Grève à la centrale thermique du Gol

À quoi sert une signature sur un protocole ?

23 novembre 2004

Le 20 septembre dernier, un protocole d’accord est signé, qui octroie le versement d’une prime “travaux pénibles et salissants” aux personnels des centrales du Gol et de Bois-Rouge. Le 19 octobre, la direction renie sa signature et demande au personnel le remboursement de l’acompte de 1.800 euros déjà perçus, estimant que cette prime n’est pas applicable...

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À l’appel de la CGTR, le personnel de la centrale thermique du Gol s’est mis en grève hier après-midi. À l’origine de cet arrêt de travail : le revirement de la direction de la centrale qui revient sur la signature d’un protocole en date du 20 septembre dernier, prévoyant le versement d’une prime “pour travaux pénibles et salissants”.
Bien évidemment, cet arrêt de travail n’est pas sans conséquences sur une production d’électricité déjà dans le rouge avec l’arrêt d’un groupe de production du Gol depuis le 30 octobre “pour raisons techniques” (voir “Témoignages” du 18 novembre) qui avait ramené la production de 60 à 30 mégawatts.
Comme souvent en pareil cas, il faut remonter quelque temps en arrière pour trouver les origines de ce conflit. Les 10,11 et 12 février 2002, un groupe de travail composé de représentants du personnel des centrales du Gol, de Bois-Rouge et du Moule (Guadeloupe) se réunit à Paris avec Jean Viratelle, représentant la direction du groupe SIDEC, maison-mère des centrales de La Réunion et de Guadeloupe. Cette réunion a pour but d’examiner les dispositions relevant du statut national des Industries électriques et gazières, applicable aux personnels des centrales de La Réunion et de Guadeloupe.
À l’issue de cette réunion, un document est signé qui stipule que "l’ensemble des décisions" qui figurent dans ce document "sont applicables dans leur intégralité. Toutes les conclusions seront effectivement appliquées. Toutes... sauf une : celle concernant le versement de la fameuse prime pour “travaux pénibles et salissants".

Protocole signé... et renié

Au mois de septembre dernier, un conflit éclate dans les centrales du Gol et de Bois-Rouge. Le versement de la prime, en application de la réunion et des conclusions du groupe de travail de février 2002, revient au centre des revendications des salariés.
Après bien des tergiversations et une volonté manifeste de ne pas discuter, un protocole est signé le 20 septembre entre les représentants du personnel et un représentant de la direction nationale, qui a fait exprès le déplacement de Paris. Le tout sous la houlette de la direction départementale du travail.
Dans ce protocole, il est écrit noir sur blanc que le fameuse prime "est applicable à nos entreprises" et que, "conformément" aux conclusions du groupe de travail réuni en février 2002 à Paris, une réunion exceptionnelle "se tiendra afin de fixer les modalités d’application des indemnités de travaux pénibles et salissants". Cette réunion, selon les termes du protocole, devait se tenir "au plus tard début novembre" avec les représentants de la CGTR et de la CGTG.
Il était également prévu le versement, à titre d’acompte, d’une somme de 1.800 euros sur la paie de septembre, pour les agents pouvant bénéficier de la fameuse prime. Ce document porte les signatures des responsables syndicaux ainsi que celle de Pascal Langeron, directeur de Bois-Rouge et de Jean-Luc Cousin, directeur du Gol.
Tout semblait donc réglé jusqu’à ce que, le 19 octobre dernier, Jean Viratelle, directeur de la SIDEC, celui-là même qui avait paraphé les conclusions du groupe de travail de février 2002, écrive en substance aux délégués syndicaux que la fameuse prime "ne s’applique pas à nos établissements" et informe également le personnel qu’il faudra rembourser l’acompte de 1.800 euros déjà perçu !
Ce revirement de la direction est d’autant plus étrange que le 20 septembre, date à laquelle un protocole de fin de conflit reconnaît que "la prime est applicable à nos établissements", un mail adressé à la direction de la SIDEC disait textuellement : "il n’existe pas de circulaires d’application de cette disposition".
Comment peut-on expliquer qu’une entreprise puisse en même temps signer, en présence d’un représentant de l’État, un protocole dans lequel elle s’engage, tout en reconnaissant par ailleurs que ces dispositions n’étaient pas, à ses yeux applicables...

Les autorités informées au début du mois

De son côté, la CGTR ne partage bien évidemment pas cette vision des choses. Dans un courrier en date du 5 novembre adressé à la direction de la centrale du Gol, la CGTR répond au revirement de la direction de la SIDEC en ces termes : "(...) sans réponse de votre part pour une éventuelle reconsidération de votre décision, nous serions de nouveau amenés à faire prévaloir un autre préavis de grève".
On ne peut donc parler de “grève surprise”... Le même jour, la CGTR informait la DRIRE et l’inspection du travail du revirement de la direction. Le 10 novembre, Patrick Hoarau, secrétaire général de la CGTR-EDF, écrivait à Serge Leroy, directeur du travail et de l’emploi pour l’informer de la dénonciation unilatérale du protocole signé le 20 septembre.
Après avoir rappelé que les négociations et la signature du protocole s’étaient déroulées sous l’égide du directeur du travail, Patrick Hoarau conclut : "le personnel des centrales n’est pas d’accord avec la remise en cause de ce protocole et vous sollicite avant qu’un nouveau conflit n’éclate".
Deux courriers en date du 5 et du 10 novembre qui tirent le signal d’alarme. Et hier, on a pu entendre le directeur du Gol parler à la télévision de "sabotage". D’un autre côté, les planteurs, directement concernés par l’arrêt de la sucrerie du Gol et, par ricochet des centres de livraison du bassin cannier, s’estiment "pris en otages".
Entre une direction qui renie sa propre signature, qui reste sourde aux appels à la discussion, et des autorités informées en temps et heure et qui n’interviennent pas, et des salariés qui ont l’impression d’être roulés dans la farine, faut-il se demander où se situent réellement les responsabilités ?

S. D.


Une circulaire pour une prime qui n’existe pas ?

Pour justifier sa volte-face (lire ci-dessus), la direction s’appuie sur des avis “autorisés” selon lesquels "il n’existe pas de circulaires d’application de cette disposition" (NDLR : de la prime pour travaux pénibles et salissants). Elle semble faire cette découverte le 19 octobre, après avoir signé un document disant le contraire le 12 février 2002 et le 20 septembre 2004 !
Pas de circulaire d’application ? On n’ose croire que de telles entreprises, avec des services juridiques pointus, ne sont pas au courant de la lettre du secrétaire d’État à l’Industrie, en date du 19 juillet 1999 relatives "aux modalités d’application du statut national du personnel des industries électriques et gazières aux personnels des entreprises non nationalisées", dont font partie les centrales du Gol et de Bois-Rouge.
Cette décision ministérielle “ENN 99-3 du 9 juillet 1999” stipule que sont applicables aux entreprises "non nationalisées" dont le personnel relève du statut "IEG" (telles que Bois-rouge et le Gol), les dispositions de la circulaire 99-06 du 9 février 1999.
Que dit cette circulaire ? "indemnités pour travaux pénibles et salissants : les montants qui étaient en vigueur au 1er janvier 1998 sont majorés de 0,60% au 1er janvier 1999".
Question : comment peut-on officiellement, par une circulaire, fixer les modalités d’augmentation d’une prime qui, selon la direction de la SIDEC, n’existe pas et ne peut être attribuée ?


Réactions

CGTR-EDF : "Ne pas se tromper de cible"
Dans un communiqué, la CGTR-EDF note que la grève du personnel de la centrale du Gol "va sûrement entraîner des délestages, mais il ne faut pas se tromper de cible. Les salariés sont en grève pour le respect du protocole signé le 20 septembre avalisé par la direction du travail et remis en cause par les directions locales".
Pour la CGTR, "ce ne sont pas les salariés qui prennent les usagers en otage, mais la direction qui ne respecte pas ses engagements et les salariés". Et la CGTR conclut : "À quoi sert une négociation menée par les services de l’État si elle n’est pas suivie d’effet ?"

La CGPER : " L’arbitrage du préfet"
La CGPER "regrette le durcissement du mouvement qui entraîne la paralysie des centres de réception du Sud-Ouest". Rappelant "le fonctionnement aléatoire" de l’usine du Gol et déplorant "le laxisme des usiniers" qui "entraîne une situation grave pour les planteurs pris en otage par la centrale thermique", la CGPER demande au préfet son arbitrage "afin qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible".

La Sucrière de La Réunion : activité suspendue
Pour sa part, la Sucrière de La Réunion rappelle que suite au mouvement déclenché hier, "la sucrerie du Gol n’est plus approvisionnée en vapeur" et a donc du suspendre son activité. Si le mouvement se poursuit, ajoute le communiqué (et rien ne laisse présager le contraire), ce sont toutes les plates-formes de l’Ouest et du Sud qui ne pourront recevoir les cannes dès aujourd’hui. Pour de plus amples renseignements, les planteurs sont invités à se renseigner auprès des chefs de centre.

EDF : 20.000 abonnés privés d’électricité
"Un arrêt de la tranche en cours de production de la centrale thermique du Gol a provoqué un déséquilibre du système électrique de l’île", écrit EDF dans un communiqué de presse. "La forte demande étant supérieure aux possibilité de production", cela a nécessité, explique EDF des coupures dont sont victimes 20.000 clients. Des coupures qui seront "réparties sur l’ensemble de l’île en attendant le retour à la normale".


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