Contrôle des demandeurs d’emploi

Chômeurs dans le collimateur

10 août 2005

Sanctionner encore plus l’Homme privé de travail. Une idée redondante, qui ne servira sûrement pas à la relance de l’emploi. Le gouvernement n’a pas encore compris que ce projet tout juste ressorti d’un tiroir empoussiéré devrait davantage impliquer la responsabilité des chefs d’entreprise.

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Le 21 juillet, le ministre délégué à l’emploi, Gérard Larcher, publiait un décret visant à élargir les sanctions contre les chômeurs. Le chômeur serait le responsable du chômage. Le contrôle sera effectué par une commission présidée par le préfet de chaque département français. "L’État est mobilisé, nous nous engageons extrêmement fortement dans la lutte contre le chômage (...). La contrepartie de cette action, c’est bien sûr la mobilisation du demandeur d’emploi, qui doit marquer son désir, son engagement à retrouver un emploi", déclarera Gérard Larcher à nos confrères du “Parisien”.
Le ministre délégué à l’Emploi propose au demandeur d’emploi de créer ou de reprendre une entreprise, si la recherche d’emploi ne s’était pas révélée concluante. Les irréductibles chômeurs pourraient voir leurs indemnités chômage suspendues, de deux semaines à six mois, voire même un an en cas de fraude. Les indemnités peuvent également être réduites, au titre de la privation de travail, variant de 20% pendant deux mois à la suppression totale, en passant par une réduction de moitié pendant deux à six mois.
L’ANPE et l’UNEDIC devront répondre à une mission de contrôle et de suivi des demandeurs d’emploi, missionnées en quelque sorte par le préfet pour mener à bien cette surveillance étatique. L’État s’égare, et quelque part "fièrement", pensant donner un souffle nouveau à son organisation d’aide à la recherche d’emploi. Pense-t-il que le chômeur est le seul responsable du manque d’emploi ? Et puis, pourquoi donner une telle mission à l’ANPE, qui dénonce depuis longtemps son démantèlement, et le manque de moyens humains et matériels ?

Et les patrons, alors !

Les syndicats s’offusquent d’une telle mesure arbitraire, despote, aux antipodes des droits fondamentaux de l’Homme. La suspension des droits indemnitaires du chômeur entraîne systématiquement la paupérisation d’une "sous-classe", que La France veut coûte que coûte éradiquer, même s’il faut tracasser le chômeur. Les chefs d’entreprises s’en sortent à bon compte. Annie Thomas, vice-présidente de l’UNEDIC, note que les patrons "sont déresponsabilisés". Mais, devrait-on s’étonner d’une telle partialité d’un gouvernement de droite, qui défend de surcroît "ouvertement" les intérêts du MEDEF ? Les demandeurs d’emploi sont quant à eux confrontés au même problème. Après avoir envoyé 50 courriers aux chefs d’entreprises, peu obtiennent une réponse. Si d’ailleurs ils recevaient une réponse, fusse-t-elle négative.

Un acte antisocial

Cette mesure est la plus antisociale de ce gouvernement UMP. Cette union matraque le peuple d’en bas. Jean-Hugues Ratenon, président du collectif Agir pou nout tout, déplore que le gouvernement en soit arrivé aussi bas. "Aujourd’hui, le gouvernement est en échec, et ne veut pas le reconnaître. Alors rien de plus facile que de culpabiliser les chômeurs, qui sont désignés comme les principaux fautifs", déclare-t-il. Et de poursuivre : "an gro, si ou lé o shomaj, sé d’out fot !". Ainsi, le gouvernement sous-entend qu’il y a du travail, et qu’il appartient aux demandeurs d’emploi de faire le nécessaire pour sortir du chômage.
"À La Réunion, il y a 100.000 chômeurs. Il appartient donc à l’ANPE de nous adresser une liste complète des 100.000 emplois. Nous n’attendons que cela" ironise Jean-Hugues Ratenon. Et de continuer : "autant cette mesure est inadmissible pour La France, autant elle est cruelle pour La Réunion". Pour lui, les conséquences, même psychologiques, sur les demandeurs d’emploi ne tarderont pas à se faire sentir. Bientôt, il faudra s’attendre à voir une classe sociale "désœuvrée" montrée du doigt. Jean-Hugues Ratenon déplore que certains hommes politiques appuient cette mesure en toute irresponsabilité. Cela ne sert qu’à creuser un fossé social immonde, entre les ceux d’en haut et les ceux d’en bas.

Bbj


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