Premiers enseignements des longues grèves à la STAR, Carrefour et SERMAT

CGTR-CFDT : unité d’action et transparence face aux grands groupes

23 mai 2013, par Manuel Marchal

Comment tenir tête aux grands groupes extérieurs qui contrôlent notre économie ? Dans l’attente d’une réforme structurelle qui permettra la reconstruction d’un outil productif basé sur des capitaux réunionnais, CGTR et CFDT appellent à la concertation entre syndicats et à l’unité d’action afin de rendre le rapport de forces moins défavorable aux salariés. Cela passe par la constitution d’unités économiques et sociales regroupant toutes les filiales d’un grand groupe, et par la transparence des bilans pour connaître la réalité de la situation financière des entreprises.

Hier, CGTR et CFDT réunies pour présenter une riposte commune aux agissements anti-sociaux des grands groupes extérieurs.
(photo M.M.)

CGTR et CFDT ont tenu hier une conférence de presse pour proposer des moyens de lutter contre la politique anti-sociale pratiquée par les grands groupes à La Réunion.

Autour de Jean-Pierre Rivière, secrétaire général de l’UIR-CFDT et de Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR, plusieurs responsables de syndicats implantés dans des grands groupes. Dominées par des capitaux extérieurs à La Réunion, ces sociétés profitent de situation de monopole pour faire des bénéfices record. Mais aujourd’hui, ces puissants groupes diversifient leur mainmise sur l’économie réunionnaise. Ainsi le Groupe Bernard Hayot n’est pas seulement dans la grande distribution, il est aussi dans l’automobile.

15 jours à la STAR, 19 jours à la SERMAT et près de trois semaines à Carrefour. Ces trois conflits récents ont deux points communs : la durée et un patronat représentant un grand groupe. Pour la CGTR et la CFDT, la durée de ces grèves est un phénomène récent.

« Qui prend en otage La Réunion ? »

Ivan Hoareau explique que c’est la conséquence d’une stratégie de ces grands groupes. Ils ont une assise financière suffisamment importante pour faire durer les conflits dans l’espoir que le pourrissement va faire taire les revendications, rendre le mouvement impopulaire et briser les syndicats. Le secrétaire général de la CGTR précise même que ces sociétés intègrent les conflits sociaux prévisibles dans leur budget : ils provisionnent les jours de grève.

« Qui prend en otage La Réunion », ajoute Ivan Hoareau, « la durée des grèves est à imputer à une stratégie patronale, comment riposter ? ». Autrement dit, lorsque des patrons de PME dénoncent une grève, ils doivent pointer la responsabilité sur la direction du grand groupe qui fait durer le conflit plutôt que sur les travailleurs qui vont connaître une baisse de leurs revenus.

Ce point de vue est partagé par Jean-Pierre Rivière, secrétaire général de la CFDT. « Les grands groupes jouent le pourrissement. À Carrefour, ils ont refusé la médiation alors qu’à SERMAT, on voit que la médiation permet d’arriver à une solution rapidement » , dit-il en substance.

Une unité d’action syndicale

Ces sociétés ont « une stratégie très simple », poursuit Jean-Pierre Rivière, ils créent « des entreprises distinctes, ce qui oblige à des négociations annuelles distinctes ». C’est « la volonté de mettre en concurrence des travailleurs d’un même groupe », ajoute le dirigeant de la CFDT. Selon lui, un salarié de Carrefour Sainte-Suzanne n’a pas le même salaire qu’un de Carrefour Saint-Denis alors que les deux font exactement le même travail.

Face à ces patrons, CGTR et CFDT proposent une concertation des syndicats avant les NAO. Ils revendiquent aussi l’unité économique et sociale pour qu’une seule négociation ait lieu pour chaque groupe, et que l’on mette donc fin à l’émiettement des discussions tel que cela existe aujourd’hui.

Une autre revendication est la transparence financière, pour que les bénéfices qui quittent La Réunion puissent être identifiés. Car entre filiales, sociétés mères et haut de bilan, la réalité des flux financiers échappe aux travailleurs.

Cela renvoie à la faillite des capitalistes réunionnais, qui ont permis à ces groupes extérieurs de venir prendre le contrôle de l’économie du pays. D’où l’idée d’aider à la structuration d’un appareil productif avec des capitaux réunionnais, ainsi que de la moralisation de la sous-traitance pour ne plus contraindre ceux qui sont en bout de chaine au travail clandestin, sous-payé et dangereux.

Manuel Marchal

Sommes-nous des tiroirs caisse ?

C’est le cri du cœur poussé par Jean-Pierre Rivière, lorsqu’il démonte la stratégie de dissimulation des bénéfices des grands groupes. Les 50 euros demandés par les travailleurs de Carrefour Sainte-Suzanne menaçait la santé financière de l’entreprise, justifiaient les patrons. Sur 100 millions de chiffres d’affaires, cette entreprise fait 2 millions de bénéfice, cela peut paraître relativement faible, mais la réalité est toute autre, poursuit le syndicaliste.

Les marchandises imputées dans les charges d’exploitation sont acquises auprès d’une centrale d’achat appartenant au même groupe, tandis que le loyer des murs de la grande surface est payé à une autre filiale du même groupe, affirme Jean-Pierre Rivière. Grâce à leur situation de monopole, ces grands groupes nous prennent pour des tiroirs-caisse, conclut-il.
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