Indemnisation du chômage

Ce sont toujours les mêmes qui paient

26 décembre 2005

Au bout de pas moins de huit séances de négociation, le MEDEF a réussi à faire passer son projet d’accord sur la réforme de l’assurance-chômage pour les trois années qui viennent (2006-2008), lequel devra être entériné début janvier par les organisations syndicales pour entrer en application. La CGT, pour sa part, qui a quitté la salle de “négociation”, a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne signera pas ce texte. FO, de son côté, qui a également quitté la salle de “négociation” a réservé sa position. Tout cela, en tout cas, a conduit nombre d’observateurs à considérer qu’il s’agissait d’un accord “aux forceps”. Difficile de dire le contraire, pour des résultats qui ne vont en aucun cas réjouir les chômeurs et les salariés d’une manière générale.

Pour mesurer la portée de cette nouvelle réforme, il faut savoir que 60% des chômeurs sont aujourd’hui en France exclus de l’indemnisation du chômage ; plus précisément du régime assuranciel pour lequel ils ont pourtant cotisé. Que dirait-on d’une société d’assurance - car l’ASSEDIC est une assurance - qui encaisse les primes d’assurance de ses clients mais qui ne rembourserait que 40% des assurés ?
Par ailleurs, il faut savoir que près de 90% des chômeurs - les “assurés” - perçoivent une indemnisation égale ou inférieure au SMIC.
Et malgré cela, le régime accuse des déficits considérables : 14 milliards d’euros.
Le but affiché par la nouvelle réforme était de diminuer ce déficit de 2,4 milliards d’euros en trois années.
Pour y parvenir, deux types de mesures ont été envisagés :

- d’une part, une augmentations des cotisations salariés et employeurs de 0,04% ; soit 160 millions d’euros chacun ;

- d’autre part, des “économies” à réaliser sur le dos des chômeurs par le biais d’une réorganisation de l’indemnisation : 474 millions d’euros par an pendant trois ans.
En ce qui concerne l’augmentation des cotisations, on observe qu’elles augmentent à égalité entre l’employeur qui lui, licencie, et dont les bénéfices augmentent, et les salariés, eux, qui subissent les licenciements.
Par ailleurs, si l’équilibre financier de 2006 est équilibré - ce que prévoit une présentation des prévisions financières de l’UNEDIC qui a été faite récemment aux directeurs des Assedic -, l’augmentation sera supprimée ; il en ira tout autrement en ce qui concerne les chômeurs sur le dos desquels on continuera jusqu’à la fin 2008 à faire des économies.
Des économies qui vont se traduire :

- Par de nouvelles exclusions du régime d’assurance chômage : 36.500 chômeurs en France, selon les estimations, devraient ne plus être indemnisés (alors que 40% seulement sont actuellement indemnisés).

- Près de 185.000 chômeurs, selon les estimations, vont voir leurs droits amputés (indemnisations plus faibles et durées d’indemnisation plus courtes). S’y ajouteront, bien sûr, les chômeurs dont les indemnités seront suspendues ou supprimées en application du décret gouvernemental de cette année durcissant les sanctions à leur égard.
En résumé, quand on fait le bilan de cette nouvelle réforme, on s’aperçoit - et cela n’est pas nouveau - que ce sont les travailleurs qui paient le plus lourd tribut : quand ils sont en activité, ils paient des augmentations de cotisations et quand ils sont au chômage, après avoir payé les augmentations de cotisation, on fait des économies sur leur dos.
Côté patronal, on paie certes une augmentation de cotisation, mais on a des compensations.
Comme quoi, ce sont toujours les mêmes qui paient, et qui paient de plus en plus.
Pour la CGT qui a refusé de signer l’actuel protocole, même "si chaque organisation syndicale a reconnu que le régime d’assurance-chômage était “à bout de souffle”, les salariés et les chômeurs ne doivent pas supporter les conséquences".

Isménie


“L’art” du harcèlement

Le harcèlement, pour certains employeurs, relève de “l’art”. Exemple, ce qui s’est passé dans cette entreprise basée dans l’Ouest et créée tout spécialement par une grande entreprise de l’agroalimentaire pour effectuer le transport de ses marchandises. Des patrons au-dessus de tout soupçon : le PDG est une personnalité du monde des entreprises, le directeur général, bcbg qui affectionne cocktails et autres manifestations du genre, également. Deux “grosses têtes” de l’organisation patronale.

L’employé, lui, que nous appellerons M. X, n’est pas du même lot. Embauché sur un CDD en 2001, il a vu son contrat transformé en CDI un peu plus d’une année plus tard. Tout allait plutôt bien jusqu’en 2004 lorsqu’un conflit intervient, notamment pour la mise en place des institutions représentatives du personnel. Parce que pour ces employeurs qui n’arrêtent pas de dire que nous vivons dans “un état de droit”, il faut que les salariés fassent grève pour l’application de la loi !
Au nom de cet état de droit, l’employeur déplace aussitôt les salariés affectés au Port - dont les représentants du personnel, y compris M.X - sur le Sud. Les deux délégués du personnel, nouvellement élus, subissent tellement de pression qu’ils finissent par solliciter auprès de l’inspection du travail leur propre licenciement !
Suite à ce départ, M. X est désigné en début de cette année 2005 comme délégué syndical (CGTR).

Trois jours plus tard, comme par hasard, il est l’objet d’une modification d’horaire. Cela n’a en soi rien d’extraordinaire, sauf que, habitant le Nord et prenant son travail dans le Sud à cinq heures du matin, M. X échappait aux embouteillages ; le nouvel horaire l’oblige à se déplacer pendant les heures d’intense circulation pour rejoindre son travail. Cela lui apprendra d’être délégué syndical !
Bien évidemment, en comme il en a le droit, le salarié refuse. Il est alors assailli d’observations de la part de la direction : l’espace de moins de deux mois (de la mi-février à la mi-avril), il a une mise en garde écrite, on veut lui imposer d’être présent dans l’entreprise pendant la pause (alors que ce temps de travail n’est pas rémunéré), il est convoqué pour une sanction disciplinaire avec mise à pied de deux jours, il subit des contrôles inopinés de ses disques de circulation, le directeur lui adresse un courrier lui faisant obligation de le prévenir quarante-huit heures à l’avance pour la prise de ses heure de délégation syndicale.

À la mi-avril, la direction de l’entreprise veut lui imposer de nouveaux horaires dans le cadre d’une modification générale des horaires ; modification qui, bien entendu, n’a pas été soumise à la consultation du comité d’entreprise comme le prévoit la loi. Mieux, le salarié est menacé d’un "licenciement pour faute grave" en cas de refus.
Dans le même temps, la voiture de ce salarié tombe en panne, ce dernier obtient l’accord d’une responsable d’exploitation pour pouvoir, exceptionnellement, le temps de la réparation de sa voiture, prendre son travail au Port. Deux jours plus tard, le directeur d’exploitation s’y oppose violemment : qu’il retourne dans le Sud ! Le salarié pose alors une demande de congé : demande refusée !

Parallèlement, les salariés qui avaient été déplacés du Port au Sud après la grève de 2004 ont été, au fur et à mesure, réaffectés sur le Port. Sauf un : le délégués syndical en question qui lui, doit continuer de se rendre chaque matin dans le Sud pour prendre son travail.
Entre temps, l’inspecteur du Travail, alerté par le syndicat (CGTR) et le CE se déplace et effectue une enquête au terme de laquelle un procès verbal d’infraction est transmis au Procureur de la République pour entrave au fonctionnement du Comité d’entreprise, discrimination syndicale et entrave à la désignation du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Rien que ça !

Mais cela ne s’arrête pas là. Tout récemment, à la mi-novembre, suite à une audience devant le conseil des Prud’Hommes, ce salarié est l’objet d’une nouvelle modification d’horaire ! Dans le cadre d’une modification générale ! Laquelle, là encore, n’a pas été soumise à l’avis du Comité d’entreprise.
Pendant plus de huit jours la direction de l’entreprise, par toutes sortes de moyens, va tenter d’imposer de nouveaux horaires à ce salarié. Il a fallu attendre le début du mois de décembre, suite à l’intervention de l’inspection du travail et du médecin du travail à la réunion du CHSCT (enfin installé), pour que l’employeur finisse par réintégrer ce salarié dans ses horaires antérieurs !
Mais l’affaire n’est pas terminée pour autant.

Isménie


Que faire ?
Et ne pas faire ?

Il n’est pas simple, lorsqu’on travaille dans une entreprise et que l’on est confronté à ces problèmes de harcèlement, de savoir que faire et ne pas faire.

Ne surtout pas démissionner
La première chose à faire, ou plutôt à ne pas faire c’est de démissionner. Car, par la démission, on abandonne tous ses droits. Pire, on ne peut plus prétendre, au moins pour une longue période, à toute indemnité Assedic.
Donc, ne jamais démissionner.
Si jamais cela arrive, car malheureusement, sous la pression, certains salariés en arrivent à cette extrémité, alors se rapprocher au plus vite du Conseil des Prud’hommes, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale afin de contester la démission. Dans le cas de harcèlement moral, la démission peut être assimilée à un licenciement et ouvre des droits au salarié concerné.

Attention au licenciement déguisé
Par licenciement déguisé, il faut entendre un “arrangement” ou “départ négocié”.
La manière de procéder est toujours la même : on menace de licenciement en enclenchant une procédure, et immédiatement, parce qu’on est “un bon patron”, on propose une sortie “honorable” au salarié : son départ sans bruit contre une somme d’argent, toujours inférieure d’ailleurs aux indemnités auxquelles le salarié a droit en cas de licenciement.
L’acceptation d’une telle proposition n’est pas sans conséquence puisque du coup le salarié fait abandon de tous ses droits puisqu’il ne s’agit plus d’un licenciement, mais d’un départ “volontaire” avec une contrepartie.
Dans le cas du salarié des Brasseries de Bourbon, le salarié étant un représentant du personnel, son licenciement, en tant que salarié protégé, devait être soumis à l’acceptation de l’inspection du travail. Du fait de l’acceptation, voilà une procédure qui tombe. Il en est de même d’un éventuel recours devant les Prud’hommes contre la mesure de licenciement.

Devenir son propre patron :
une fausse bonne idée
“Devenir son propre patron”, voilà une fausse bonne idée avancée par l’employeur lorsqu’il veut se débarrasser d’un salarié ou une fausse bonne proposition que l’on fait au salarié lorsqu’on veut passer d’un licenciement à un “départ négocié”.
Nombre de salariés en tout cas se laissent prendre à ce miroir aux alouettes : devenir son propre patron !
Peu de salariés comprennent qu’il est pour le moins illogique de se débarrasser de quelqu’un, jusqu’à le licencier, et en même temps de vouloir continuer à travailler avec lui après le licenciement.
Ils ne se rendent pas compte que devenant soi-disant leur “propre patron” et devenant des sous-traitants de leur ancienne entreprise, ils prennent des risques inconsidérés et qu’en tout cas, ils ont un fil à la patte que tient l’ancien employeur. C’est lui qui donne du travail, c’est lui qui fait les prix.... Et c’est l’ancien salarié qui boit le bouillon.
Combien sont-ils, ces salariés de grandes entreprises du bâtiment de la place et qui ont fait cette expérience ! Pour se retrouver trois, quatre ou cinq ans plus tard ouvriers sur les chantiers d’autres grandes entreprises, mais à une qualification inférieure.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus