Grèves générales en Guadeloupe et en Martinique pour demander plus de pouvoir d’achat

Aggravation de la crise structurelle aux Antilles

9 février 2009, par Manuel Marchal

Après la Guadeloupe, c’est la Martinique qui entre dans la grève générale pour revendiquer une hausse du pouvoir d’achat. La signature d’un APE entre l’Union européenne et les États de la Caraïbe va encore aggraver la situation sociale dans ces deux îles : comment les secteurs productifs des Antilles pourront faire face à la ’concurrence libre et non faussée’ de pays proches géographiquement, mais ayant un coût de production beaucoup plus bas ? La question se pose, car la structure économique de ces deux pays n’est pas préparée à ce changement brutal et fondamental.

Le mouvement de grève générale, commencé le 20 janvier en Guadeloupe à l’appel du collectif LKP, s’est étendu à l’île voisine de Martinique jeudi. L’objectif est de revendiquer un meilleur pouvoir d’achat et des créations d’emplois.
La mouvement a semblé très suivi jeudi, avec une manifestation qui a ressemblé 15.000 à 20.000 personnes dans les rues de Fort-de-France, selon la police et les organisateurs. Les rues de la capitale martiniquaise offraient le spectacle d’une ville morte, avec des commerces au rideau tiré pendant la manifestation, qui s’est déroulée sans incident. Deux rencontres ont eu lieu jeudi autour du préfet en présence des élus des collectivités locales et des parlementaires ainsi que des représentants patronaux et syndicaux.

Vers une nouvelle baisse des prix des carburants ?

Selon l’un des porte-parole du "collectif du 5 février", le pendant martiniquais du collectif LKP guadeloupéen, Michel Monrose, cette dernière rencontre a permis aux participants de s’entendre sur "une méthode de travail" et de définir l’ordre des points de revendications à négocier. Il s’agira dans un premier temps d’aborder la question des "salaires, des bas-salaires et des prix".
En Guadeloupe, les négociations se poursuivent. Après l’annonce d’une baisse de 10% des prix de 100 produits de première nécessité, Yves Jégo avait annoncé qu’il demandait aux partenaires sociaux d’ouvrir des négociations salariales avec comme base une hausse de 2% des salaires. Le secrétaire d’État à l’Outre-mer devait rencontrer hier les dirigeants de la SARA, l’équivalent aux Antilles de la SRPP. L’an passé, les Guadeloupéens ont eu droit à une baisse de 30 centimes sans que les collectivités n’aient à verser le moindre euro. Ils revendiquent une nouvelle baisse de 20 centimes. Lors d’une rencontre avec la presse, Yves Jégo a annoncé en substance que le tiers des revendications du collectif contre l’exploitation ont été satisfaites.

Ouverture à la "concurrence libre et non faussée"

Cette tension sociale dans les deux RUP antillaises a lieu au moment où le Parlement européen a eu connaissance de l’accord de partenariat économique signé entre l’Union européenne et les États voisins de la Martinique et de la Guadeloupe, les pays du CARIFORUM. 
Ces négociations d’un accord de partenariat économique n’ont pas été l’occasion de faire avancer un autre modèle de relation entre des pays ACP et une RUP. Résultat, la Guadeloupe et la Martinique n’ont pas droit à un traitement différencié dans cet APE, elles sont considérées comme n’importe quelle autre région européenne.
Si cet accord restait en l’état, alors cela voudrait dire que les produits de ces DOM ne seraient plus protégés de la concurrence de pays voisins très proches géographiquement, et ayant un coût de production beaucoup moins élevé. Cela se vérifie déjà dans le tourisme. Et pour le moment, la Martinique et la Guadeloupe sont considérées dans cet accord fondamental en tant que régions européennes comme les autres. Autrement dit, l’intégration brutale de la Martinique et de la Guadeloupe dans le libre-échange risque donc de porter un coup destructeur aux capacités productives de ces pays, privant des milliers de travailleurs de leur emploi. Cela aura alors pour conséquence d’aggraver la crise sociale actuelle, qui est l’expression conjoncturelle d’une crise structurelle profonde et durable.

Manuel Marchal

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