Qu’est-ce qui a causé votre mouvement de grève ?

- A la base, il y avait un manque à gagner dans les salaires. Quand une entreprise est en progression constante et que les seules augmentations de salaire sont faites sur la base de la grille conventionnée des salaires, et pas sur les salaires réels, il y a un problème. Nous n’avions jamais d’augmentations autres qu’obligatoires et c’étaient des réajustements, entre +2% et 2,5%, alors que l’indice INSEE est autour de 3,05%. Il y a eu une exaspération des salariés de ne pas être écoutés. Le manque de communication dans l’entreprise a conduit à la grève que vous avez vue.

Vous posiez aussi la question de l’ancienneté...

- Outre la question des salaires - à travail égal, salaire égal - il n’y avait aucune considération pour les anciens. Ceux qui ont 10-11 ans dans l’entreprise ont un niveau de salaire, et ceux qui venaient d’entrer avaient le même niveau. L’an dernier, après un accord signé avec l’ancien délégué du personnel, la Direction a appliqué une prime d’ancienneté de 1/12ème du salaire. Avec 11 ans d’ancienneté, cela donnait 149 euros par an, ou encore 12 à 13 euros par mois, soit 1,5% du salaire en plus. Le combat a surtout porté là-dessus et sur l’augmentation des salaires réels.

Qu’avez-vous obtenu ?

- Que les augmentations de salaires seront faites sur le montant des salaires réels. Ensuite, la Direction avait proposé + 3% d’augmentation uniforme pour les petits salaires comme pour ceux des cadres. Nous avons obtenu 50 euros pour tout le monde, ce qui fait plus de 3% sur les petits salaires. Pour la prime d’ancienneté, un calendrier est mis en place, opérationnel à partir de janvier 2007 et sur 3 ans. L’augmentation sera mensuelle - et pas annuelle -, située entre 2% et 5% selon l’ancienneté (3, 5 ou 10 ans). On a fait une simulation sur un salaire de 1.364 euros : avec notre bataille, le salarié aura 900 euros de plus.

Comment expliquez-vous que la grève ait duré si longtemps (22 jours) ?

- Cela a duré parce que la Direction voulait laisser pourrir. Pour moi, c’était de l’entêtement patronal. On a demandé un rendez-vous après la conciliation - qui n’avait rien donné - alors que propositions et contre-propositions ne satisfaisaient personne. On a tenu 22 jours parce qu’il y a eu une solidarité énorme entre les salariés. Avec le soutien du Casino de Saint-Pierre et du syndicat, les grévistes ont pu tenir. C’est vrai qu’au niveau national, les grèves ne durent pas aussi longtemps - cela va de quelques jours à quelques heures. Personne ne comprend l’entêtement du directeur général. Il a refusé la médiation et n’a accepté la conciliation que contraint et forcé.

Quelles leçons tirez-vous de ce conflit ?

- La première leçon est la solidarité des salariés entre eux. Tous ont repris la tête haute, parce qu’ils ont fait gagner à l’ensemble des salariés, même ceux qui n’étaient pas là, des augmentations de salaire, une prime d’ancienneté, des négociations futures sur les heures de nuit et la mise en place, avant le 31 décembre, d’une participation sur les bénéfices.
Je pense qu’après ce conflit, il y aura plus de respect des patrons envers les salariés. Les rapports vont changer, ils seront peut-être plus “cadrés”, mais les salariés ont retrouvé leur place ; ce sont les salariés qui font tourner le Casino, qui rapportent le chiffre d’affaires. Cette solidarité est précieuse et je ferai tout mon possible pour qu’on soit toujours solidaires les uns des autres.

Comment se passe la reprise ?

- Dans un conflit, on ne peut jamais avoir 100% de satisfaction. Mais je pense qu’on a obtenu quand même beaucoup, que nous n’aurions pas eu si nous n’avions rien fait. Le MEDEF s’oppose partout au paiement des jours de grève et, en raison de la longueur du conflit, nous n’avons pu négocier que 8 jours en décembre : 4 seront pris sur les congés payés, le reste sera déduit des salaires et étalé jusqu’en avril 2007. Pour l’instant, l’ambiance à la reprise n’est pas tendue. Les clients ont félicité les salariés pour leur courage et surtout pour avoir eu gain de cause. Je pense que tout le monde a réussi à trouver sa place, alors qu’avant, la Direction sous-estimait beaucoup les salariés, je pense. Je voulais dire aussi qu’à la fin, le directeur adjoint de l’Inspection du Travail, Mr. Gilbert David, a fait le déplacement sur Saint-Gilles, pour accélérer la signature, qui a pu intervenir dès vendredi soir, vers 20h. Tout le monde était là et la Direction a offert le champagne à tous, sur le parvis. Nous avions dit : « On a commencé dehors, on termine dehors ». Je voudrais dire encore que je suis fière du personnel et du travail fait par tout le monde. Nous n’avons pas eu tout ce que nous pouvions rêver, mais c’est un bon avancement. Et je pense que la Direction écoutera plus, ou mieux, à l’avenir.

Propos recueillis par P. David