Au secours ! 300.000 Réunionnais sont en grand danger !

31 juillet 2007

La dernière fois que j’ai écrit ce que je ressentais, ça remonte ! C’était pour rédiger mon journal de collégienne. Mais aujourd’hui, c’est animée d’autres pensées que je laisse mes doigts courir sur le clavier. Je veux témoigner de ce que j’ai vu et ressenti pendant les journées de porte-à-porte à l’occasion de la campagne électorale car, stupéfaite je l’avoue, j’ai découvert une réalité différente de celle que - bien que n’appartenant pas aux couches aisées- je vis au quotidien, différente de celle dont nous parlent les Télés et les journaux.

La détresse morale, la misère, la pauvreté dans lesquelles survivent des centaines de familles.
Jamais, sauf dans mes cauchemars, je n’avais imaginé pouvoir être envahie par de tels sentiments.
Donc, lors de la dernière campagne législative, deux camarades et moi avions décidé de faire équipe pour le porte-à-porte. C’est moi qui, forte de mon expérience de militante, encourageais les deux amies qui m’accompagnaient pour la première fois. J’étais fière de jouer ce rôle de “grande sœur”. « Vous allez voir, ce sera chouette, c’est super de rencontrer les gens, c’est sympa et souvent très convivial », leur avais-je dit pour les rassurer, tout en omettant volontairement de leur parler de ma seule crainte : les chiens qui, parfois, vous flanquent la trouille.
Bref, une fois notre calendrier établi : direction Saint-Benoît, quartier de La Rivière des Roches, Cité des Orchidées. L’évocation de cette adresse si poétique m’entraîne à penser que nous allons certainement y rencontrer des personnes qui voudront qu’on leur explique notre programme. Mon optimisme sera rapidement douché par la réalité.
Dès notre première halte, nous rencontrons un couple d’une soixantaine d’années et leur fils âgé de 19 ans. Ce dernier vivote de temps à autre de petits contrats que la mairie daigne offrir selon des critères qui leur paraissent bien mystérieux.
Le père de famille sort tout juste de clinique où il a subi l’ablation d’un orteil pour cause de diabète. La mère nous fait visiter sa petite case LTS dont ils ont fait l’acquisition en se sacrifiant. Au fil des ans, la demeure s’est dégradée. Fils électriques dénudés pendant sur les cloisons, sol brut où ne subsistent que des lambeaux de revêtement, peinture défraîchie, toiture non doublée laissant voir la ferraille et les tôles. Les toilettes et la cuisine sont dans un triste état, tout est délabré. Et soudain, presque sans bruit, la mère de famille fond en larmes. Elle pleure pour son fils qui est encore jeune et pour qui, comme toutes les mères, elle souhaiterait ce qu’il y a de mieux. Pour trois personnes, cette famille n’a pour ressources que 600 euros par mois et elle n’arrive plus à faire face au quotidien. Ils ont demandé de l’aide pour rénover leur case. « Personne i écoute pas nou. Nou la parti voir la mairie, le maire, nou n’a poin de réponse jusqu’à zordi. Quoi nou peut faire ? Quand ou lé p’tit, ou reste à terre. Nou souffre et nou reste dann nout coin, nu veut pas emmerde personne, même que des fois, nou n’a pu rien pou manzé, n’a pu savon pour lave le linge. Nou peut pas fé de crédit pour arrange la case, nous nana factures pour payer, et en plus, il faut paye la mutuelle, et comme zot y voit, moin lé malade », nous disent-ils.
Face à une telle détresse, pas question de parler de notre programme, ni même de leur demander de voter pour nous. Nous leur avons expliqué leurs droits et les aides dont ils peuvent bénéficier. Nous leur conseillons de se rapprocher des services sociaux de la CAF pour solliciter une aide afin d’améliorer leur case. Nous leur disons également que leur fils peut prétendre à une formation pour pouvoir accéder à un emploi durable et nous leur indiquons les différents organismes de formation puisque le fils aspire à vouloir travailler dans un garage.
Le monsieur acquiesçait d’un petit sourire et la dame se montrait ravie de ce que nous leur disions. Personne jusqu’ici ne leur avait prêté attention et ils ne savaient pas trop vers qui se tourner pour causer.
Nous étions persuadées d’avoir remonté un peu le moral de cette famille. Espoir de courte durée. Au moment de partir, la dame nous dit son désarroi : « Mi conai pas lire, mon monsieur lé malade, qui sa va occupe anou ? Mi coné pas tout’ ce bann bureaux. Mon garçon y coné pas trop non plus ».
Il a fallu les encourager. Je lui laisse mon numéro de téléphone et lui assure que je serais prête à l’aider et l’accompagner dans ses démarches si toutefois, elle rencontrait des difficultés, et surtout qu’elle n’hésite pas à m’appeler.

(à suivre)

Sylvie Mouniata


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