51% des gramounes sous le seuil de pauvreté

6 mai 2011, par Edith Poulbassia

En 2008, près de 32.100 personnes âgées à La Réunion avaient un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 911 euros. Plus de la moitié de nos gramounes sont pauvres, alors que la population de l’île continue à vieillir.

Quels sont les niveaux de vie* des personnes âgées à La Réunion ? La question devrait intéresser les participants aux deux tables rondes qui auront lieu le 12 mai dans le cadre du débat national sur la dépendance. L’Insee, en partenariat avec le CESER (Conseil économique, social, environnemental régional) et le CRIESR (Comité régional pour l’information économique et sociale) ont répondu hier à cette question. La publication des Informations Rapides analyse les niveaux de vie des personnes âgées en 2008, avec un focus sur les allocataires du minimum vieillesse.
D’abord, qu’est-ce qu’une personne âgée ou un senior pour l’Insee ? Il s’agit des individus de 65 ans et plus, généralement à la retraite. Ils étaient environ 63.000 en 2008. L’étude de l’Insee relève que 51% d’entre eux, soit 32.100 personnes âgées, ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté national fixé à 911 euros. Ce qui s’explique en partie par la forte proportion d’allocataires du minimum vieillesse, soit 30.600 retraités qui vivaient en 2008 avec 633 euros par mois pour une personne seule. Un minimum réévalué cette année à 742 euros et qui devrait atteindre 777 euros en 2012. Près de 45% des personnes âgées vivent ainsi de ce minimum social à La Réunion, ce qui est considérable comparé aux 5,4% de l’Hexagone. Autrement dit, il y a presque dix fois plus de gramounes au minimum vieillesse à La Réunion qu’en métropole.

Des femmes âgées

Qui sont-ils, ou plutôt qui sont-elles ? Ce sont en effet en majorité des femmes qui vivent du minimum vieillesse. Elles représentent 60% des allocataires. Une situation qui s’explique, d’après Édouard Fabre, chargé d’études à l’Insee, par leur position face au marché du travail. Les femmes, lorsqu’elles travaillent, subissent souvent le temps partiel. Leur taux d’inactivité est plus élevé que les hommes, de même pour leur espérance de vie. Les allocataires du minimum vieillesse sont aussi des personnes de grand âge. Ils ont en moyenne 76 ans. Parmi les 90 ans, huit personnes sur dix sont concernées.
Notons que la moitié des allocataires du minimum vieillesse sont des seniors qui ont travaillé, mais qui n’ont pas suffisamment cotisé pour percevoir une retraite supérieure à ce minimum. L’État leur verse donc 336 euros de complément de revenus pour atteindre le montant du minimum vieillesse. Près d’un quart des Réunionnais au minimum vieillesse n’ont aucune pension de retraite, ce sont essentiellement des femmes seules.
Un senior sur quatre vit cependant avec une personne en emploi que ce soit un conjoint ou une personne de la famille, souvent un enfant. Un mode de cohabitation encore prégnant à La Réunion, souligne l’Insee, bien qu’en perte de vitesse. Le niveau de vie de la personne âgée augmente ainsi de 190 euros en moyenne.

Dans le Sud de l’île

Où vivent ces personnes âgées ? 55% de celles qui sont au minimum vieillesse vivent à Salazie, Cilaos, Sainte-Rose et Saint-Joseph. Le Nord accueille 36% de seniors au minimum vieillesse. Mais c’est dans le Sud de l’île que vivent 37% des personnes âgées, ce qui s’accompagne pour la micro-région d’un taux de pauvreté record de 58,3% (avec 47% d’allocataires du minimum vieillesse), à mettre en lien avec une économie peu développée et l’agriculture. Le Nord est mieux loti avec 38,9% de taux de pauvreté des seniors, 52,4% pour l’Est et 52,9% pour l’Ouest.
Ce taux de pauvreté de 51% chez les seniors complète d’autres données déjà publiées par l’Insee. Avec un seuil de pauvreté national de 911 euros, ce sont 49% des Réunionnais, soit près de 400.000 personnes qui ont un faible niveau de vie, dont 144.000 enfants. On sait désormais que 32.100 personnes âgées ne sont pas épargnées par la pauvreté. Mais l’Insee indique que « les seniors les plus modestes ont des niveaux de vie plus élevés que les Réunionnais les plus modestes ». En 2008, le minimum vieillesse de 633 euros est supérieur au RMI de 448 euros. On constate aussi que 57% des jeunes de 20-24 ans vivent en dessous de ce seuil de pauvreté national. Avec une forte population active au chômage, le niveau de vie des personnes âgées ne semble pas prêt de s’améliorer. On s’oriente pourtant vers un « papy-boom réunionnais ». En 2040, l’île devrait compter 219.000 seniors sur un million d’habitants.

EP


* Niveau de vie : revenu disponible du ménage, après redistribution, divisé par le nombre d’unité de consommation (un adulte).


Inégalités face à la dépendance

Pour plus de la moitié des personnes âgées (55%), soit 34.000 personnes, le niveau de vie mensuel est compris entre 633 euros et 1.000 euros. Les seniors pauvres ont en moyenne 76 ans. L’âge de la dépendance. La prise en charge peut est assurée par l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) pour le maintien à domicile ou les séjours en maison de retraite. Cette prise en charge dépend des conditions de ressources. Pour les revenus inférieurs à 710 euros, le montant maximum de l’aide peut être attribué, en fonction de la dépendance. Au-delà, une participation de la personne âgée est demandée. « À La Réunion, les niveaux de vie sont très concentrés juste au-dessus de ce seuil. Toute modification de celui-ci aurait donc un impact fort sur le nombre de personnes dépendantes devant contribuer aux dépenses dues à la perte d’autonomie », note l’Insee. Seulement 15% des personnes âgées auraient ainsi droit à la prise en charge totale par l’APA. Excluant ainsi la tranche des personnes âgées vivant avec 710 euros à 1.060 euros mensuel, la plus nombreuse avec près de 30.000 personnes. Ceux-ci devraient apporter une contribution. En 2008, le Conseil général a versé 31,2 millions d’euros d’APA.
À noter que seulement 10% des plus aisés chez les plus de 65 ans ont un niveau de vie supérieur à 2.300 euros (par comparaison, les 10% des plus aisés chez les 50-64 ans ont un revenu supérieur à 3.470 euros). Encore 4.000 personnes âgées ont des niveaux de vie inférieurs au minimum vieillesse : elles partagent leurs revenus au sein du ménage avec d’autres personnes qui ont peu ou pas de ressources.


Minimum vieillesse

Le minimum vieillesse a été créé en 1956 pour que les personnes de plus de 65 puissent bénéficier d’un revenu minimum de retraite. En 2008, le montant était fixé à 633 euros par mois pour une personne seule, à 1.136 euros pour un couple. La revalorisation pour une personne seule est de 742 euros en 2011 et 777 euros en 2012.
Cette allocation peut compléter les montants de retraite perçus pour garantir un seuil de ressource. Un tiers des allocataires du minimum vieillesse sont en couple à La Réunion.
L’Insee n’a pas tenu compte de ce tiers dans son étude sur le minimum vieillesse car « il est difficile d’évaluer le montant de retraite perçu par les deux membres du ménage ».
Depuis 2007, deux allocations permettent d’atteindre le minimum vieillesse : l’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées) et l’ASI (Allocation supplémentaire d’invalidité).
Le minimum vieillesse est versé en majorité par trois régimes de base : le régime général (76,8% des allocataires), la MSA exploitants agricoles (10,6%) et le SASPA (Service allocation solidarité aux personnes âgées, pour ceux qui ont travaillé mais n’ont pas cotisé). Les Caisses de retraites ont ainsi versé 124 millions d’euros en 2008.
Depuis 2000, le nombre d’allocataires du minimum vieillesse a diminué de 1,2% par an, mais reste élevé avec 45% des seniors : 30.600 retraités.

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Messages

  • Très bonne article madame. J’apprécie la qualité de votre article qui touche beaucoup de nos grandmounes. Espérons qu’il aide les proches de ces personnes agées à se diriger vers les aides adéquates.


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