Comité de lutte contre l’exclusion

A quand “un plan Orsec” pour les chômeurs ?

15 octobre 2008, par Edith Poulbassia

L’énergie que l’Etat déploie pour remédier à la crise financière, le Collectif de Lutte contre l’Exclusion souhaiterait la retrouver en temps normal, pour aider les chômeurs, les érémistes, les travailleurs pauvres, les petits retraités, les sans-abri. Pour le CLE, il est urgent d’agir avant l’explosion sociale.

Le Comité de Lutte contre l’Exclusion (CLE) tire une fois de plus la sonnette d’alarme. « Il faut savoir, insiste Jean-Pierre Técher, président de l’association, que tout fatalisme politique en matière d’emploi et de lutte contre le chômage aboutira, tôt ou tard, au déchirement du pacte social et à la révolte ».

Pour le CLE, la crise financière et économique qui accapare l’attention des médias et des politiques cache un malaise plus profond, celui de milliers de Réunionnais en détresse sociale : minima sociaux, travailleurs pauvres, chômeurs. Au moins 52% de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. « Aujourd’hui, les associations servent de sas, elles canalisent la colère et l’exaspération, mais jusqu’à quand ? », se demande Jean-Pierre Técher.

Le Comité de Lutte contre l’Exclusion.(photo EP)

« Les gens sont prêts à descendre dans la rue et à tout faire péter ». Et le CLE se retrouve aujourd’hui à assumer des missions « d’assistante sociale » plutôt que de se consacrer au montage de projets d’insertion.
« Comme la CCIR l’a fait pour les entreprises en situation de crise, nous demandons nous aussi un plan Orsec pour les minima sociaux, les chômeurs, les petits retraités, les salariés », déclare Jean-Pierre Técher. La situation l’exige, et ce n’est certainement pas le Revenu de Solidarité Active (RSA) qui va y remédier.

« L’Etat peut décréter le plein emploi »

Quel plan Orsec ? « Doubler les allocations, ce qui, du même coup, obligerait à augmenter les salaires », avance le président du CLE. « Donner à chaque individu la possibilité de créer son activité. Toutes les conditions existent à La Réunion. L’Etat peut décréter le plein emploi », ajoute-t-il.
« Il faut arrêter de considérer les érémistes comme des personnes incompétentes, insiste Georges Arhiman, co-président du CLE. Dans le tourisme, la restauration, le commerce, les gens n’ont peut-être pas de diplômes, mais ils ont du savoir-faire. Les projets existent, mais nous n’obtenons pas de financement. Par exemple, il y a 384 ravines à La Réunion envahies par la vigne marronne, les pestes végétales. Nous avons proposé d’entretenir ces ravines, de replanter des manguiers... On peut créer de l’animation pour le tourisme, mais on ne nous écoute pas ». Le CLE se pose par ailleurs des questions : Pourquoi se limiter au tourisme haut de gamme ? Pourquoi cantonner les érémistes aux emplois de l’environnement et des services à la personne ? « Le érémiste peut aussi construire, devenir patron », soutient Georges Arhiman.
Le CLE demande aux pouvoirs publics, aux élus locaux, aux collectivités locales de mettre en place rapidement un séminaire pour l’emploi.

Edith Poulbassia


Le RSA, c’est travailler « pou la po patate »

Le RSA n’est pas la panacée au problème de pauvreté. Le CLE en est convaincu. « Le RSA va se substituer au RMI. Celui qui retrouve un emploi pourra cumuler allocation et revenu du travail, mais dès qu’il aura atteint le niveau du SMIC, il perdra les droits connexes. Pour les employeurs, il n’y a aucune incitation à atteindre un SMIC plein, ni de pérenniser les emplois. Il va y avoir, comme pour les emplois aidés antérieurs, un turn-over qui maintiendra les gens en situation de précarité », constate Jean-Pierre Técher.
Pour le CLE, le Revenu de Solidarité Active (RSA) va fournir de la main d’œuvre quasi gratuite aux entreprises, va contraindre les chômeurs à travailler « pou la po patate » et va contribuer à tirer les salaires vers le bas. « Il y a des gens comme le patronat, comme l’OCDE, qui pensent que c’est préférable d’avoir des salariés pauvres plutôt que des salariés au chômage. Mais, disent-ils, pour qu’un salarié accepte d’être pauvre en travaillant, il ne faut pas que la protection sociale lui procure un revenu qui le démotiverait de travailler. D’où les attaques contre le RMI, l’ASS, l’API ; les allocations chômage ».
Si le CLE n’est pas convaincu par le RSA tel qu’il est présent, l’association craint cependant l’application d’un « RSA minoré » en 2011. « L’Etat ne veut-il pas gagner du temps pour concocter un RSA minoré ? Ce serait inadmissible, d’autant plus que la situation réunionnaise exige plutôt un RSA majoré compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat et de la hausse du coût de la vie ».
Enfin, le sort des érémistes intéresse-t-il vraiment les élus ? 29 députés seulement sur 577 ont assisté à la présentation du projet de Martin Hirsch au Parlement.

EP


Des chiffres du chômage en deçà de la réalité

La situation est préoccupante. Plus 0,9% de demandeurs d’emploi pour le mois d’août, plus 6,3% pour les six derniers mois. « Le plus mauvais résultat pour de tous les départements français, ce qui ne constitue pas une surprise, ni une nouveauté. Un lot de consolation tout de même : on nous dit que le chômage de longue durée recule de 6,5%, mais ce qu’on ne nous dit pas, c’est qu’ils sont radiés, en un clic, pour être réinscrits en nouveau demandeurs d’emploi ».
Des chiffres que le CLE conteste. « Ces chiffres si mauvais soient-ils sont largement sous-estimés. Les catégories autres que les chômeurs de longue durée, les gens qui sont radiés pour faire baisser les statistiques, les demandeurs d’emploi non inscrits à l’ANPE ne sont pas pris en compte dans le calcul ».
De plus, les contrats de travail de plus de 6 mois diminuent, ceux de moins d’un mois progressent. « La situation se fragilise de jour en jour. Et le pouvoir culpabilise les chômeurs. Nous, association, nous avons la certitude que ces gens-là préféreraient travailler au lieu de recevoir une malheureuse allocation à la fin du mois ».

EP


360 milliards pour les banques, 70 euros de prime aux érémistes

Avant la crise, « on n’arrêtait pas de dire que la France était endettée, que la France était en faillite, que les caisses étaient vides... On ne trouve pas d’argent pour augmenter les salaires, ni pour créer des emplois, ni pour proposer un avenir aux jeunes, mais on trouve des milliards pour les injecter dans Dexia.
A Londres, les spéculateurs jubilent, un certain Simon Cawkwell affirme avoir gagné 320.000 euros en moins d’une heure, une somme non imposable »,
remarque Jean-Pierre Técher. L’Etat a su trouver 360 milliards d’euros pour sauver les banques, 400 millions d’euros pour la fabrication de véhicules propres dans la branche automobile. Et pour les pauvres ? « Il va donner 70 euros de prime aux érémistes » à Noël.

EP

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