La moitié des jeunes sous le seuil de pauvreté

Chômage et pauvreté : lot quotidien des jeunes

28 août 2013, par Céline Tabou

Lors d’une conférence de presse conjointe, l’INSEE et le Conseil général ont révélé de nouvelles données concernant les jeunes Réunionnais. Un contexte alarmant dénoncé par Gilles Leperlier, président de l’AJFER-Nou Lé Kapab.

« La situation est dramatique, mais elle n’est pas nouvelle », s’est indigné Gilles Leperlier. En effet, depuis 2009, la courbe du chômage des moins de 25 ans est restée au-dessus de la barre des 50%, atteignant même son record en 2001 avec 60% des jeunes sans emploi.

La pauvreté pèse sur la jeunesse réunionnaise

La pauvreté chez les jeunes résulte de l’absence d’emplois à La Réunion, « première cause de pauvreté », a expliqué Hervé Legrand de l’INSEE lors de sa présentation le 26 août 2013. En effet, un enfant sur trois vit avec des parents sans emploi, soit 36,7% sur l’ensemble de la population.

D’autant plus que « la pauvreté croit avec la taille des familles », a précisé l’INSEE, et d’ailleurs, aujourd’hui, « plusieurs générations vivent sous le même toit, ce qui contribue au découragement des enfants à rechercher un emploi », a analysé le président de l’AJFER-Nou Lé Kapab.

Pour ce dernier, « la pauvreté est directement liée au chômage. Celle-ci est de plus en plus intense, car auparavant, la solidarité familiale permettait d’atténuer les effets du chômage et de la pauvreté, mais aujourd’hui, il en existe de moins en moins, et les jeunes sont de plus en plus désespérés et isolés ».

« Face à cet isolement, les jeunes se rendent de plus en plus vers des structures d’aide, telles que les banques alimentaires, les centres d’hébergement et de soutien, ce qui explique la hausse importante de la fréquentation de ces centres d’aide sociale par les jeunes », a indiqué Gilles Leperlier.

Ce dernier a d’ailleurs rappelé que « la population réunionnaise est plus jeune que celle de la France hexagonale, il y a 35% de jeunes de moins de 20 ans dans l’île. Il est impératif de répondre aux besoins de tous ces jeunes pour qu’ils ne deviennent pas la génération perdue ».

Pour Hervé Legrand, « le contexte de pauvreté représente un défi à relever pour La Réunion », ce qui passe par « un plan ambitieux de lutte contre le chômage et la pauvreté », a précisé Gilles Leperlier.

Pour le jeune homme, il existe deux voies possibles, soit « le maintien de la pauvreté et de la précarité des familles avec la demande d’augmenter les contrats aidés » , soit « on met en place des mesures à la hauteur de la situation dramatique dans laquelle vivent des milliers de jeunes ».

« Il faut une vision globale »

« 56,2% des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi, il est urgent d’élaborer un plan ambitieux de lutte contre le chômage et la pauvreté et non des dispositifs précaires qui ne résolvent pas les problèmes de fond », a expliqué Gilles Leperlier.

Ce dernier a ajouté qu’en trente ans, près de 80 mesures ont été mises en place pour lutter contre le chômage des jeunes, mais « aucune d’elle n’est parvenue à inverser la courbe du chômage ».

Face au contexte économique et social de La Réunion, le président de l’AJFER-Nou Lé Kapab explique : « Le fond du problème est que le système actuel, c’est-à-dire les politiques publiques et économiques menées depuis ces dernières années, a atteint ses limites. Cela suppose alors une réelle volonté politique de la part de nos dirigeants de lutter activement contre le chômage. Mais pour cela, il faut une vision globale, à court, moyen et long terme, afin de mettre en place des dispositifs adaptés à la réalité de la situation ».

« L’emploi est la priorité de tous les Réunionnais et Réunionnaises, mais il doit l’être aussi pour tous les acteurs politiques, économiques, syndicaux et sociaux afin de sortir des effets d’annonce et des mesurettes qui n’aboutissent à rien », a affirmé le président de l’AJFER-Nou Lé Kapab.

Avec le lancement prochain des élections municipales, Gilles Leperlier a tenu à rappeler : « Il ne faut pas se laisser berner par les promesses de campagne et de ceux qui cachent la réalité des chiffres, car derrière ces chiffres, ce sont des familles qui souffrent et qui doivent être au cœur du débat ».

Céline Tabou

"Priorité à l’embauche des Réunionnais"

Le 20 mai dernier, l’AJFER-Nou Lé Kapab a rassemblé plus de 300 personnes devant les grilles de la préfecture afin de déposer un Manifeste pour la Priorité à l’embauche des Réunionnais. Ce document met en avant une série de propositions, réitérées par Gilles Leperlier lors de l’entretien que “Témoignages” a eu avec ce dernier.

LA FORMATION : le diplôme, même s’il ne permet pas toujours d’échapper au chômage, reste une arme conséquente. Adapter les formations en fonction de nos besoins, présents et futurs. Nous ne devons pas hésiter à investir dans les filières d’avenir, créatrices d’emplois, innovantes. Plus de liens avec les entreprises, à la fois pour une meilleure connaissance des métiers, mais aussi pour une formation mieux adaptée à leurs besoins. Le droit à la formation tout au long de la vie, le maintien des jeunes en formation.

L’ACCOMPAGNEMENT : le refus de l’exclusion doit être un maître mot. Il n’est pas normal qu’un jeune qui quitte le système scolaire, avec ou sans diplôme, se retrouve seul. Le problème de l’autonomie, des garanties financières, une bonne orientation. La levée des freins à l’emploi que sont les problèmes de logement et de transports. Le rôle de Pôle Emploi, pas un guichet, mais un véritable interlocuteur pour les chômeurs et les employeurs.

LA CRÉATION D’ACTIVITÉS : meilleures informations, simplifications des démarches autour de l’entrepreneuriat, la difficulté qui représente l’absence de sécurité matérielle et financière. La nécessité de proposer des activités innovantes.

LE MARCHÉ DU TRAVAIL : ne pas avoir recours à un emploi précaire lorsqu’il est possible de proposer un emploi pérenne. Limiter la segmentation du marché avec la multitude de contrats, clairement défavorable aux jeunes.

Concernant la proposition de "Priorité à l’embauche des Réunionnais d’ici et d’ailleurs", Gilles Leperlier a expliqué que des mesures (ci-dessous) accompagnent cette proposition et pourraient permettre de répondre à la situation des jeunes sans emploi sur le court, mais aussi le long terme.

Dans le secteur public :

- La totale transparence des recrutements de la fonction publique.

- Adapter le nombre de postes ouverts aux concours en fonction des besoins réels de l’île dans tous les domaines.

- Changer le système de mutation des fonctionnaires ultramarins pour faciliter leur retour dans leur pays.

Dans le secteur privé :

- La totale transparence des recrutements afin de garantir l’égalité des chances.

- Obligation pour tous les employeurs de déposer leurs offres d’emploi au Pôle Emploi.

Aujourd’hui, 55% des offres d’emplois de La Réunion ne passent pas par le Pôle Emploi. Le reste des offres passe par les boîtes d’intérim ou le « bouche à oreille » , alors que le Pôle Emploi n’a aucune difficulté à répondre au 45% des offres d’emploi qu’il reçoit. Une fois l’offre déposée au Pôle Emploi, libre ensuite à l’entreprise de la publier ailleurs.

- Faire délivrer par le Pôle Emploi une « Attestation d’absence de compétence locale » avant d’embaucher à l’extérieur. A compétences égales, la priorité doit être donnée aux Réunionnais. L’employeur doit justifier de sa recherche localement avant de chercher à l’extérieur. Libre ensuite au demandeur d’emploi de refuser le poste. Cela suppose une adaptation des moyens humains et matériels du Pôle Emploi (embauche de personnel, ouverture de guichets de proximité Pôle Emploi).

- Répertorier les Réunionnais partout dans le monde afin de pouvoir les informer des postes disponibles localement, correspondant à leur profil.

- Prioriser les sociétés locales. Faire délivrer par la Chambre de commerce ou la Chambre de métiers une « Attestation d’absence de compétence locale » avant de solliciter une entreprise extérieure.

- Dresser les besoins en emplois des secteurs publics et privés sur au moins trois ans afin d’ouvrir les concours aux nombres de places disponibles et de mettre en place des formations adaptées, aboutissant à l’emploi.

- Faciliter la création d’activités à travers une simplification des démarches de création d’organisations à but lucratif.

- Mettre fin à la précarisation de l’emploi dans les secteurs public et privé. Donner la possibilité aux travailleurs de construire leur projet de vie.
Qu’en est-il du Rapport Lebreton ?

Concernant le Rapport Lebreton sur l’emploi des Ultramarins sur leurs territoires, Gilles Leperlier a rappelé les actions menées suite à la désignation du député Patrick Lebreton par le gouvernement . « Nous lui avons envoyé plusieurs courriers, dès janvier 2013, et publié une lettre ouverte, afin de lui demander un entretien pour débattre de la priorité à l’embauche des Réunionnais », mais jusqu’à ce jour, l’organisation n’a pas obtenu de rendez-vous.

Pour Gilles Leperlier, « il en va maintenant de la responsabilité de M. Lebreton de profiter de ce délai supplémentaire pour recevoir l’ensemble des organisations qui lui ont fait la demande afin de recueillir le maximum de propositions. Plus que jamais, nous espérons que ce rapport répondra aux attentes des différents acteurs et de la population, car nous avons à La Réunion une situation exceptionnelle, incomparable à aucun autre département de France et d’Europe, il est donc temps de mettre en place des mesures spécifiques et exceptionnelles ».
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