Il y a 20 ans : la révolte du peuple de Saint-Denis

23 mars 1991 : « Nou la désid lèv la tèt »

23 février 2011, par Manuel Marchal

Le 23 février 1991, un grand rassemblement a lieu place du Barachois devant la préfecture à la suite de la saisie des émetteurs de Télé Free Dom. La manifestation étant interdite par le préfet, elle sera sévèrement réprimée. La répression sera l’élément déclencheur de plusieurs journées d’affrontements entre le peuple de Saint-Denis révolté et les forces de répression renforcée par des blindés et par un contingent de plusieurs centaines de CRS venus de France. Au moins 8 Réunionnais trouveront la mort dans les émeutes, les éléments déclencheurs de la révolte du peuple de Saint-Denis sont toujours là, partout à La Réunion.

Ce 23 mars, c’est le vingtième anniversaire de ce que l’Histoire officielle appelle "les événements du Chaudron". Ce jour-là, des milliers de Réunionnais bravent l’interdiction de manifester pour protester contre l’atteinte à la liberté d’opinion provoquée par la saisie des émetteurs de Télé Free Dom.
Ce rassemblement pacifique devant la préfecture est sévèrement réprimé, mais le peuple de Saint-Denis ne se laisse pas faire, et la confrontation se transforme en affrontement. Les galets répondaient aux gaz lacrymogènes et aux coups de matraque.
Le lendemain, c’est l’escalade. La colère des manifestants se concentre notamment contre des symboles de la société de consommation, ce modèle importé dans l’île à partir des années 50. Plusieurs magasins brûlent. Au Géant du Meuble, les volets métalliques se referment sur des personnes prises au piège par l’incendie. 8 corps seront officiellement découverts. À l’entrepôt Fo-Yam, c’est un autre drame qui se joue avec l’effondrement de la dalle de béton provoqué par les flammes. Des restes humains sont découverts dans les décombres, des dizaines de familles attendent à proximité des ruines des nouvelles de leurs proches qu’elles pensent pris sous les gravats encore fumants. Alors que les estimations font état de plusieurs dizaines de victimes, les autorités n’en comptabiliseront aucune. À cela s’ajoute le décès tragique d’une de nos consœurs foudroyée par un jet de galet alors qu’elle circulait sur la quatre voies.
Des jours entiers, les affrontements vont se prolonger. Le patronat crée ses propres milices, tandis que des blindés et des centaines de CRS quadrillent les quartiers populaires de Saint-Denis. Des jeunes sont roués de coups.
20 ans après la révolte du peuple de Saint-Denis, les raisins de la colère sont toujours là. Le chômage ne cesse de s’amplifier, les inégalités se creusent. Et tout comme en 1991, une partie du monde connaît de profonds changements apportés par des révoltes populaires. Au début des années 90, les gouvernements d’Europe de l’Est se sont effondrés dans le sillage de la chute du Mur de Berlin. En ce début 2011, c’est au tour des régimes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient d’être ébranlés par la volonté des peuples. Eux aussi se disent « nou la désid lèv la tèt ».

Manuel Marchal

23 mars 1991, le peuple de Saint-Denis se révolte contre la répression d’une manifestation interdite par l’État, c’est le début de plusieurs jours d’affrontements.
En pleine répression des manifestations du peuple de Saint-Denis, les premiers drames.
Fabrice a perdu la vie parce qu’il a porté secours aux victimes de l’incendie du Géant du Meuble.
Aucun hommage aux victimes des émeutes : voilà comment le pouvoir considérait les Réunionnais. C’était hier, il y a 20 ans…
Au lendemain des affrontements, Paul Vergès et Élie Hoarau vont à la rencontre du peuple du Chaudron.
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