Casse du Code du Travail, la fin du boulot - 5 -

V / Dissolution de la Loi

1er décembre 2007

« Plusieurs mois, voire plusieurs années seront sans doute nécessaires pour que ce nouveau code révèle tous ses secrets »
Retrouvez aujourd’hui la 5ème partie de l’analyse du dernier Code du travail par un ancien inspecteur du travail, Richard Abauzit.

• Pour les gouvernants, se soustraire à d’éventuelles contraintes légales, au regard du législateur et à celui de citoyens attentifs une constante de la période que nous vivons. Un des points essentiels du nouveau code du travail est de renvoyer au domaine réglementaire ce qui relevait de la loi, ne laissant dans celle-ci que quelques principes sans effet.
• Le crime serait total si les employeurs pouvaient en plus échapper à ce qui relève du domaine réglementaire. Espérons que cela ne relève que de notre mauvais esprit ; quoiqu’il en soit, la nouvelle rédaction de nombre d’articles le permet : ainsi l’inspection du travail chargée jusqu’ici de contrôler l’application « des dispositions du Code du travail et des lois et règlements non codifiés relatifs au régime du travail » n’est plus désormais chargée que du contrôle « des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales » (c’est nous qui soulignons) ; ailleurs les documents auxquels les inspecteurs ont accès sont limités « aux documents rendus obligatoires par une disposition légale » alors que le texte actuel disait « disposition de loi ou de règlement » ; il en va de même pour les délégués du personnel dont les réclamations et les saisies de l’inspection du travail pouvaient porter sur l’application des « lois et règlements » ou « prescriptions légales et réglementaires » et voient dans le nouveau texte leur rôle réduit aux « dispositions légales » ; de même pour le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, réduit à veiller à l’application des « dispositions légales » en lieu et place des « prescriptions législatives et réglementaires » ; de même pour le délit de marchandage, qui consiste à sanctionner la mise à disposition (interdite) par les marchands de main d’œuvre de travailleurs pour que l’utilisateur puisse ne pas payer au salarié ce qu’il lui doit en application des dispositions « de la loi, de règlement » désormais réduites aux « dispositions légales » ; et enfin, retour à Bolkestein, le nouveau texte réduit les obligations des employeurs pour les travailleurs détachés temporairement en France au respect des « dispositions légales » alors que l’ancien texte mentionnait également les « dispositions réglementaires ».
• Les inspecteurs et contrôleurs du travail sont particulièrement visés par le nouveau code qui réduit leurs pouvoirs, dilue et détourne leurs missions. Au risque, évoqué ci-dessus, de devoir renoncer à faire appliquer une bonne partie du code (la partie réglementaire) et des règlements non codifiés, s’ajoute une longue liste de méfaits :

- risque de voir disparaître leur contrôle de domaines essentiels en droit du travail : a été en effet supprimée dans le nouveau code la constatation des infractions en matière de médecine du travail, de contrat d’apprentissage, de contrat de travail temporaire, d’égalité de salaires hommes / femmes, de rémunération mensuelle minimale ; peut-être pour éviter une répétition avec l’article définissant leurs missions d’une façon générale, mais alors pourquoi n’avoir pas supprimé également le rappel de cette compétence des inspecteurs du travail pour les infractions dans les domaines du spectacle vivant, des organismes de formation professionnelle continue, du placement des chômeurs et du travail illégal ? ;

- accroissement des tâches sans aucun rapport avec leurs fonctions : relever des infractions au code de la consommation, au code du commerce, exercer un contrôle administratif et financier des organismes liés à l’apprentissage ;

- ... ou même contraires à leur mission : constatation des infractions des salariés ! pour l’interdiction de fumer ; constatation, suivies de sanctions monumentales, du délit de solidarité qui vise ceux qui auront « par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France » ;
- nombre de leurs moyens d’intervention (présentation obligatoire de documents, mises en demeure) sont soumis à la parution d’un décret ;

- en violation de la convention internationale du travail, les inspecteurs du travail sont désormais dépendant du pouvoir politique avec l’éclatement de leurs missions sur plusieurs ministères, celui de l’immigration mais aussi celui de l’économie et des finances où ont été rattachés l’emploi et la formation professionnelle ;

- enfin, malgré l’assassinat récent de deux agents de l’inspection du travail, la suppression des peines de récidive pour les employeurs qui mettent obstacle à l’accomplissement de leurs devoirs est là pour nous rappeler que le baron de Seillière, patron des patrons européens désormais, était venu féliciter notre nouveau président lors de son élection, que sont issus du MEDEF la directrice de l’institut de formation des inspecteurs du travail ainsi qu’un nouveau conseiller du Ministre du Travail.

A suivre...


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