Comment vivrait La Réunion si elle n’avait pas conquis l’égalité sociale ?

15 mars 2007

« Nous étions les champions de la lutte pour le progrès social », telle est la déclaration que le Sénateur-maire de Saint-André vient de faire alors que la presse titre sur les 285.000 Réunionnais « survivant grâce aux minima sociaux ».

Mars 1986. Paul Vergès et Élie Hoarau sont élus députés. En Métropole, où le PS a déçu, la majorité est RPR. Jean-Paul Virapoullé engage le gouvernement à dire que La Réunion n’a pas besoin de l’égalité sociale. Le 31 décembre 1986, la loi de « parité sociale globale » étant promulguée, les Réunionnais sont placés en dehors de la devise de la République qui devient pour eux “Liberté, Parité, Fraternité (1)”.

Paul Vergès et Élie Hoarau animent, à La Réunion comme à Paris, une lutte tous azimuts en dénonçant cette « loi d’apartheid social ». Puis, Paul Vergès et Élie Hoarau démissionnent de leur mandat de députés. Juste avant, à la tribune de l’Assemblée nationale, Paul Vergès lance ce défi : « À vous la Parité, à nous l’Égalité, le peuple tranchera ».

Mettant à profit la venue de François Mitterrand à La Réunion, les 8 et 9 février 1988, Paul Vergès pose une condition au soutien du PCR. En dépit de l’opposition du PS local, alors dirigé par Jean-Claude Fruteau, le Président sortant doit s’engager solennellement à réaliser enfin l’égalité sociale. Les 8 et 9 février, à Gillot, à Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre et Saint-Benoît, le Président se présente comme le défenseur de l’égalité sociale.
Mai 1988, au 2ème tour de la présidentielle, l’égalité est plébiscitée par les Réunionnais et la parité est écrasée (2). Quelques mois plus tard est créé le RMI, aussitôt étendu à La Réunion et bénéficiant aujourd’hui à plus de 150.000 personnes.

Décembre 1994, en campagne à La Réunion, Jacques Chirac, interviewé à RFO Télé, reconnaît avoir eu tort de refuser l’égalité aux Réunionnais et désigne Virapoullé (3) comme son mauvais conseilleur en ce domaine. Et voilà que, le 14 mars 2007, J-P. Virapoullé s’autoproclame « champion de la lutte pour le progrès social » !

Aujourd’hui, réfléchissons-nous assez à ce que serait La Réunion si Paul Vergès et Élie Hoarau ne s’étaient pas insurgés contre cette loi ? Se demande-t-on ce que serait la vie des 285.000 Réunionnais qui, déjà, ne peuvent que survivre avec les minima sociaux ?

Jean Saint-Marc

(1) Loi de programme n°86-1383 du 31 décembre 1986 - Titre III : Dispositions relatives au développement social. Article 12 : « [...] la présente loi a notamment pour objectif de réaliser progressivement, entre, d’une part, les départements d’outre-mer et, d’autre part, la métropole, une parité sociale globale [...] ».

(2) Furieux d’avoir été désavoué par le Président et par l’électorat, J-Cl. Fruteau s’allie à J-P. Virapoullé pour faire battre Paul Vergès lors du 2ème tour de l’élection législative de juin 1988.

(3) En novembre 1994, recevant à Saint-André un Édouard Balladur - caracolant alors en tête des sondages- J-P. Virapoullé comparait publiquement Jacques Chirac à un clown.


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