« Politique anti-sociale du gouvernement » : la CGTR s’explique

Attention au « matraquage idéologique » !

28 août 2007

La destruction des droits sociaux engagée depuis 5 ans par le gouvernement Chirac se poursuit sous la mandature Sarkozy. Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR tient à dénoncer cette « politique anti-sociale » marquée par un « matraquage idéologique » derrière lequel il convient de déchiffrer la fin de la solidarité nationale et la remise en cause des droits des travailleurs au profit du patronat. Éclairages.

Omniprésent, le discours officiel sur la dette publique, sur la France qui croule sous les impôts, est pour Ivan Hoareau « une façon de conditionner la population sur les temps à venir », une stratégie de communication qui donne l’image « d’une France à genoux pour préparer les Français à se serrer la ceinture. »

Convergences gouvernement Médéf

Sans prôner l’endettement, Ivan Hoareau souligne au passage que la France est moins déficitaire que d’autres pays européens qui s’en sortent en l’occurrence très bien. Ce discours qui tend à susciter l’esprit de responsabilité des citoyens permet avant tout de faire passer une politique de fiscalisation de la solidarité nationale, de remettre en cause le droit du travail, répondant ainsi clairement aux attentes du Médéf.
Ivan Horeau souligne clairement les convergences entre le syndicat patronal et le gouvernement : « Le contrat de travail est par définition un contrat de subordination : c’est le principe caractéristique du salariat, explique-t-il. Le droit du travail intervient justement pour rééquilibrer ce rapport de force ». Mais Médéf et gouvernement, « les deux veulent inverser les choses : c’est le contrat qui va primer sur la loi ». On ne parle plus de Contrat Unique mais de CDI de mission à ruptures pré-causées (les causes de ruptures figurent d’entrée dans le contrat de travail) car Laurence Parisot, présidente du Médéf, veut une rupture de contrat à l’amiable comme pour le divorce. Preuve pour le représentant syndical que « comparaison n’est pas raison ».
Il revient sur « la tromperie totale » du “Travailler plus pour gagner plus” qui signifie surtout que le pouvoir d’achat des salariés est insuffisant, qui sonne la fin de la durée légale du travail et qui constitue une attaque détournée mais claire des 35 heures. Quelle liberté de travailler plus pour les contrats à temps partiels qui ne peuvent prétendre à plus de 10% d’heures supplémentaires alors qu’ils souhaitent surtout un plein temps ? C’est un des nombreux paradoxes que soulève cette orientation politique fortement idéologique et qui, comme le souligne aussi le Conseil d’Analyse Economique, risquerait de favoriser les fraudes.

«  On est dans une politique de classes  »

Comme le rappel encore Ivan Hoareau, un patron aura plus intérêt à faire passer une partie du salaire de son employé en heures supplémentaires, exonérées de cotisations plutôt que d’augmenter son salaire. C’est un avantage à court terme pour le salarié qui verra sa protection sociale et sa retraite tronquées. « Une façon d’enfoncer le clou sur la privatisation de la protection sociale », mais aussi de diviser les salariés entre ceux qui pourront obtenir des heures supplémentaires et ceux qui ne pourront pas car ce n’est jamais le salarié qui décide mais bien l’employeur.
Autre mesure fortement idéologique : la baisse des impôts. Elle va appauvrir l’État qui n’aura plus les moyens d’assurer ses services publics au détriment, en premier lieu, des couches sociales les moins loties.... « les mesures avancées sont à forte connotation idéologique », soutient encore avec conviction Ivan Hoareau. « Tous les impôts progressifs sont attaqués. Le paquet fiscal du gouvernement, mesures très techniques, vise à blouser les gens. » Remettre en cause la progressivité de l’impôt équivaut selon lui à la fin de la solidarité nationale. À côté, une minorité de riches va bénéficier de ces mesures, payées par le contribuable. Et on nous parle de TVA sociale ? « Un oxymore », « le clair obscur » pour le représentant syndical qui estime que la seule chose qui ait un caractère social est bien la fin de la solidarité nationale. « On est dans une politique de classes. On nous dit que ça n’existe plus mais on nous montre le contraire. »

Diviser sur tous les fronts pour mieux régner

L’énumération des objectifs du gouvernement comme autant de mesures régressives et destructrices mériterait l’ouverture d’une large réflexion, mais contraint par le temps, Ivan Hoareau n’en retient que quelques-unes. Le RSA, par exemple, qu’il qualifie de « subvention à l’emploi », lui rappelle le projet d’un Préfet qui voulait obliger les érémistes à couper la canne.
Il souligne aussi la volonté du gouvernement, à travers la mise en place du service minimum dans les transports, de détendre la limitation du droit de grève à tous les services publics. « Un droit de grève qui a toujours été le terrain de lutte entre syndicats et patronat ». Contrairement à ce que le discours officiel veut laisser croire, le service public n’est pas malade des grèves, mais bien de son appauvrissement. L’instauration d’un service minimum qui, là encore, de par son principe d’application, veut opposer les salariés. Soutenir aussi que les suppressions de postes de fonctionnaires permettront d’investir dans les carrières de ceux qui restent, part d’un même objectif de division. Idem encore quand le gouvernement prétend que le règlement des régimes spéciaux permettra d’alimenter le régime général. « C’est n’importe quoi ! », défend encore Ivan Hoareau qui rappelle, « ce qu’on ne dit jamais », à savoir que les cheminots cotisent pour payer eux-mêmes leur retraite anticipée. Avec la réforme de la protection sociale, l’instauration des franchises médicales, le déremboursement des médicaments... là encore ce sont les malades qui vont eux-mêmes payer pour assurer leurs soins, soit un mode de financement parfaitement contraire au principe de solidarité nationale.
À son niveau, la CGTR ne prétend pas avoir de solution miracle sur ces grandes problématiques nationales, mais sa direction va selon Ivan Hoareau « faire le tour de ses structures pour, autant que faire se peut, expliciter les valeurs de la politique de Sarkozy, tenter d’ouvrir les yeux et de se préparer, d’expliquer car peu de gens comprennent ». Certes, Nicolas Sarkozy a été élu par la majorité des Français, mais sa légitimité ne doit pas remettre en cause celle qui appartient aussi à ceux qui sont opposés à sa politique de s’exprimer. Ivan Hoareau se dit prêt à soutenir le débat.

Stéphanie Longeras


Au coeur des récents conflits sociaux...

« 
Plus fortement que jamais se pose la question salariale  »

Revendication commune aux derniers conflits sociaux qui ont marqué La Réunion ces dernières semaines : la question salariale. Baisse du pouvoir d’achat, augmentation des prix, précarisation des emplois : pour Ivan Hoareau, l’enjeu est de taille et risque encore de s’imposer.

Salariés en grève car «  trop, c’est trop !  »

Se référant aux Comptes Economiques Rapides d’Outre-Mer publiés par l’INSEE en juillet 2007, le représentant syndical note que contrairement aux autres années, ce n’est plus l’investissement des ménages mais les investissements publics qui ont permis de maintenir le taux de croissance. « Tout laisse croire que cela va se poursuivre en 2007 », augure-t-il. Alors que l’inflation reste toujours supérieure à La Réunion par rapport à la métropole, parallèlement, la progression du SMIC a été freinée ces 3 dernières années (+5,5% en 2005 ;+3,05% en 2006 ;+2,1% en 2007). L’augmentation de la masse salariale n’est pas contestable, notamment dans le secteur du bâtiment, « mais est-ce que le salaire moyen progresse ? Non. Est-ce que l’objectif, c’est de créer de l’emploi précaire qui a des salaries scotchés au SMIC ? » La stagnation des salaires, l’augmentation des prix, la précarisation de l’emploi poussent selon Ivan Hoareau les salariés à la grève, à s’engager dans des conflits de longue durée (3 semaines pour Rhum’s Réunion, 10 jours pour la Brink’s...) pour marquer « leur volonté de dire : trop, c’est trop ! » Cela faisait plus de 20 ans que le groupe Vindémia (magasins Jumbo, Score) et ses filiales n’avait pas vu ses salariés en grève et qui plus est avec une mobilisation d’une telle importance.

« 
La bataille est très difficile, mais il faut la poser  »

L’unité salariale mais aussi des organisations syndicales à leur côté se renforcent. « C’est une directive des organisations patronales, mais les employeurs ne veulent plus négocier le salaire, poursuit-il. Ils veulent négocier sur des éléments sans charge sociale, sur les indemnités, les primes, mais plus sur l’augmentation de salaire. » En dépit du discours économique qui prétend qu’un passage à 1.500 euros de salaire net va toucher les grands équilibres macro-économiques, la CGTR soutient fermement cette revendication. « Jusqu’à quand va-t-on pointer de la sorte la contrainte extérieure, la compétitivité, le coût du travail ? », interroge-t-il en substance. Le projet de TVA sociale, rebaptisée TVA anti-délocalisation du gouvernement s’inscrit lui aussi en faveur d’une nouvelle baisse du coût du travail, payable là encore par les contribuables. Que faire ? « La bataille est très difficile, mais il faut la poser », soutient Ivan Hoareau qui espère des mouvements sociaux et politiques en réactions aux différentes menaces qui pèsent sur les travailleurs. Il faut informer, s’unir, mesurer le rapport de force et quant aux camarades du BTP, là oui, il les encourage à aller plus loin dans la bataille des salaires.

SL


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