mal logés à La Réunion

« Une inégalité profonde », dès la naissance

26 mai 2010, par Edith Poulbassia

« Le mal logement ne fait pas des enfants des victimes collatérales à La Réunion, mais il les plonge dès leur naissance dans une inégalité profonde et parfois durable », dixit la Fondation Abbé Pierre, dans son enquête quant aux conséquences du mal logement sur les enfants. Sur les 20.000 enfants concernés, les 3000 à 5000 enfants de 6 à 12 ans doivent en urgence être pris en compte. Avant qu’ils n’empruntent la voie de l’exclusion.

Pour son 15ème rapport sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre (FAB) a consacré une étude sur la situation des enfants. A La Réunion, la FAB a mené 37 enquêtes auprès des familles, en contact avec les quatre arrondissements du Conseil Général et les Boutiques solidarités. Il ressort de ces enquêtes que 20.000 enfants de 0 à 12 ans subissent le mal-logement à La Réunion. Soit 10% des enfants de cette tranche d’âge.
A un stade où les enfants ont besoin de se construire, le mal-logement a des conséquences sur les relations familiales, sur la santé, sur la scolarité et sur la sociabilité. L’urgence des urgences, conclut la Fondation Abbé Pierre dans sa synthèse de travail sur « les enfants victimes directes du mal logement à La Réunion », serait de reloger en priorité les 3000 à 5000 enfants de 6 à 12 ans. Ces enfants seraient les plus sensibles à la question du mal logement, avec des conséquences quasi irrémédiables sur la scolarité et sociabilité.

L’isolement comme une protection

Rappelons les chiffres. 16.235 logements insalubres recensés, 22.300 demandes de logements sociaux, les deux tiers des ménages réunionnais peuvent prétendre à un logement social selon l’Iedom, un quart des ménages représentant 36% de la population vit dans des logements surpeuplés... Les enfants ne sont donc pas épargnés.
La Fondation Abbé Pierre a mis en évidence des relations familiales exacerbées par le mal logement. Les conflits familiaux et conjugaux sont souvent préexistants mais la situation est aggravé par promiscuité.
Concernant la santé des enfants, les parents interrogés se montrent soucieux. « Au-delà des maladies infantiles courantes, les familles évoquent les problèmes de santé à répétition et la fragilité de leurs enfants ». L’humidité, la moisissure, le manque d’isolation, l’eau froide sont autant de facteurs responsables des problèmes de santé physique mais aussi mentale. Le stress est ainsi évoqué par les familles.
Sur le plan de la scolarité, les parents ne sont pas pour autant démissionnaires. S’ils ont du mal à aider leurs enfants pour les devoirs, ils vérifient si le travail est fait et s’intéressent au suivi scolaire. La réussite scolaire est la promesse d’une vie meilleure pour leurs enfants. Mais la FAB constate cependant que ces familles ont tendance à se replier sur elles-mêmes « pour ne pas montrer l’état de leur logement ». Un repli qu’elles ne perçoivent pas comme « préjudiciable » pour leurs enfants, mais plutôt comme une « protection » contre le milieu extérieur. Mais les parents qui ont conscience des besoins sociaux pour la construction de l’autonomie de leurs enfants se heurtent à des obstacles, notamment l’isolement géographique et culturel.
Les entretiens menés par les Boutiques solidarités auprès des sans domiciles fixes et mal logés qui ont perdu le contact avec leurs enfants ont permis de compléter les données. Ces témoignages de vie ont mis en évidence le risque, pour des enfants qui grandissent en situation de mal logement durable, de s’inscrire dans « des parcours chaotiques sur la plan du logement », qui peuvent mener à la rue.

Priorité aux 5000 enfants de 6 à 12 ans

Alors, quelles solutions pour ces enfants et leurs familles ? Agir le plus tôt possible, indique la Fondation Abbé Pierre, en relogeant ou en améliorant l’habitat. Cependant, la Fondation attire l’attention sur les 3000 à 5000 enfants de 6 à 12 ans, tranche d’âges déterminante pour le développement intellectuel, affectif et social. La Fondation Abbé Pierre a constaté que le changement de logement ou l’amélioration de l’habitat permettent bien souvent de résoudre les problèmes de santé et liés aux relations familiales. En revanche, pour ces enfants de 6 à 12 ans, l’échec dans les apprentissages scolaires et la socialisation perdure. La Fondation préconise donc que la priorité soit donnée aux familles mal logées qui ont des enfants de cet âge. Mais l’étude mériterait d’être affinée.

EP

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