Aides, soins et services à domicile

C’est l’heure des choix

17 octobre 2007

Emmanuel Verny, Directeur général de l’UNA (Union Nationale d’Aide) des soins et des services à domicile, est actuellement dans notre département. L’occasion de faire un point sur la prise en charges des personnes âgées, en Métropole et à La Réunion, enjeu majeur d’organisation de nos sociétés.

Selon l’INSEE, en 2010, La Réunion comptera 100.000 personnes âgées de plus de 60 ans, soit 15% de la population. En 2030, on passera à 22%. Selon les projections, le nombre de personnes dépendantes va doubler. Quelle prise en charges notre département va-t-il développer pour s’adapter à cette nouvelle donnée démographique ? Une question locale mais aussi nationale qui implique un véritable choix de société.

Une indispensable professionnalisation

On estime à plus de 1 million le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans ayant besoin d’une aide suite à une perte d’autonomie. Au niveau national, 58% des personnes âgées sont maintenues à domicile, contre 93% à La Réunion. Cette donnée peut s’expliquer par le manque de structure au plan local. Plus généralement, ici comme en Métropole, les personnes âgées souhaitent être maintenues, le plus longtemps possible, à leur domicile, tout en bénéficiant d’un accompagnement leur permettant de préserver une vie sociale. « Nous pensons que ce service doit être professionnalisé, explique Emmanuel Verny. Le service à domicile est un acte professionnel qui, selon les besoins de la personne, nécessite la maîtrise de certaines techniques, comme pour soulever une personne, d’avoir une capacité d’écoute, d’adaptation, de la disponibilité... ».
Cette condition est d’autant plus indispensable qu’elle permet d’assurer un service de qualité et des droits conventionnels au salarié. C’est le cas des aides à domicile employés par le biais d’un service prestataire (association, CCAS, société) ou mandataire, mais pas celui des personnes employées directement par la personne aidée qui, le plus souvent, fait appel à un membre de la famille, généralement sa fille ou petite-fille.
A La Réunion, ce dispositif d’aides à domicile en gré à gré serait largement répandu avec 4.500 emplois créés. « Beaucoup de départements dont celui de La Réunion ont pris la mauvaise habitude du gré à gré, proche du travail clandestin, estime Emmanuel Verny. Cet emploi direct ne permet pas de contrôle sur l’effectivité de l’intervention. Il remet également en cause la solidarité familiale, car le service devient payant, et les autres membres de la famille se déchargent sur la personne embauchée. Enfin, qu’adviendra-t-il de cette employée lorsque la personne décédera ? Complètement isolée, sans référence professionnelle, elle deviendra érémiste ». On l’aura compris, l’UNA plaide pour la professionnalisation des aides à domicile, par le biais de diplôme d’Etat, de formations professionnalisantes.

La France peut se donner les moyens

C’est un secteur fortement créateur d’emplois dans notre société confrontée au vieillissement de sa population. Si la mise en place d’un système de professionnalisation d’aides aux personnes reste « complexe, difficile et coûteuse », Emmanuel Verny soutient que « les gens aidés et les salariés ne sont pas des petits pois, mais des personnes ».
L’argent reste dans ce secteur encore le nerf de la guerre. Selon un rapport de la Cour des Comptes datant de 2005, tous dispositifs de prise ne charge à domicile confondus, les besoins passeront de 15 milliards à 30 milliards en 2025. Et le directeur de l’UNA de rappeler que « le rapport conclut que notre pays a les moyens, s’il décide de le faire ». Finalement, 30 milliards, ce n’est que le double des 15 que le gouvernement a mobilisés pour son paquet fiscal ! Pour Emmanuel Verny, l’Etat peut trouver de nouvelles sources de financement par le biais de la CSG (Contribution sociale généralisée) ou par redistribution. « C’est l’heure des choix, soutient-il. Quelle société voulons-nous ? C’est une question éminemment politique que l’on ne peut renvoyer de la responsabilité collective à l’individuelle. Il ne faut pas se tromper. Nous pensons que la prise en charge des personnes âgées relève de la solidarité nationale. Se défausser sur les Conseils généraux, c’est passer le bébé, et débrouiller vous avec ça ! ».
Ce n’est certes pas le Département de La Réunion qui a à assumer une forte augmentation de bénéficiaires de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) en même temps que le désengagement financier de l’Etat, qui dira le contraire ? (voir encadré).

« Pas de la charité, mais un droit fondamental »

L’ensemble des Départements français commencent d’ailleurs à réaliser qu’ils ne pourront pas s’en sortir seuls. Mais « ce n’est pas en déréglant les opérations déjà en place que la solution viendra », soutient Emmanuel Verny. Peut-on consciemment attendre qu’elle vienne de ce gouvernement qui, entre franchises médicales et réforme des retraites, rêve d’un système à l’Américaine où chacun s’en sort en fonction de ses moyens ? Présentées au Parlement hier, les préconisations de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) en faveur de l’instauration de moyens techniques et financiers pérennes visant à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes et handicapées, seront-elles suivies ? Emmanuel Verny veut y croire. « Je crois qu’il y a des gens dans ce gouvernement qui sont intéressés par ces idées, qui partagent l’idée que la prise en charge à domicile est un droit fondamental. Auront-ils le courage de prendre les décisions politiques qui vont dans ce sens ? Je l’espère. Il faut déjà parvenir à inscrire très clairement dans les codes sociaux et de santé que les aides à domicile ne sont pas de la charité, mais un droit fondamental pour toutes les personnes ».

Stéphanie Longeras


L’Aide Personnalisée d’Autonomie : un poids pour les Départements

Un budget multiplié par 10 en 5 ans

La loi de décentralisation a renforcé l’action des Conseils généraux en matière de soutien à l’autonomie. Les collectivités sont ainsi les premières concernées par l’accroissement de la dépendance des personnes âgées qui se traduit par une augmentation du nombre de bénéficiaires de l’APA, destinée aux plus de 60 ans.
Succédant en 2002 à la PSD (Prestation Spécifique Dépendance), l’APA, de par ses objectifs, répond mieux aux besoins des personnes âgées, suscitant ainsi un nombre de demandes plus élevé. Selon les chiffres de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques), au 31 décembre 2006, plus de 1 million de personnes étaient bénéficiaires de l’APA en Métropole, contre 12.000 aujourd’hui sans notre département.

« Le système est fragile, sa pérennité n’est pas assurée »

Le budget APA pour La Réunion est ainsi passé de 11 millions d’euros en 2002, 64 millions en 2005 à 98 millions d’euros en 2007 : soit un décuplement des fonds en 5 ans que le Conseil général - également pourvoyeur de l’aide ménagère (5 millions d’euros en 2005) et de l’Allocation Compensatrice Tierce Personne (15,4 millions d’euros) - a bien du mal à trouver. En effet, sur les 490 euros mensuels que perçoivent les bénéficiaires de l’APA, 410 restent à sa charge.
L’allocation est aujourd’hui financée à 70% par les Départements et à 30% par la CNSA, établissement public administratif créé en 2004. Force est de constater que l’Etat n’a pas respecté son engagement, pris au moment de la loi de décentralisation, de partager équitablement la note avec les collectivités. « Comme les Conseils généraux sont étranglés, ils cherchent à faire des économies partout, commencent à adopter une politique de maîtrise budgétaire drastique où il faudra trouver un équilibre de gestion sérieuse et les moyens de professionnalisation des personnels », explique Emmanuel Verny.
Les Départements se posent donc beaucoup de questions, ont des choix cruciaux à faire. « La prise en charge des personnes âgées dépendantes se vit avant tout ici comme un problème financier, constate Emmanuel Verny. En même temps, le Conseil général semble assez conscient de la situation. Il a sur le terrain des structures intéressantes qui font du bon travail, avec sérieux, même s’il reste encore des besoins en termes de professionnalisation. Comparé à la moyenne nationale, le département n’est pas en mauvaise place si ce n’est qu’il va devoir se préparer au vieillissement de sa population. Mais le système est fragile, sa pérennité n’est pas assurée ».

SL


An plis ke sa

L’idéal serait, comme le préconise le PCR, de mettre en place un véritable service public des services à la personne qui serait acté dans la future loi-programme. Tenant compte de la forte probabilité que le gouvernement ne retienne pas cette préconisation, le fameux CUI pourrait être une autre piste. L’expérimentation du Contrat Unique d’Insertion dès janvier 2008 interpelle en effet sur la possibilité de développer des emplois aidés dans le secteur des services aux personnes, beaucoup plus assurés, au vu des besoins, de déboucher sur des emplois pérennes, comme le prétend son objectif. Emmanuel Verny n’exclut pas cette voie, si tant est que le bénéficiaire du contrat doit avait tout manifesté l’envie d’exercer ce métier, être prédisposé, formé et suivi. Il estime intéressant de travailler dans un premier en doublon sur des postes d’aide à domicile pour être assuré de l’intérêt de la personne, puis bien sûr assurer une solide formation pour assurer sa professionnalisation et sa sortie de l’emploi aidé vers un emploi pérenne.


Kosa i lé l’UNA ?

Fondée en 1970, l’Union Nationale de l’Aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) est une association loi 1901 à but non lucratif, reconnue d’utilité publique. A la fois mouvement social militant, réseau et syndicat d’employeurs, l’UNA a pour objet de promouvoir le maintien, le soutien et l’accompagnement à domicile ou à partir du domicile. Elle intervient auprès des pouvoirs publics, du Parlement et de l’ensemble des interlocuteurs concernés pour justement défendre la prise en charge à domicile comme « un droit fondamental ».
Il existe 1.183 structures adhérentes à l’UNA - pour 557.885 bénéficiaires (471.719 personnes âgées et 38.746 familles) -, présentes en Métropole et outre-mer. La majorité d’entre elles sont des associations loi 1901, mais le réseau compte aussi des structures publiques territoriales (CCAS, services municipaux), des organismes mutualistes, des Fondations ou encore des Comités Croix-Rouge. Le réseau UNA Réunion, dirigé par Dominique Picardo, regroupe l’ARAST (Association Régionale d’Accompagnement Social Territorialisé) dont il est également le secrétaire général, plus grosse structure d’aides à domicile de l’île, financée par le Conseil général, les CCAS du Tampon, de Saint-Joseph, de Saint-Pierre, de Saint-Leu, et dès aujourd’hui, Proxim’Services, deuxième employeur de l’aide à domicile à La Réunion. Ces structures polyvalentes gérent différents types de services pour différents publics. Il peut s’agir d’aides à domicile, aux familles, de Techniciens de l’Intervention Sociale et Familiale (TISF), d’auxiliaires de vie, de soins infirmiers, d’hospitalisation à domicile et de centres de soins.


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