Du retard dans les salaires

’Alarme 2.000’ : les travailleurs ont des soupçons

4 août 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Retards dans le paiement, chèques sans provisions… les employés de la société possessionnaise ’Alarme 2.000’ sont dans la galère. Et doutent des explications fournies par la direction qui invoque un problème technique. ’Témoignages’ donne la parole aux travailleurs.

Une paie retardée, cela peut arriver. On s’arrange, on emprunte, on essaie de faire patienter les banquiers et les créanciers. On se serre la ceinture. La deuxième fois consécutive, c’est plus difficile : il faut rembourser les emprunts contractés au premier retard, convaincre les banquiers, se débrouiller avec les traites. La troisième fois, c’est insupportable… et on commence à se poser des questions. C’est ce qui se passe dans les rangs du personnel d’"Alarme 2.000", spécialisée dans la sécurité. Une entreprise bien implantée et réputée dans ce secteur d’activité, où la compétence et le sérieux de ses 120 employés est reconnu . Pourtant, voici près de trois mois que ceux-ci ne sont plus payés.

Retards et chèques en bois

« Ziska fin juillet ma la atann ma paie de juin. Ma la dépose le chèque la banque : troi zour apré, la banque la appelle a moin, pou di a moin lo chèque la, té sans provision. Banna lavé donne amoin un chèque en bois », déclare X…, agent de sécurité, qui a tenu à conserver l’anonymat au cours de son entretien avec "Témoignages". « Ou connaît, ici dans ce lentrepriz là, néna rienk des pères de familles. Nout tout nou néna des emprunts par ici, par laba, i faut nou paye pou lauto, i faut nou paye l’essence, nou néna loyer pou payer, et i faut encore nous néna larzan pou bann marmay i sa va lécol… surtout que la rentrée i sa arriver. Nou la emprunté, emprunté mais là nou koné pi koman ni sa fé ».

Bizarreries comptables

Des salariés payés par chèques : une pratique assez rare pour attirer l’attention.
« D’après le patron », ajoute un autre employé de l’entreprise, lui aussi sous couvert de l’anonymat, « les frais de virement sont trop élevés et se montent à 100 euros ». Pourtant, nous explique-t-il, les chèques seraient délivrés par une société d’affacturage réunionnaise bien connue, liée à la banque qui héberge les comptes d’"Alarme 2.000":prestation considérablement plus coûteuse que les frais de virement bancaire. Selon les déclarations de la direction recueillies hier par notre confrère le "JIR", les problèmes de paye rencontrés par les salariés viendraient d’une simple difficulté temporaire, due à un changement de société de facturation qui tarderait à transférer l’argent des paies, bloqué dans l’Hexagone.

Questions sans réponses

Les employés confirment le changement. « In zour, in cadre la di anou que c’est parsk la société la sanz de banque. Parsk soi-disant, la première banque lavé annule le compte de la société… parske dapré le cadre en question, la banque té pas content akoz dé-trois employés de la société lavé parti aux prud’hommes. Ou gaigne croir ça ou ? ». Une histoire effectivement peu crédible… qui n’explique toujours pas les retards et les chèques sans provisions. Car la société d’affacturage prestataire est une société réunionnaise, liée à une banque réunionnaise. "Alarme 2000" est une entreprise réunionnaise dont l’ensemble des marchés est conclu à La Réunion. Sa comptabilité se situerait-elle en France continentale ? Ce type de montage est assez rare, mais possible en théorie. Pourtant, même dans ce cas, les retards ne devraient pas excéder une durée maximum de 24 ou 48 heures. Pourquoi donc, hier à 15h30, les salariés d’"Alarme 2.000" n’avaient-ils pas encore touché leur chèque ? D’après les employés, la société est une entreprise solide, bien placée sur un marché porteur, où elle a de sérieuses références. Son directeur déclarait lui-même « ne pas connaître de difficultés financières ». Une bonne nouvelle qui n’explique rien et ne sort pas les travailleurs de la galère. Affaire à suivre.

Geoffroy Géraud-Legros

• A plusieurs reprises, "Témoignages" a tenté de joindre la direction de l’entreprise. Sans succès.

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