Hausse minimale des ASSEDIC

Chômage et précarité sont la première insécurité

8 juillet 2006

La faible revalorisation des allocations perçue par les chômeurs réunionnais indemnisés résonne comme une nouvelle sanction à l’encontre de ceux qui subissent de plein fouet la pénurie d’emploi. Pour Jean-Pierre Técher, tout ceci montre qu’il est nécessaire d’ouvrir d’autres perspectives que la précarité à vie pour la jeunesse réunionnaise.

Privés d’emplois, les chômeurs réunionnais indemnisés subissent une autre injustice : leurs allocations ne leur permettent pas de faire face à la hausse du coût de la vie. Les 2% décidés mercredi par le Conseil d’administration de l’UNEDIC sont en dessous d’une inflation estimée à 3,2% à La Réunion.
Membre de l’association AC ! Chômage, Jean-Pierre Técher estime que ces 2% sont une "hausse à minimum, loin de répondre aux atteintes des personnes concernées". Il note que c’est à La Réunion que l’on connaît l’inflation la plus forte de France et d’Outre-mer. Pourtant, la hausse du SMIC, celle des minima et des allocations est la même qu’en France. Pour éviter une perte de pouvoir d’achat au travailleur, "on devrait tenir compte de la réalité réunionnaise", explique Jean-Pierre Técher.
Pourquoi vouloir toujours appliquer mécaniquement ici ce qui se fait à des milliers de kilomètres d’ici, estime-t-il.
Pour Jean-Pierre Técher, appliquer à La Réunion les mêmes hausses pour les minima procède de la même intention que vouloir faire coller le calendrier scolaire à La Réunion à celui de la métropole, alors que nous vivons dans une île tropicale soumise à un climat qui n’a rien à voir avec les conditions de l’Europe.

Efforts mal répartis

Les exemples de ce type abondent. Lorsqu’il s’agit de construire des logements, certains font appel à des ingénieurs de passage qui ne connaissent rien à La Réunion, poursuit Jean-Pierre Técher. Ils construisent sans tenir compte de la réalité réunionnaise, et au final ce sont les Réunionnais qui paient les erreurs, constate le représentant d’AC ! Chômage.
"Pour les allocations, c’est la même chose", ajoute-t-il. "Les hausses ne tiennent pas compte de nos particularités. Avec la décentralisation, on aurait cru pouvoir changer cela, mais ce n’est pas le cas".
Pour Jean-Pierre Técher, les efforts pour assurer une indemnité aux chômeurs sont inégalement répartis. "Dès que l’UNEDIC affiche un excédent, les représentants des entreprises veulent diminuer la contribution des patrons". Et de rappeler qu’à l’époque de la mise en place du PARE-PAP, "on a baissé les charges patronales en se basant sur des prévisions de croissance économique beaucoup trop optimistes. Et quand les indicateurs ont viré dans le rouge, on a diminué les droits des chômeurs". C’est ce qui s’est passé quand on a eu l’affaire des “recalculés” de l’UNEDIC. "Et lorsque les droits des chômeurs aux indemnisations diminuent, ils basculent alors bien plus rapidement dans l’ASS et le RMI", explique Jean-Pierre Técher, "les dépenses sociales gonflent et on utilise alors les méthodes “blairistes” et “thatcheriennes” pour régler le problème". "Ces méthodes employées contre les chômeurs en Grande-Bretagne et aux États-Unis sont pourtant parmi les pires du monde", constate-t-il.

Sécuriser le parcours professionnel

Pendant ce temps, "le CAC 40 se porte très bien" et les grandes entreprises, au lieu d’investir dans des emplois durables, ont recours à la sous-traitance. Avec ce système, au lieu de voir ses garanties augmenter, le salarié est fragilisé, et il est jeté à la rue quand on a plus besoin de lui. "Cela provoque le chômage et tout le cortège de drames que cela entraîne".
Jean-Pierre Técher insiste sur le fait que "bien des possibilités existent pour sécuriser tout le parcours professionnel du salarié". L’objectif est que le travailleur "ne connaisse pas la disette, la pénurie d’emploi". Car précise Jean-Pierre Técher sur la question très souvent abordée de l’insécurité, "la première insécurité, c’est celle que connaît le travailleur au chômage ou sur un emploi précaire, qui vit dans l’incertitude du lendemain". "Le chômage est devenu quelque chose de permanent, de constant", déplore Jean-Pierre Técher qui regrette qu’aujourd’hui, on fasse ressentir au travailleur qui a un emploi qu’il est un privilégié.
L’insécurité du travailleur et la menace permanente du chômage compromettent l’avenir de la jeunesse. "Nous n’avons pas le droit de léser l’avenir des autres générations", affirme Jean-Pierre Técher. "On ne peut pas donner comme seule perspective à un jeune le RMI à 26 ans comme si c’était une retraite". "Quand on a plus rien à perdre, on ne sait pas ce qui peut se passer", conclut Jean-Pierre Técher, "on doit proposer autre chose que cela".

Manuel Marchal


Ivan Hoareau (CGTR)

Les inégalités s’aggravent

La faible hausse du montant des allocations chômage par le conseil d’administration de l’UNEDIC mercredi suscite des réactions à La Réunion.
Ivan Hoareau de la CGTR rappelle que "les chômeurs doivent être considérés comme des salariés à part entière". Mais la lecture des chiffres montrent que cette revendication syndicale n’est pas respectée : 3,05% de hausse pour le SMIC, 2% pour les allocations chômage. Ces 2% succèdent à une année 2005 sans augmentation pour les travailleurs indemnisés suite à la perte de leur emploi. Les inégalités se creusent, à l’intérieur des classes sociales les plus défavorisées.
Autre problème soulevé par le secrétaire général de la CGTR : la perte de pouvoir d’achat. La semaine dernière, l’annonce de la revalorisation de 3,05% se traduisait par une perte pour le Réunionnais qui vit avec une inflation à 3,2%. La perte de pouvoir d’achat s’amplifie pour les chômeurs, puisqu’avec 2%, on est encore plus loin du compte.
"Comment rechercher du travail quand les allocations ne sont pas revalorisées ?", déplore Ivan Hoareau. Le responsable syndical rappelle qu’en France, la CGT a évalué à 400 euros par mois le prix des démarches et des déplacements que le travailleur à la recherche d’un emploi doit effectuer. Alors que le coût de la vie augmente, la baisse du pouvoir d’achat entraîne alors mécaniquement une diminution des moyens à la disposition du chômeur pour sortir de l’exclusion.
Pour le secrétaire général de la CGTR, la hausse des minima et des allocations doit être au moins égale à celle du SMIC. C’est d’autant plus nécessaire pour les chômeurs qu’ils ont du faire face l’année dernière à la hausse du coût de la vie sans que leur indemnité suive cette évolution.
"Si on fait le lien entre la faible revalorisation des allocations chômage, du SMIC et les négociations salariales, on se rend compte d’un appauvrissement du travailleur", explique Ivan Horeau. Le dirigeant de la CGTR précise que la pauvreté touche même ceux qui ont un emploi à temps complet payé au SMIC. En France, les soupes populaires accueillent depuis plusieurs années une nouvelle catégorie de démunis : les travailleurs pauvres.
"Peut-on parler d’économie dynamique dans ces conditions ?", poursuit Ivan Hoareau. Car derrière les chiffres du PIB se cache la réalité d’une société qui ne partage pas de manière équitable les fruits du travail, et qui génère de l’inégalité et de la pauvreté.

M. M.


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