Établissements Publics d’Enseignement Primaire ou...

... comment politiser et budgétiser l’école primaire ?

31 mars 2007

En dépit de l’avis défavorable du Conseil Supérieur de l’Éducation, des réticences exprimées par l’Association des Maires de France comme des syndicats enseignants, le Ministère de l’Éducation nationale tient à généraliser l’expérimentation des Établissements Publics d’Enseignement Primaire. Un projet qui s’intéresse à la régulation des moyens dévolus aux écoles plus qu’aux projets éducatifs. Le SNUipp Réunion monte au créneau et appelle à la vigilance des élus locaux.

L’article 86 de la loi de décentralisation de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales inscrit que les collectivités et communautés de communes peuvent, à titre expérimental sur 5 ans, mettre en place un EPEP. Quid ?

Le MEDEF favorable au projet

Cette structure a vocation de gérer, centraliser toutes les données et mutualiser tous les moyens financiers, humains et matériels des écoles primaires de la commune ou communauté de communes qui le souhaitent. Elle est dotée d’un Conseil d’administration, composé majoritairement d’élus et d’une minorité de parents d’élèves, et d’un “super directeur”, personne juridique et morale qui possède un pouvoir exécutif et d’ordonnateur et exerce sous la coupe des élus. Le vote des projets éducatifs, des budgets ainsi que l’organisation des services des différentes écoles dépendent ainsi avant tout des choix politiques exprimés. Au plan national comme à La Réunion, les voix syndicales s’élèvent contre cette gestion politicienne qui privilégie les considérations économiques plus qu’éducatives. « Ce projet ne présente aucun intérêt pédagogique et il n’implique en rien une meilleure utilisation des moyens, soutient Didier Gopal, secrétaire général du SNUipp Réunion. La compétence des maires sera transférée sur l’EPEP et va désorganiser complètement le système actuel : c’est révolutionnaire ! » Ce projet a été rejeté par le CES avec 41 voix contre et une voix pour : celle du MEDEF ! Soumis à l’Association des Maires de France, son représentant Jacques Pélissard a adressé le 9 février un courrier à Gilles de Robien dans lequel l’AFM fait part de plusieurs inquiétudes : la complexification du processus de décision avec le risque pour les maires de ne pas maîtriser les dépenses ; la perte de contrôle des politiques municipales périscolaires et culturelles ; les conséquences graves sur les cartes scolaires sans prise en compte des besoins réels du terrain. Sur les 36.000 communes françaises, 85 ont sollicité l’expérimentation mais à ce jour aucun bilan, aucune évaluation n’est disponible. Didier Gopal souligne ce manque de transparence dans la démarche d’autant qu’un projet de décret visant à généraliser l’application est déjà prêt : « un passage en force se prépare, sans concertation avec les organisations syndicales et de parents d’élèves. Encore une nouvelle atteinte à la démocratie. »

«  Territorialisation éducative  »

« On ne répond pas ici aux véritables besoins des écoles. Nous quittons une logique éducative pour une logique financière », soutient Didier Gopal. Depuis 2002, la remise en cause profonde du système éducatif est marquée par cette orientation qui vise à réduire les dépenses publiques. Le système éducatif réunionnais marqué par les retards structurels et la persistance de l’échec scolaire a-t-il besoin de cette « territorialisation éducative » ? « La Réunion enregistre le plus faible taux de scolarisation des enfants de 2 ans et l’école maternelle rentre un peu plus dans les oubliettes. C’est la casse de ce service public et l’ouverture de l’école à la marchandisation. Il y a un grand danger », soutient encore Didier Gopal. Alors que les enseignants du second degré pointent du doigt l’introduction d’un apprentissage différencié excluant les élèves en difficulté d’un égal accès aux savoirs et aux chances, le porte-parole du SNUipp voit quant à lui poindre les écoles payantes auxquelles les enfants de familles défavorisées ne pourront accéder. Sans attendre que cette expérimentation ne se généralise et soit imposée à La Réunion, le SNUipp a joint par courrier l’Inspecteur académique ainsi que tous les élus locaux pour qu’ils portent une attention toute particulière à ce projet, à cette menace. Une pétition circule également entre les mains des instituteurs et professeurs des écoles. Le décret est déjà rédigé et peut tout à fait être appliqué avant sa parution au Journal Officiel (ce fut le cas pour le décret éponyme du ministre de l’Éducation).

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

Flicage précoce

« Base Elève », un nouveau logiciel de l’Éducation nationale arrive sur notre territoire et va être expérimenté prochainement à Saint-Denis. Ce logiciel va permettre de constituer une banque de données sur les élèves notamment ceux en difficultés scolaires et sociales suivis par le RASED (réseau de psychologues, maîtres spécialisés...). Les Maires auront accès à ces banques de données qui contiennent des informations confidentielles censées rester entre le maître d’école et la famille Flicage précoce des délinquants des bacs à sable : on marche sur la tête du tout contrôle, du tout répression, du tout suspicion.... Mais les parents sont-ils au courant ?

S. L.


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