Un tiers des travailleurs inscrits en catégorie A à Pôle emploi a plus de 50 ans

Chômage de masse des plus de 50 ans : le gaspillage de la richesse de l’expérience des Réunionnais doit cesser

11 mars 2022, par Manuel Marchal

Dans toute société, l’âge est une richesse au même titre que la jeunesse. Si la jeunesse peut compter sur son dynamisme, les aînés apportent une expérience que rien ne peut remplacer. Mais en raison de l’importation à La Réunion de la société de consommation capitaliste, les plus de 50 ans sont considérés comme des sources de profit qui doivent être mis au rebut quand ils ne sont plus assez productifs. Ce gaspillage doit cesser, les retraites doivent être revalorisées et les travailleurs de plus de 50 ans doivent être respectés et réhabilités dans leur rôle de transmetteurs irremplaçables d’un savoir construit par plusieurs dizaines d’années d’expériences professionnelles.

Selon les dernières données officielles de Pôle emploi datée de janvier 2022, 40.000 travailleurs de plus de 50 ans étaient inscrits en catégorie A, soit près du tiers du nombre total de Réunionnais relevant de cette catégorie qui comptabilise les travailleurs totalement privés d’emploi durant la période de référence, et qui sont tenus de rechercher un emploi.
Sur un an, le nombre des plus de 50 ans inscrit en catégorie A a baissé de -0,7 %, et n’a pas diminué pour les femmes de plus de 50 ans. En moyenne, cette baisse a été de -4,4 % pour toutes les tranches d’âge, de -5,9 % pour les moins de 25 ans et de -6,1 % pour les 25-49 ans. Cette diminution ne signifie pas autant d’embauches, cela peut signifier un changement de catégorie, ou une radiation suite à un oubli d’actualisation ou à un abandon de recherche d’un emploi déclaré compte tenu du chômage massif à La Réunion.

Surreprésentation des plus de 50 ans dans les statistiques de Pôle emploi

Rappelons que la catégorie A est la seule citée par la plupart des médias quand il est question de statistiques du chômage.
En élargissant le champ des Réunionnais totalement privés d’emploi aux travailleurs qui ont exercé une « activité réduite » et qui sont tenus de rechercher un emploi, les plus de 50 ans inscrits à Pôle emploi étaient 48000, sur un total de 159000 demandeurs d’emploi classés en catégories A, B et C.
En variation annuelle, le nombre de Réunionnais de plus de 50 ans classés en A, B, C à Pôle emploi a augmenté de 1,1 %, alors qu’en moyenne, le nombre d’inscrits dans ces 3 catégories a baissé de -2,3 %. Chez les moins de 25 ans, la baisse était de -3,8 %, et de -3,6 % pour les 25-49 ans. Les plus de 50 ans sont donc les seuls travailleurs inscrits à Pôle emploi et tenus de rechercher un emploi à voir leur nombre augmenter entre janvier 2021 et 2022.

Le « marché du travail » a remplacé le droit à un travail

Dans ces statistiques, les plus de 50 ans sont la tranche d’âge comprise entre 50 et 64 ans. Ils sont surreprésentés dans les statistiques de Pôle emploi par rapport à leur poids démographique. Cela ne peut signifier qu’une chose : quand un travailleur de plus de 50 ans est mis au chômage par son employeur, c’est lui qui a le plus de difficulté à retrouver un travail par rapport aux autres tranches d’âge. Autrement dit, le système en place à La Réunion a décidé d’abandonner les travailleurs les plus âgés victimes de la mauvaise gestion de leur patron, ou de la crise économique.
C’est également une conséquence du capitalisme, qui vise avant tout la quête du profit. Dans les métiers très pénibles nécessitant l’usage constant de la force physique du travailleur, cette force décline avec l’âge. Dans le même temps, lorsqu’une convention collective est appliquée dans une entreprise, les plus de 50 ans ont le plus d’ancienneté et donc fort logiquement, les salaires les plus élevés. Avec les attaques contre les conquêtes sociales appliquées dans la loi El-Khomri et les « ordonnances Macron », les protections contre les licenciements abusifs ont considérablement diminué. Il est donc plus facile de jeter au chômage un travailleur de plus de 50 ans pour le remplacer par un autre plus jeune, jugé plus productif et payé au salaire minimum.
Avec la mise en concurrence des travailleurs permise par l’existence d’un « marché du travail », les plus de 50 ans sont donc dès le départ désavantagés.

De trop faibles retraites poussent à travailler jusqu’à l’âge limite

Dans la fonction publique territoriale, les travailleurs bénéficient d’un statut garantissant leur droit à un travail. Mais ils doivent faire face à une échéance : la retraite. Quand ils font valoir leur droit à ce repos bien mérité, ils subissent une diminution de 50 % de leur revenu, en raison de la faiblesse du montant des pensions.
Cette situation pousse les travailleurs à rester le plus longtemps possible à leur poste jusqu’à l’âge limite pour partir en retraite. Pour ceux qui exercent un travail physiquement pénible, le corps a de plus en plus de mal à suivre. Les employeurs publics doivent donc rechercher à adapter le poste à la condition physique du travailleur. Cela n’est pas toujours possible et cela peut entraîner une dégradation du service rendu à la population, alors que le travailleur et la collectivité n’en sont en rien responsables. La cause est la politique menée depuis plusieurs gouvernements pour réduire le montant des pensions versées aux travailleurs ce qui, par ailleurs, retarde l’embauche de jeunes.

Revaloriser les retraites

Pourtant, dans toute société, l’âge est une richesse au même titre que la jeunesse. Si la jeunesse peut compter sur son dynamisme, les aînés apportent une expérience que rien ne peut remplacer.
Cela ne concerne pas seulement les plus âgés d’entre nous qui sont qualifiés de bibliothèques vivantes. Un travailleur de plus de 50 ans a en effet accumulé plusieurs dizaines d’années d’expériences dans sa profession. Ce savoir doit être valorisé, et les plus de 50 ans méritent autre chose que d’être traités comme une source de profit qui arrive à obsolescence.
Pour cela, il est tout d’abord nécessaire que le montant minimal des retraites soit considérablement revalorisé. Compte tenu du coût de la vie à La Réunion, la proposition de Fabien Roussel de ne pas tolérer de pensions inférieures à 1200 euros nets par mois est un minimum.

Réhabiliter les plus de 50 ans comme transmetteurs du savoir

Ensuite, il est nécessaire de sortir du cadre de la société de consommation capitalise importée pour donner aux travailleurs de plus de 50 ans la place essentielle qu’ils ont dans la transmission de leur savoir aux jeunes générations. Cela suppose un fort accompagnement des pouvoirs publics afin de soutenir le recrutement de jeunes et le maintien dans l’emploi de travailleurs âgés pour créer ce lien indispensable entre les générations de travailleurs.
Ce n’est qu’une question de volonté politique. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les dirigeants occidentaux ont pris des mesures pour confisquer des dizaines de milliards d’actifs propriétés de milliardaires russes. Il suffit d’étendre ces mesures à tous les profiteurs de la crise qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux et qui font perdre des dizaines de milliards d’euros chaque année aux pouvoirs publics grâce à la fraude fiscale. L’argent est là, il doit être employé au service de tous pour construire un développement durable et solidaire, pas pour la reproduction d’inégalités toujours plus grandes au profit d’une faible minorité toujours plus riche et puissante.

M.M.

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