Logement social en voie de dégradation

Visite au “paradis” de Jessie

2 août 2006

Jessie a fait des mains et des pieds pour qu’on vienne lui rendre visite. Car elle voulait à tout prix que l’on se rende compte dans quelle condition elle habite. Trouver quelqu’un qui puisse témoigner de sa situation.
Cette retraitée vit seule dans un “petit” studio situé non loin du petit marché à l’angle de la rue Roland Garros et du Boulevard de l’Océan à Saint-Denis. Ce logement ’social’, elle le loue à la Société Dionysienne d’Aménagement et de Construction (SODIAC) depuis ’12 ans’. Mais, elle voit au fil du temps les conditions d’hygiène et de sécurité se dégrader. Cet immeuble semble propre et sécurisé en apparence... Seulement en apparence. Derrière la façade, c’est l’insalubrité.

Votre immeuble paraît bien entretenu ?

- L’entrée est effectivement codée, mais on entre et on sort comme on veut dans ce bâtiment. En effet, le système est défectueux. Les sans domiciles fixes (SDF) installent le soir venu leur matelas, pour les enlever au petit matin. Ils profitent aussi pour faire leurs besoins n’importe où. J’appelle le service entretien de la SODIAC pour qu’il procède au nettoyage. Sinon, l’état des lieux empire de jour en jour.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à habiter ce studio ?

- En 1988, je me suis retrouvée seule avec ma fille. J’ai constitué un dossier pour un logement social - un F2 - auprès des services de la Mairie de Saint-Denis. En attendant la réponse, mes proches et mes amis m’ont offert l’hospitalité. 5 années après, en 1994, on m’a proposé ce studio. Vous devinez ma déception et ma colère. Vous me voyez ma fille et moi vivant dans un endroit si étroit. J’ai accepté bon gré mal gré et j’ai dû me séparer de ma fille.

Effectivement, votre studio est très petit. Votre lit se trouve pour partie dans la salle à manger, et pour l’autre dans la salle de bain. Ses conditions d’existence vous semblent satisfaisantes ?

- Pas du tout ! Quand j’invite mes amis pour une collation, ils s’asseyent soit dans le canapé, soit dans la cuisine à la table à manger, et même sur le lit. Comme je pensais habiter un F2, j’ai acheté du mobilier que j’ai dû ensuite donner.

Comment sont vos conditions de vie tous les jours ?

- S’il pleut, je ferme les vitres. Je me retrouve ainsi privée d’air. Comment je fais ? Je les laisse entre ouvertes. En été, la chaleur est insupportable, j’utilise plusieurs ventilateurs pour m’apporter un peu d’air frais.

Rencontrez-vous d’autres difficultés ?

- En cette période d’hiver, mon appartement est envahi de “cancrelats”. Ils arrivent par les bouches d’air. Souvent, il y a des coupures d’électricité dans les couloirs, des courts-circuits dans mon appartement. J’en ai fait les frais mais heureusement, j’ai assuré ce studio.

Isolée, Jessie craint le pire

Jessie n’est pas la seule à “survivre” dans ces conditions. Cependant, elle est la seule à appeler les propriétaires des lieux lorsqu’elle constate des anomalies. Ce studio est loin de la satisfaire, mais malgré tout, elle le tient propre. Elle étend son linge aux quatre coins du studio. Dans la salle de bain se trouvent aussi les WC.
Elle est âgée, mais ne fait pas son âge. Ses proches habitent loin ; elle est donc isolée et craint le pire. En effet dans le voisinage, une “gramoun” a été retrouvée morte au bout d’une huitaine de jours, il y a quelques années de cela !
Mais elle ne baisse pas les bras et espère être entendue.

(Texte et photos Jean-Fabrice Nativel)


N. B : Une malencontreuse manœuvre technique a fait sauter le nom de la journaliste Stéphanie Longeras, qui a signé le dossier “Sécurité Sociale : un déficit entretenu” dans notre édition d’hier en page 3.
Nous la prions de bien vouloir nous en excuser et nous joignons son adresse e-mail, pour les lecteurs qui souhaiteraient apporter leurs commentaires ou leurs contributions : [email protected]


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