Mobilisation syndicale unitaire des représentants des travailleurs du Bâtiment pour la signature de la nouvelle convention collective

B.T.P. : Grève générale inévitable pour faire respecter les engagements des patrons

28 avril 2004

Force est de constater qu’à quelques jours du 1er mai, la situation est très tendue dans la filière du Bâtiment. L’objet du conflit qui oppose salariés et patronat : la nouvelle convention collective du BTP à La Réunion. La signature de ce document permettrait de mettre fin à une injustice qui existe depuis 20 ans et qui touche entre 7.500 et 8.000 travailleurs à La Réunion.
Or, les organisations patronales FRBTP et CAPEB refusent maintenant de signer la nouvelle convention. « La tension ne cesse de monter », estime Alain Naillet, membre de l’Intersyndicale CGTR-CFDT-FO-CFTC. Les représentants des travailleurs dénoncent la remise en cause par les patrons de leurs engagements et estiment la grève générale inévitable.

"Cela fait 6 ans que l’on n’a pas fait grève dans le Bâtiment", annonce Alain Naillet, membre de l’Intersyndicale, mais aujourd’hui l’exaspération est à son comble dans cette branche d’activité. Devant le refus des patrons de la FRBTP et de la CAPEB de signer la nouvelle convention collective du Bâtiment qui, selon les syndicats, renient leurs engagements, "il est inévitable de voir la grève éclater dans les prochains jours".
Selon les délégués des travailleurs, des acquis actés sont remis en cause par les représentants des patrons.
Pour faire aboutir les revendications des travailleurs précaires du bâtiment, quatre organisations syndicales parlent d’une même voix : CGTR-BTP, CFDT-BTP, FO-BTP et CFTC. Une union saluée par le secrétaire général de la fédération CGTR, Alain Naillet.
Interrogé hier par “Témoignages”, ce dernier a donné la position des représentants des salariés sur le conflit. Pendant 24 mois, sous l’égide de la direction du Travail, syndicats et organisations patronales ont travaillé à rédiger la révision de la convention collective du Bâtiment. Des négociations conclues en décembre dernier sur des avancées importantes pour les travailleurs les plus précaires : ceux qui sont embauchés sur des contrats de chantier.

Beaucoup de profits dans le B.T.P.

D’après Alain Naillet, ils sont entre 7.500 et 8.000 à La Réunion. Depuis plus de 20 ans, ces derniers sont sous le coup d’une injustice flagrante. À la différence des salariés permanents, les travailleurs sous contrat de chantier ne perçoivent pas les indemnités de panier, de trajet et de transport.
Ces indemnités représentent mensuellement 625 euros par personne. Ce qui veut dire que sur un salaire brut de 1.152 euros (duquel sont déjà retirées toutes les charges), le travailleur doit engager des frais qui s’élèvent à plus de la moitié de son salaire pour pouvoir aller sur le chantier.
La conclusion de décembre dernier devait aboutir à la signature d’une nouvelle convention collective "au plus tard le 10 mars 2004", rappelle le représentant de l’Intersyndicale. Or, à ce jour, rien n’est signé, et le secrétaire général de la CGTR-BTP pointe du doigt l’attitude des représentants des deux organisations patronales, FRBTP et CAPEB, qui remettent en cause "ce qui a été acté avant la signature" et ont refait une proposition revue à la baisse.
Ainsi, de sources syndicales, la FRBTP motive son refus par l’annonce de "coûts exorbitants" que le versement des indemnités représentent pour les patrons. Quant à la CAPEB, les représentants de cette dernière ont tenu les mêmes arguments que la FRBTP lors d’une conférence de presse vendredi dernier, mais en plus, ils ont annoncé qu’en cas de grève, "nous fermerons les rideaux et nous prendrons des vacances forcées".
Cette déclaration est "une provocation" pour le dirigeant syndical cégétiste. "La CAPEB est résolue à entrer en grève", précise Alain Naillet, "c’est la première fois que l’on voit une organisation patronale lancer un tel appel, on ne peut pas laisser faire".
Or, estime le responsable syndical, les représentants des patrons ont tort de justifier leur refus en mettant en avant le coût financier qu’ils auraient à supporter. "La situation du BTP est bonne à La Réunion, beaucoup de profits ont été faits ces 10 dernières années", insiste Alain Naillet, avant de préciser que "les deux derniers rapports publiés par la FRBTP et la CAPEB le montrent".

Mettre fin à une injustice

Devant ce revirement des patrons, les travailleurs ont l’impression d’être trompés. C’est un constat de manque de loyauté. En remettant en cause leur signature, la FRBTP et la CAPEB "créent une discrimination entre travailleurs permanents et non-permanents".
Le refus patronal de signer la nouvelle convention collective a une conséquence qui pourrait être dramatique. En effet, pour que les acquis obtenus lors des négociations de la nouvelle convention puissent être mis en œuvre, les représentants syndicaux ont dénoncé l’ancienne convention collective. Si la nouvelle n’est pas signée, les travailleurs du BTP perdront leur convention collective le 1er janvier prochain.
Soulignant que "tous les syndicats sont sur la même longueur d’onde", Alain Naillet précise qu’"il est inévitable de voir la grève éclater dans les jours qui viennent". Un mouvement dont les patrons se souviendront, conclut-il, affirmant que la Fête des travailleurs sera une étape importante de la mobilisation.

Manuel Marchal


Les raisons de l’exaspération

Les travailleurs les plus précaires du bâtiment sont ceux qui sont sous contrat de chantier. La nouvelle convention collective a notamment pour but de lutter contre leur précarité en leur donnant droit à un salaire digne. Pour un salarié sous contrat de chantier, le salaire est de 1.152 euros brut par mois. Pour les syndicats de travailleurs, la nouvelle convention doit permettre aux précaires de bénéficier de l’indemnité de panier (262 euros par mois), de l’indemnité de trajet (210 euros par mois) et de l’indemnité de transport (153 euros par mois).
Dans les conditions actuelles, quand le travailleur a déduit tous les frais qu’il doit engager pour exercer sa profession, "plus rien ne reste à la fin du mois", précise le secrétaire général de la CGTR-BTP et membre de l’Intersyndicale, Alain Naillet.
Pour aller sur le chantier, le travailleur doit s’endetter pour avoir un véhicule. Il se lève très tôt le matin pour éviter les embouteillages et arriver à l’heure sur le chantier et souvent, il quitte tard le soir. Conséquence : la vie de famille est désorganisée.
Quand on sait que dans le même temps, l’application de la nouvelle convention collective aurait permis au travailleur de toucher des indemnités susceptibles de couvrir ses frais, on comprend l’exaspération des salariés du Bâtiment qui, depuis plus de 20 ans, souffrent quotidiennement cette injustice. C’est l’espoir du droit à un salaire digne qui est trahi par le revirement de deux organisations patronales.


Un seul point de désaccord pour la FRBTP

Dans un communiqué diffusé hier à la presse, la FRBTP précise qu’au cours des négociations de la nouvelle convention collective, elle "a participé très activement à cette révision, avec le souci de rédiger une nouvelle convention collective claire, actualisée, facilement applicable et effectivement appliquée par tous". Pour l’organisation patronale, "des avancées considérable ont été faites" qui représentent pour les patrons "un coût annuel de 60 millions d’euros en indemnités de déplacement (panier, trajet et transport)". Ce qui se traduira, "pour tous les ouvriers non sédentaires du BTP [par] une augmentation de salaire de 16% sur trois ans (2006 à 2008)".
Pour la FRBTP, un seul problème subsiste. Il s’agit de "la progressivité des indemnités de trajet et de transport pour les salariés sous contrat de chantier". Elle estime "cette progressivité d’application" "absolument indispensable aux entreprises et aux maîtres d’ouvrages". Affirmant que "les avancées sociales apportées par la nouvelle convention collective son déterminantes", la FRBTP "incite" "à en faire une lecture globale objective et à en apprécier la portée".


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