Mobilisation pour préserver une conquête apportée par l’abolition du statut colonial à La Réunion

19 mars 1946-19 mars 2023 : la retraite au coeur des luttes

18 mars 2023, par Manuel Marchal

Au lendemain de l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution pour tenter de faire adopter sans débat le projet de loi du gouvernement, l’Intersyndicale composée de composée de la CGTR, la FSU, FO, l’UNSA, SOLIDAIRES, la CFDT, le SAIPER-UDAS, la CFTC, la CFE-CGC, la Fédération générale des retraités de la fonction publique, l’UNEF et ATTAC a présenté son plan d’actions pour la semaine prochaine. À l’heure où La Réunion va célébrer ce 19 mars le 77e anniversaire de l’abolition du statut colonial de notre île, le droit à une retraite décente est gravement menacé. Or, la retraite pour les Réunionnais fut une des premières mesures traduisant l’abolition du statut colonial et l’intégration de La Réunion en tant que département à la France.

Ce 19 mars marquera le 77e anniversaire de l’abolition du statut colonial. À cette occasion, Ho Hai Quang tiendra au siège du Département une conférence-débat organisée par le Mouvement réunionnais pour la Paix. Elle portera sur l’évolution de l’économie de notre île depuis son intégration à la France en tant que département français, le 19 mars 1946.
Cette loi est le résultat de combat menés par les syndicats et des militants des droits de l’Homme pour faire reculer la misère coloniale à La Réunion. Alors que le Front populaire en France obtenait d’importantes conquêtes sociales, les syndicats à La Réunion s’organisèrent au sein de la Fédération réunionnaise du Travail dirigée par le Docteur Raymond Vergès, qui fonda ensuite notre journal « Témoignages ». La revendication du mouvement social était « Réunion département français » afin que toutes les conquêtes sociales obtenues en France puissent s’appliquer de plein droit à La Réunion. C’était le moyen jugé le plus rapide pour faire reculer la misère. Cette misère s’aggrava suite au blocus de l’île pendant la Seconde guerre mondiale puis de la perturbation des approvisionnements après la Libération de novembre 1942. La Réunion était alors un des pays les plus pauvres du monde, avec un très important taux de mortalité infantile et une espérance de vie aux alentours de 50 ans. Après les élections législatives d’octobre 1945 qui virent deux députés issus de ce mouvement social élus à La Réunion sous l’étiquette du Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS) – Raymond Vergès et Léon de Lépervanche – la revendication réunionnaise convergea avec celles des députés de la Guadeloupe, la Guyane, et la Martinique. Une proposition de loi commune fut adoptée à l’unanimité et promulguée dans le « Journal officiel » du 19 mars 1946 : ces colonies devenaient des départements.

La retraite : conquête découlant de l’abolition du statut colonial

La lutte s’est alors poursuivie pour que les habitants de ces anciennes colonies puissent bénéficier des mêmes droits que les citoyens des départements existants déjà en France. À ce moment, le Parti communiste faisait partie d’un gouvernement d’union nationale et ce fut un ministre communiste, Ambroise Croizat, qui fut responsable de la création de la Sécurité sociale. Ceci comprenait notamment le droit à une retraite digne financée par la solidarité des travailleurs en activité et la contribution du patronat par un prélèvement sur les richesses créées par les travailleurs.
Grâce à cette conquête sociale, les plus âgés des Réunionnais avaient droit à un revenu sans être obligés de se tuer au travail. Au fil des luttes menées depuis, ces droits ont évolué. Le projet de loi du gouvernement sur les retraites remet en cause tout cela. Il vise à affaiblir considérablement le régime général afin de pousser les futurs retraités à se tourner vers les banques pour espérer un complément de revenu indispensable à une pension trop faible pour vivre dignement à La Réunion.
La retraite est une conquête intimement liée à l’abolition du statut colonial, et elle fut l’une des premières importantes mesures découlant de ce changement à être appliquée à La Réunion.
La bataille menée aujourd’hui par les syndicats s’inscrit dans les pas de leurs prédécesseurs qui ont lutté pour que le droit à une retraite digne puisse être un droit garanti à tous les Réunionnais.

Accentuation de la mobilisation

Hier encore, l’Intersyndicale a affiché sa détermination à accentuer la mobilisation. Lundi, un rassemblement aura lieu devant la SRPP au Port. Mardi, des actions seront menées dans les hôpitaux. Mercredi, ce sera notamment un barrage au rond-point de Gillot avec distributions de tracts. Jeudi, tous les accès au seul port de La Réunion seront bloqués par des barrages, ainsi que la route reliant le Sud à l’Ouest de notre île.
La mobilisation des syndicats est à la hauteur de l’enjeu. En effet, l’application du projet de loi du gouvernement entraînerait ruines et désolations dans de nombreuses familles avec l’appauvrissement des retraités et l’obligation de travailler plus longtemps au détriment de la lutte contre le chômage des jeunes.
Le passage en force du gouvernement a rappelé que dans cette bataille, la victoire ne pourra venir que de la prise en compte par le gouvernement d’un rapport de forces qui l’oblige à reculer.
Gageons que l’amplification de la mobilisation des syndicats permettra d’atteindre cet objectif et d’empêcher un recul social dramatique, 77 ans après l’abolition du statut colonial à La Réunion.

M.M.

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