Nouvelle attaque contre les acquis sociaux

35 heures : Chronique d’une mort annoncée

21 mai 2004

Les 35 heures sont remises en cause. Après les réformateurs, Sarkozy, Raffarin, c’est Chirac qui évoque leur remise en cause. Chronique d’une mort annoncée...

L’UMP veut s’attaquer cette fois aux 35 heures. Et mettre au chômage des travailleurs. Le tout sur fond de rivalités personnelles. (Photo d’archives)

Avril 2002 : Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat Chirac s’engage à ne pas revenir sur "la durée du travail légale fixée à 35 heures".
Octobre 2002 : Les députés puis les sénateurs adoptent le projet de loi présenté par le ministre des affaires sociales, François Fillon, contenant un assouplissement des lois Aubry.
9 octobre 2003 : La Mission d’évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail est créée.
Novembre 2003 : lors d’un déjeuner avec des parlementaires UMP, à l’Élysée, Jacques Chirac qualifie "d’imbécile" l’initiative des réformateurs sur les lois Aubry.
28 octobre 2003 : La mission s’installe et procède à l’élection de son président, Patrick Ollier, et de son rapporteur, Hervé Novelli.
13 novembre 2003 :Les travaux de la mission d’évaluation commencent avec différentes auditions.
Janvier 2004 : Fin des auditions. Il y en aura eu 53.
9 Mars 2004 : Dans un entretien accordé au “Figaro”, Patrick Ollier, annonce la couleur : "Il faut envisager des assouplissements supplémentaires" aux 35 heures.
13 avril 2004 : Une fuite parlementaire laisse entendre que la mission parlementaire préconisera de faire sortir de la loi la fixation de la durée légale du temps de travail et la mise en place de dérogations.
14 avril 2004 : Les parlementaires votent les 350 pages du rapport, par 15 voix pour, 7 parlementaires votent contre.
15 Avril 2004 : La commission rend officiellement son rapport qui propose de retirer au législateur le soin de fixer la durée du travail, pour le confier à la négociation collective. Chirac et Raffarin cherchent à minimiser l’événement. Matignon diffuse un communiqué pour faire savoir que le gouvernement n’envisage pas, "dans l’immédiat, de modifications des lois Aubry, qui ont été assouplies par la loi Fillon de modernisation du dialogue social".
16 avril : Hervé Novelli annule la rencontre qu’il doit avoir avec Jean-Pierre Raffarin, au vu de la teneur du communiqué.
4 mai 2004 : Le ministre de l’économie et des finances, Nicolas Sarkozy, relance les hostilités et dénonce les 35 heures comme étant "un contre-sens économique". Il plaide pour des aménagements “au cas par cas”.
5 mai : Le ministre du Travail et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, indique, sur Europe 1 qu’il "n’est pas exclu que l’on puisse avoir des conversations d’assouplissement (...). Mais ce n’est pas le sujet pour l’instant".
6 mai : Sur France 2, Jean-Pierre Raffarin renchérit : "Les 35 heures, c’est pour certains un progrès personnel. Pour la collectivité, ce sont des difficultés générales et qui sont souvent très graves. Il faut que les partenaires sociaux inscrivent dans leurs négociations sur la modernisation sociale le débat sur le temps choisi, parce que ce n’est pas l’État qui peut décider la part de temps de travail, de temps libre et de temps de formation".
11 mai : le tout nouveau président du groupe UMP de l’Assemblée, Bernard Accoyer, dans une interview à “La Tribune”, propose une méthode : "Rechercher des aménagements aux 35 heures sur la base du volontariat" et "un traitement différencié des charges sociales selon les secteurs".
17 mai : Dans un entretien accordé au “Figaro”, Nicolas Sarkozy fustige ce "désastre financier qui coûte 11 milliards d’euros chaque année à l’État en exonération de charges" et suggère l’instauration d’un système à “deux vitesses” dans les entreprises.
17 mai : comme l’écrit “Libération” : "Chirac suce la roue de Sarkozy". En effet, le président de la République affirme : "Je n’ai jamais été convaincu du caractère positif des 35 heures. Je considère que ça a été un frein au développement économique, et donc au total à l’emploi, et aussi un frein à l’évolution des rémunérations". Il estime que "des aménagements légaux" doivent être trouvés dans le cadre d’accords d’entreprise et de branche "au plan national". Pourquoi ce revirement ? (voir encadré)
18 mai : Patrick Ollier presse Nicolas Sarkozy d’aller plus vite et de réouvrir le dossier.
13 juin : N’y aurait-il pas des élections ?

Dominique Besson


Vers 44 heures par semaine ?

Éric Heyer est directeur adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Il a répondu aux questions d’un journaliste du “Nouvel Obs” version électronique. Il explique : "Les bilans des 35 heures montrent que leur mise en place a permis la création de 350.000 emplois (...). Si maintenant on dit que l’on revient sur les 35 heures, ce qu’on a gagné, on va logiquement le perdre. Si on augmente la durée du travail, on va détruire des emplois".
Quant aux conséquences d’une annulation de la réduction du temps de travail, il estime que cela aura un impact "très négatif tout d’abord au niveau social (...). De plus, économiquement, on revient sur les 350.000 emplois créés. Ces destructions d’emplois vont représenter pour l’État non seulement un manque à gagner au niveau des rentrées fiscales, alors qu’il avait déjà concédé des allégements de charges, mais également un poids supplémentaire du fait de leur prise en charge par l’assurance chômage. Il faudra en plus compter sur une baisse de la consommation".
Et de conclure sur le risque d’une disparition de la durée légale : "Avec 10% de chômage, il est totalement illusoire de penser que les salariés puissent décider de quoi que ce soit. Ce qu’aimeraient le Medef ainsi qu’une certaine partie de la droite, c’est effectivement de supprimer la durée légale du travail pour la remplacer par une durée maximale, fixée par les normes européennes et permettant de travailler jusqu’à 44 heures par semaine. Dans cette hypothèse c’est évidemment le salarié qui sera le grand perdant".
Mais de tout cela, l’UMP s’en moque éperdument.

D. B.


Humeur

Surenchère

Pourquoi Jacques Chirac est-il devenu une girouette sur les 35 heures, revenant sur ses prises de positions préalables ? Réponse : c’est pour faire revenir à lui une partie de l’UMP draguée par Sarkozy. Des parlementaires, bien sûr, comme Hervé Novelli, Alain Madelin ou d’autres.
Question subsidiaire : pourquoi veut-il se “refaire une base” ? Réponse : en vue d’une part de l’élection à la présidence de l’UMP, dans les mois qui viennent. Et d’autre part, dans l’optique de l’élection présidentielle de 2007.
C’est donc dans une surenchère totalement basée sur des stratégies personnelles que l’UMP, toutes tendances confondues, toutes personnalités concernées, veut remettre en cause un acquis social. Et jeter du même coup des milliers de travailleurs à la rue.

D. B.


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