Association Agir Pou Nout Tout

Aucune trace des 3000 offres d’emploi non pourvues

7 août 2008, par Edith Poulbassia

L’association Agir Pour Nout Tout s’est rendue mardi dernier dans les agences ANPE de l’île afin de vérifier l’affirmation du secrétaire d’Etat à l’outre-mer Yves Jégo : 3000 emplois restent inoccupés à la Réunion. Mais l’association a eu beau chercher, le compte n’y est pas. Pas étonnant donc que les chômeurs restent plusieurs mois sans aucune opportunité de reprise d’emploi.

Le gouvernement a décidé de durcir le ton envers les chômeurs. La loi « relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi » est publiée au journal officiel depuis le 2 août. Elle oblige les chômeurs à accepter « deux offres raisonnables » d’emploi, sous peine d’être radiés de la liste de l’ANPE et de perdre ainsi le droit aux indemnités. Sous-entendu, le taux de chômage serait plus le résultat d’un caprice des chômeurs, que la conséquence d’une pénurie d’emplois. C’est ainsi que le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer Yves Jégo affirmait récemment que 3000 offres d’emploi ne trouvaient pas preneurs à La Réunion. Il n’a cependant pas précisé s’il s’agissait d’offres raisonnables... L’association Agir Pou Nout Tout a voulu vérifier cette information donnée par le secrétaire d’Etat. Mardi dernier, trois membres de l’association, Jean-Hugues Ratenon, Max Banon, Marlène Jeanne, se sont rendus dans les agences ANPE de Saint-Benoît, Saint-Pierre et Saint-Denis avec des demandeurs d’emploi. « Nous avons voulu faire la lumière sur ces emplois, affirme Jean-Hugues Ratenon. C’est pourquoi nous avons demandé les fiches de postes correspondants. Mais l’ANPE n’a pas été en mesure de nous les fournir ».

Pour des offres humainement raisonnables

Résultat, les 3000 offres d’emploi n’existent pas. A Saint-Pierre par exemple, 71 offres ne sont pas pourvues, pour 3840 demandeurs d’emploi. A Saint-Benoît, le responsable de l’agence a affirmé que sur les 1100 offres présentées depuis le début de l’année, 90% a trouvé preneurs. Très peu d’offres restent donc sans demandeurs. Et ça s’explique. « Il s’agit souvent d’offres qui souffrent d’un manque de qualification des chômeurs pour des métiers très pointus. L’employeur recherche parfois des employés polyvalents, voire la perle rare », souligne le président d’Agir Pou Nout Tout. Par ailleurs, l’ANPE ne réussirait à capter que 30 à 40% des offres d’emploi.
Pour Jean-Hugues Ratenon, cette rencontre avec les responsables d’agence ANPE aura au moins permis de « sortir de la polémique, de l’accusation gratuite afin de mener un travail en commun pour trouver des solutions au chômage ». L’association a sollicité un rendez-vous auprès de la direction de l’ANPE pour travailler à la mise en place d’une « Conférence permanente pour l’emploi ». Cette Conférence réunirait les collectivités, les associations, les organismes de formation, les acteurs de l’emploi, avec pour objectif de coordonner les actions. « La Conférence permettrait d’identifier les niches d’emploi, de repérer les métiers émergents, d’informer les publics, notamment d’orienter les jeunes et d’anticiper sur les besoins en formation », explique Jean-Hugues Ratenon.
Pour le président de l’association, la nouvelle loi relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ne va pas du tout dans le bon sens. Elle culpabilise les chômeurs, au lieu de s’attaquer au vrai problème : le manque d’emplois. Elle oblige à accepter un emploi, même s’il ne permet pas à une personne de vivre dignement. « Une personne qui a droit à l’ASS, soit 500 euros par mois devra accepter un emploi même payé au smic situé à 30 km de chez elle », affirme Jean-Hugues Ratenon. Rien que le coût du transport suffirait à transformer le demandeur d’emploi en travailleur pauvre. « La définition de l’offre raisonnable d’emploi ne doit pas se faire à sens unique. Si l’offre doit être raisonnable pour l’agent ANPE, elle doit l’être aussi pour le demandeur d’emploi. Ce doit être des offres humainement raisonnables », conclut le président d’Agir Pou Nout Tout.

Edith Poulbassia


Qu’est-ce qu’une offre raisonnable d’emploi ?

D’après la loi relatives aux droits et devoirs des chômeurs, la définition varie en fonction de la situation du demandeur. Pour les chômeurs de moins de trois mois, un projet personnalisé est établi avec l’aide de l’agent ANPE « Ce projet précise, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu ». Et plus loin, le texte précise que « le projet personnalisé d’accès à l’emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi sont révisés, notamment pour accroître les perspectives de retour à l’emploi ».
Au bout de trois mois de chômage, l’offre raisonnable d’emploi est donc définie par la loi. Plus la durée de chômage est prolongée, plus le demandeur d’emploi est contraint d’accepter un salaire au rabais et un long trajet du domicile au lieu de travail. « Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi depuis plus de trois mois, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi compatible avec ses qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à au moins 95% du salaire antérieurement perçu. Ce taux est porté à 85% après six mois d’inscription. Après un an d’inscription, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi compatible avec les qualifications et les compétences professionnelles du demandeur d’emploi et rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement (...) ».
« Lorsque le demandeur d’emploi est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi entraînant, à l’aller comme au retour, un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d’une durée maximale d’une heure ou une distance à parcourir d’au plus trente kilomètres ».

EP

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