DOSSIER PAUVRETÉ - PRÉCARITÉ

A La Réunion, 70% des salariés aux revenus modestes sont des femmes

2 septembre 2008, par Edith Poulbassia

Baisse du pouvoir d’achat, stagnation des salaires, chômage, précarité... Tous les Réunionnais ne sont pas égaux face à ces situations. Les femmes y sont particulièrement exposées puisque, dans notre société moderne, l’accès à un emploi, qui plus est bien rémunéré, relève encore plus que pour les hommes du parcours de la combattante.

70% des femmes interrogées par l’ODR reconnaissent que l’égalité hommes-femmes n’est pas atteinte.
(photo toniox)

Les filles réussissent mieux que les garçons à l’école. C’est après que les choses se gâtent. Les beaux discours sur l’égalité des sexes s’évanouissent dans la réalité de la vie active. La société réunionnaise est encore fortement marquée par les inégalités entre les hommes et les femmes, malgré des efforts qui sont fait par exemple pour qu’elles accèdent à des emplois encore réservés à la gente masculine, efforts nécessaires pour que changent les mentalités des deux sexes. Une récente étude de l’Observatoire du développement de La Réunion sur "le travail des femmes" dresse un tableau de la situation qui n’est pas rose du tout pour les Réunionnaises.

La précarité au féminin

D’abord, des chiffres qui en disent long sur le chemin qu’il reste à parcourir à La Réunion : « les femmes représentent 70% des salariés aux revenus les plus faibles et 44% des salariés aux revenus les plus importants ». Cette réalité ne s’explique pas uniquement par une absence de diplômes ou un faible niveau de qualification. Il révèle plutôt l’inégalité de l’accès au travail, et par conséquent aux postes à responsabilités et aux revenus importants.
Les jeunes femmes sont plus diplômées que les jeunes hommes. Mais, à diplôme égal, que ce soit un CAP-BEP, un bac, ou des études supérieures, le taux de chômage féminin est toujours plus élevé que celui des hommes. Les femmes titulaires d’un CAP-BEP ont un taux de chômage de près de 42%, alors que celui des hommes est inférieur à 30%. Pour les diplômées de l’enseignement supérieur, l’écart se resserre, mais une différence d’au moins 4 points existe avec le taux de chômage des hommes possédants un même niveau d’études. Par ailleurs, 70% des emplois à temps partiels sont occupés par les femmes, et pour 85% d’entre elles, ce n’est pas un choix. Même constat pour les Contrats à Durée Déterminé (CDD) : 16% des femmes qui travaillent sont en CDD, contre 9% des hommes.
L’ODR précise ainsi que « la part d’emplois précaires est plus importante pour les femmes que pour les hommes. Au sein de l’échantillon, même si hommes et femmes sont majoritairement en Contrat à Durée Indéterminée (CDI) (respectivement 73% et 71%, quand ils travaillent), la deuxième situation la plus répandue est le Contrat à Durée Déterminée pour les femmes. Pour les hommes, il s’agit de la création d’entreprise. Notons qu’à La Réunion, les femmes ne représentent que 26% des créateurs d’entreprises ».

Renoncer à travailler avant même de commencer

Résultat, beaucoup de Réunionnaises renoncent au travail. « Ce renoncement peut intervenir très tôt », souligne l’ODR. « Les enquêtes d’insertion réalisées par le Rectorat 7 mois après la sortie du système scolaire dressent un bilan assez négatif sur l’emploi des jeunes femmes. A ce stade de la vie, plus d’une fille sur dix se déclare inactive. Ce taux est réduit de moitié pour les garçons ».
Signe que les filles ont intériorisé un modèle de société fondé sur l’inégalité des sexes, même si elles souhaitent une évolution. 70% des femmes interrogées par l’ODR reconnaissent que l’égalité n’est pas atteinte et que la société doit évoluer, contre 61% des hommes. Mais comme eux, elles admettent que la famille prenne une place plus importante dans la vie d’une femme, et soutiennent que pour un homme il n’y a pas concurrence entre l’investissement professionnel et l’investissement familial.
Cette inégalité pourrait en partie être résolue par un meilleur partage des tâches au sein du cocon familial. 68% des hommes interrogés par l’ODR se sont ainsi déclarés prêts à « faire des sacrifices ou à s’organiser différemment
pour permettre à leur conjointe d’avancer professionnellement ».
Malgré tout le problème de la garde des enfants n’est pas résolu. « En effet », précise l’ODR, « par rapport à la situation nationale, La Réunion présente des facteurs aggravants. Les familles monoparentales représentent un quart des familles réunionnaises et dans 90% des cas les enfants sont à la charge de la mère. L’accueil pour jeunes enfants est très insuffisant. En 2007, la PMI recensait environ 4.000 places entre les différentes formes de crèches et les assistantes maternelles alors que les enfants de moins de 3 ans étaient 56.000 en 2002 ».

Edith Poulbassia


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus