Le CNE est illégal

Amplifier la précarité ne sert pas à lutter contre le chômage

7 juillet 2007

Gageons que les négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux prendront en compte l’avancée qui vient d’être obtenue avec la chute probable du CNE. Un verdict qui, espérons-le, fera jurisprudence. À court terme, ce sont des milliers de travailleurs qui sortiront de la précarité du CNE pour avoir droit à un emploi durable.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés du jugement de la Cour d’appel de Paris.
Amplifier la précarité des contrats de travail pour s’adapter plus facilement aux évolutions de l’économie : l’application de cette idée ultra-libérale a du plomb dans l’aile.

En effet, sauver le CNE est devenu une mission désespérée. Il ne reste plus comme issue que la Cour de cassation pour infirmer le jugement de la Cour d’appel. Or, la Cour de cassation « ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits. Elle assure ainsi par sa jurisprudence une application harmonieuse des lois », écrit la plus haute juridiction sur son site. Le CNE est quasiment enterré. C’est une grande victoire dans la lutte contre la précarité et pour faire reculer une pensée unique selon laquelle ce sont avant tout les travailleurs qui doivent payer le prix des fluctuations de l’activité économique. Autrement dit, les travailleurs ne doivent pas être les seuls à subir les conséquences négatives de la flexibilité, ils ont le droit d’être protégés.

Une victoire de la mobilisation

Autre enseignement à tirer de ce verdict : amplifier la précarité n’est pas un moyen de lutter contre le chômage. C’est le message de la Cour d’appel : « Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier. Il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements ».

Cette victoire est le résultat d’une intense mobilisation syndicale. Le CPE a été tué dans l’œuf grâce à de puissantes manifestations dans la rue, le CNE est à l’agonie du fait d’une bataille juridique menée par les syndicats. Cette lutte pourra désormais très difficilement ne pas atteindre son objectif : faire respecter les droits des travailleurs, et donc leur dignité. C’est d’ailleurs le sens de la décision de justice : nul ne peut être licencié sans motif, c’est une atteinte à la dignité humaine.

Quand ce verdict sera confirmé, il ouvrira un immense espoir pour près de 1 million de travailleurs en France et des milliers à La Réunion. Ils ne pourront plus être licenciés du jour au lendemain par un patron qui a cru pouvoir le faire impunément.

Celles et ceux qui ont voulu profiter d’une sécurité juridique qui se révèle nulle maintenant sont pris à leur propre piège. Ces patrons comptaient sur le CNE pour en finir avec les revendications des travailleurs en les faisant vivre sous la menace constante de la privation d’emploi.

Ils seront désormais obligés de transformer ces contrats ultra-précaires en emplois durables et ne pourront que se plier à une loi : celle du Code du Travail. C’est en d’autres termes ce que dit la Cour d’appel de Paris : les CNE doivent être requalifiés en CDI.

Inscrire de nouvelles garanties

Alors que s’ouvrent en France les négociations entre partenaires sociaux et gouvernement sur l’avenir des contrats de travail, gageons que ce verdict pèsera de tout son poids dans la balance. Dans l’élaboration d’un nouveau contrat entre le travailleur et son employeur, des propositions autres que la précarité existent.

L’une des revendications des représentants des travailleurs est la mise en œuvre d’une sécurisation des parcours professionnels. Un nouveau type de rapport entre patron et salariés que Maryse Dumas, responsable CGT, décrivait dans "Le Monde" du 25 octobre 2004 : « Nous proposons une sécurité sociale professionnelle, c’est-à-dire des droits à une carrière, à la formation professionnelle, à la progression des salaires, au maintien du contrat de travail et du salaire en cas de suppression d’emploi. Ces droits seraient attachés à la personne du salarié, et progresseraient avec lui. Ils seraient garantis au plan interprofessionnel afin que chaque employeur soit tenu de les prendre en compte et de les respecter chaque fois que le salarié change d’emploi ».

Face aux changements de plus en plus rapides de l’économie, les salariés ne sont pas les fusibles. Tous les partenaires doivent discuter d’une solution acceptable pour tous, avec un objectif prioritaire : lutter contre le chômage.

Manuel Marchal


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