Congés solidarité - salaires - emploi : les syndicats s’unissent

« C’est maintenant ou jamais ! »

2 novembre 2006

Au 31 décembre 2006, le dispositif Congés Solidarité prendra fin. Le gouvernement ne donne aucune réponse, positive ou négative, à sa demande de reconduction. Le 21 novembre, l’Intersyndicale CFTC-CGTR-UNSA-CFDT appelle à une grande mobilisation unitaire sur ce dossier urgent, mais aussi sur les questions des salaires et de l’emploi.

Après plusieurs mois de silence, les syndicats relèvent le défi de la mobilisation unitaire. Crise de l’emploi et gestion des entreprises, précarisation des travailleurs et inégalités salariales, fonte du pouvoir d’achat et inflation : les syndicats réagissent et interpellent les pouvoirs politiques en période électorale.

1.800 jeunes intégrés

En permettant aux salariés âgés de 55 ans et plus de bénéficier d’une allocation de solidarité pour partir en retraite anticipée, le Congés Solidarité pousse la porte des entreprises aux jeunes qui arrivent massivement sur le marché du travail à La Réunion. Cette mesure, compte tenu du taux de chômage local bien supérieur à celui de la Métropole, si elle ne crée pas d’emplois, a déjà le mérite d’en libérer. Depuis sa création par la Loi d’Orientation pour l’Outre-Mer (LOOM) et sa reconduction par la Loi de Programme pour l’Outre-Mer (LOPOM), le dispositif a permis à 1.800 jeunes de moins de 30 ans (et vraisemblablement à 2.100 d’ici la fin de l’année) d’accéder à l’emploi. Certes, les 10 à 15.000 bénéficiaires attendus ne sont pas au rendez-vous et les syndicats avancent 2 raisons majeures : manques d’attractivité et d’information. L’allocation de solidarité est en effet calculée en fonction du salaire et de l’ancienneté du travailleur. Entre 10 et 20 ans d’expérience professionnelle, il percevra 55% de son salaire, entre 20 et 30 ans 60% et après plus de 30 ans d’activité 65%. Les salariés payés au SMIC ne peuvent ainsi décemment pas partir en Congés Solidarité quand bien même la pénibilité de leur profession les y inciterait. De plus, la demande de Congés Solidarité étant une initiative du salarié, elle est considérée comme une rupture de contrat de sa part, le privant de toute indemnité légale de départ. Parmi les volontaires, principalement issus du secteur sanitaire et social, des administrations publiques et du commerce, certains seulement ont quitté leur poste avec à une prime de départ à la clé, négociée avec leur employeur (6 mois de prime à la Sécurité sociale, 2 mois pour les grosses entreprises). Pour les autres ? Une bonne poignée de main en remerciement de plusieurs années de services aura suffit. A côté de ces freins, Armand Hoareau, Secrétaire général de l’UNSA, précise également qu’« il n’y a pas assez d’information dans les différentes branches professionnelles et les micro-entreprises. Beaucoup de salariés sont mis à l’écart par manque d’information ».

Améliorer le dispositif pour aller plus loin

Malgré cela, le dispositif est nécessaire à La Réunion. L’intersyndicale réitère son souhait de le voir reconduit et propose 3 points majeurs d’amélioration : que le salarié volontaire au départ bénéficie automatiquement de sa prime légale ou conventionnelle de départ ; qu’il y ait un suivi affiné du dispositif branche professionnelle par branche professionnelle (le comité de suivi inscrit dans la loi et piloté par le Préfet ne propose pas d’analyse) et qu’au-delà des jeunes de moins de 30 ans, les personnes handicapées, sans limite d’âge, puissent occuper les postes libérés. Le Préfet, rencontré il y a 15 jours par les syndicats, aurait plaidé auprès du gouvernement pour la reconduction du Congés Solidarité mais reste néanmoins « évasif sur son amélioration », précise Jean-Pierre Rivière, Secrétaire général CFDT. Et cette frilosité n’est pas propre au représentant de l’Etat. En mai-juin de cette année, les syndicats ont invité parlementaires et financeurs (Etat, Région, Département, employeurs) à s’exprimer sur le sujet. A l’initiative de la Direction du Travail, les syndicats ont rencontré à 2 reprises le MEDEF qui a pris position en faveur de la reconduite du dispositif, demandant un allongement du paiement au-delà de 2 ans. De nouveaux échanges étaient prévus, mais le patronat n’a pas donné suite. « A notre grand étonnement, nous n’avons reçu qu’une Sénatrice, Gélita Hoarau, et une réponse de la Députée Huguette Bello », explique encore Jean-Pierre Rivière. La Région et le Département, financeurs du dispositif à hauteur de 12,5% chacun, n’ont pas donné suite au courrier. Alors, comme le prétendait Guy Dupont du MEDEF dans la presse, le Congés Solidarité est-il déjà avorté ?

« Ce n’est pas le moment de guerroyer »

« Le Ministre de l’Outre-mer n’a pas répondu de manière très encourageante, précise Ivan Hoarau. Il connaît parfaitement tous les éléments du dossier. Sa décision aurait du être prise depuis longtemps, dès avril pour que le nouveau dispositif soit opérationnel en janvier (...). Pour l’instant, on souffle le chaud et le froid. On parle de reconduction ou entend des paroles équivoques. C’est pourquoi nous avons aussi une action à mener sur le Congés Solidarité. C’est maintenant ou jamais ! ». Le dispositif est monté en charge d’année en année, ce qui démontre bien que les salariés ont envie de partir d’autant qu’un « départ à la retraite anticipé est contraire à l’ère du temps », souligne encore le représentant de la CGTR. 90% des volontaires ont plus de 30 ans d’activité et le dispositif pourrait être davantage exploité si les entreprises voulaient jouer sur la pyramide des âges pour permettre aux jeunes de se confronter à l’évolution technologique de certaines branches, comme dans le secteur automobile. Certes, ce dispositif a un coût, mais la question financière doit être abordée « dans une approche globale » qui tienne compte de l’ensemble des mesures fiscales d’aide à l’emploi. La Cour des Comptes, dans son dernier rapport, dénonce des exonérations patronales à l’aveugle, appliquées automatiquement sans réflexion. Pour le cas, la pertinence de la mesure est-elle encore à démontrer ? « Même si le patronat n’a pas joué le jeu sur le montant des primes, ce n’est pas le moment de guerroyer. L’heure est à la reconduction du dispositif ». « Nous appelons à la mobilisation en appuyant sur le Congés Solidarité car c’est urgent, mais cela ne veut pas dire que les questions des salaires et de l’emploi sont moins importantes », tient à souligner Ivan Hoareau.

Stéphanie Longeras


SMIC Métropole et SMIC Réunion

« Ça n’est pas acceptable »

Si l’on met en vis-à-vis la revalorisation du SMIC de 3,05% en juillet et l’inflation de 2,7% en Métropole et 3,2% à La Réunion, peut-on vraiment admettre que le gouvernement, comme il le prétend, fait preuve de volontarisme à l’égard des travailleurs ?
« Le gouvernement ment, n’arrête pas de mentir » et n’a pas de quoi s’enorgueillir, soutient Ivan Hoareau. Une revalorisation des salaires de 0,3%, soit 24 centimes de l’heure, est une goutte d’eau dans le pouvoir d’achat des Français et un grain de sable dans le portefeuille des Réunionnais qui subissent un taux d’inflation bien supérieur à celui de la Métropole. Les 5% de revalorisation du SMIC avancés pour les 4 dernières années ne sont que le « rattrapage de ce que les salariés ont payé pour les 35 heures et la sortie du dispositif, avec le gel des salaires, etc... », explique encore le représentant de la CGTR. « Il y a le SMIC Métropole et le SMIC Réunion, commente Armand Hoareau de l’UNSA, car les prix sont ici supérieurs de 50% par rapport à la Métropole. Quel dispositif mettre en place pour parvenir à un équivalent ? Jouer sur la continuité territoriale ? L’octroi de mer ? Le coût du transport des marchandises ? Le SMIC Réunion n’a pas le pouvoir d’achat qu’il devrait avoir et ça n’est pas acceptable ». La question de l’Observatoire des prix et des revenus doit encore être posée, mais il faut aussi parler de ces inégalités salariales aux « hommes politiques qui doivent s’engager là-dessus à l’approche des élections. C’est un problème de société et donc du politique », soutient encore le responsable UNSA. « Il y a un gros problème autour des salaires posé en Métropole, poursuit le responsable CGTR. Dominique de Villepin lui-même le reconnaît et parle de mettre en place une conférence sur les salaires. Mais c’est encore plus un problème ici ».


Précarisation du travail

Une masse salariale en peau de chagrin

La mobilisation du 21 novembre n’oubliera pas de mettre en relief la question de la précarité du travail à temps partiel qui concerne au moins 2 salariés sur 3 dans le commerce, de nombreux ouvriers du BTP employés sur des contrats de chantiers, etc... Comment vit-on avec 500 euros par mois pour 87 heures de travail dans la restauration rapide ? Voilà une question intéressante au même titre que le phénomène d’appauvrissement des salariés dans leur ensemble. Quant on parle de l’emploi, si « le facteur démographique est extrêmement important, on ne peut pas se cacher derrière pour ne pas aborder la question de la gestion des entreprises. Quel type de gestion met-on en place ? », interroge encore Ivan Hoareau. Il y a 25 ans, la masse salariale était de 70% en France, elle est passée aujourd’hui à 30% ! Et, qui parle de gestion d’entreprise parle aussi du rapport patronat salarié. Quand on se base sur l’inflation de Métropole pour négocier les salaires à La Réunion, forcément, les rapports sont tendus.


Dialogue social ou politique de l’autruche

« Revendiquez vos droits et on vous vire ! »

Le tissu économique local est constitué majoritairement de micro-entreprises au sein desquelles le SMIC est automatiquement appliqué à défaut de négociation salariale. « Il est temps ici de structurer les branches professionnelles pour que patrons et employés d’un même secteur discutent salaire et gestion prévisionnelle des emplois », estime Jean-Pierre Rivière de la CFDT. Mais le dialogue social, même si le terme consensuel déplait à Ivan Hoareau, est loin d’être de rigueur au sein des entreprises locales. Nombre de patrons se cachent d’ailleurs derrière le Directeur des Ressources humaines (DRH) alors qu’il est de leur responsabilité de rester en contact avec les salariés. Du coup, tous les salariés ne bénéficient pas des mêmes droits. On peut en parler pour l’application des conventions collectives mais aussi pour la validation des acquis et de l’expérience ou encore la formation continue. Les syndicats, contrairement au patronat, se disent prêts au dialogue social. « 97% des entreprises comptent moins de 10 salariés, ce qui représente plus de 46% des salariés, poursuit Ivan Hoareau. On ne peut pas concevoir que la moitié des salariés ne dispose pas des mêmes droits ». Dès qu’un représentant syndical, pour avoir des éléments de discussions avec le patronat, demande un rapport d’expertise, quelle que soit son appartenance syndicale, « il est lessivé, affirme le responsable CGTR. Revendiquez vos droits et on vous vire ! Combien de salariés se syndiquent et ne veulent pas que leur patron le sache ? ». Le droit syndical a juste 40 ans en France et n’est pas encore un fait acquis.


An plis ke sa

CDI pour les employés communaux

« Une coquille dans la circulaire »

La dernière circulaire préfectorale sur la titularisation des employés de la fonction publique en CDI serait « entravée d’irrégularité », souligne Jean-Pierre Rivière. Et c’est ce que les syndicats vont tenter de démontrer prochainement aux instances de l’Etat, que ce CDI n’est pas applicable aux non-titulaires de La Réunion. Un élément de non conformité qui a son importance face à un CDI transposé d’une directive européenne et faisant désormais loi en France. On ne dit pas que l’on est contre le CDI mais contre celui-là. En effet, ce contrat qui devra être précédé de 2 contrats de 2 ans en CDD (même après plusieurs années de services au sein des communes) ne propose ni déroulement de carrière, ni sur-rémunération. Il y aurait donc une profonde injuste de voir des employés qui exercent les mêmes fonctions rémunérés sur des bases différentes. De plus, comme le rappelle Armand Hoareau, le statut de fonctionnaire garantie la neutralité du salarié. « Ce n’est pas pour rien que l’on a inventé la Fonction publique ! ». Les syndicats refusent un CDI qui prendrait la couleur politique du maire et veulent un contrat qui assure la qualité du service public.


Brèves sociales

• 35 heures : A qui profite l’amendement UMP ?
L’UIR-CFDT et le Syndicat Commerce et Services CFDT ont appris avec consternation que le groupe UMP avait fait voter un amendement conduisant à réintroduire les 39 heures dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration.
Pire, le manque à gagner pour les salariés de ce secteur s’accompagne d’exonérations patronales !
L’opinion publique et les salariés auront à cœur de mesurer le parti pris des députés UMP contre les intérêts des salariés. Ils garderont également en mémoire les envolées lyriques du Président de la République quant à la nécessité de réunir les partenaires sociaux avant toute action législative.
Comme pour le CPE, cette majorité parlementaire a la mémoire courte et il est à craindre que le seul acte du pouvoir restant à offrir aux patrons de l’industrie hôtelière consisterait à payer les salaires au personnel de ce secteur.
Ces cadeaux s’ajoutent aux compensations de TVA refusées par l’Europe, avec le report de l’interdiction de fumer dans les bars-restaurants.
Ce gouvernement affiche clairement son parti pris, même au mépris de la santé publique !

UIR-CFDT du Syndicat Commerce et Services

• Les personnels ATOS débraient 1 heure
La totalité des personnels ATOS, soutenus par leurs organisations syndicales SNAEN-UNSA/CT et SNPTE, ont débrayé 1 heure jeudi 26 octobre 2006 pour attirer l’attention des autorités de tutelle (Etat et Région) sur la situation de l’établissement liée au non-remplacement d’un de leurs collègues ; 50% des personnels enseignants présents ont rejoint le mouvement, à l’appel des représentants syndicaux de la FSU et du SNALC élus au Conseil d’administration.
Les personnels dénoncent l’absence de remplacement d’un OEA (Ouvrier d’entretien et d’accueil), en congé depuis la rentrée du mois d’août suite à un grave accident ; du fait d’un second arrêt de travail, ce sont aujourd’hui 2 personnes sur 6 affectées à l’entretien et à l’accueil, soit un tiers des personnels qui manquent à l’établissement. Alors même que les personnels ATOS sont à ce jour toujours fonctionnaires d’Etat, c’est aux collectivités locales qu’il incombe d’assurer les remplacements ; or, la Région, vers qui l’Etat transfère un nombre croissant de compétences sans pour autant en assurer le financement, ne disposerait plus à ce jour du budget nécessaire pour assurer cette mission. Les conditions de travail de l’ensemble des personnels et des usagers en sont bien évidemment affectées ; il est de plus en plus difficile en particulier d’assurer aux élèves un accueil conforme aux normes d’hygiène et de sécurité en vigueur.
Les personnels demandent aux autorités de faire le nécessaire pour assurer au plus tôt le remplacement des personnels manquants ; à cette fin, une délégation du lycée ainsi que des représentants académiques des différentes organisations syndicales demanderont une audience auprès de la Région afin de faire valoir ce droit à un service public de qualité.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus