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Controverse autour des chiffres du chômage

Un nouveau mode de calcul pour les chiffres de juin

mercredi 29 juillet 2015, par @celinetabou


Les chiffres du chômage publiés ce lundi 27 juillet par Pôle emploi suscitent la polémique. D’un côté, François Hollande parle de “tassement”, François Rebsamen de « signe encourageant », l’opposition et certains syndicats évoquent une manipulation. Les syndicats doutent et la droite parle de manipulation. Du côté des statisticiens et économiques, le Pôle emploi est une institution fiable, mais l’utilisation des chiffres reste orientée.


Jean Bassères, directeur de Pôle emploi, a assuré que ses statistiques sont « parfaitement fiables », mais peuvent être « impactées par des modifications de procédure ». Tandis qu’Éric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, a expliqué à La Croix, que « ce n’est pas la statistique qui est mauvaise mais son utilisation. Il y a deux mesures du chômage, l’une qui est “mauvaise”, celle de Pôle emploi, et une autre “meilleure”, celle de l’INSEE ».

Des chiffres tronqués

La courbe du chômage s’est stabilisée en juin pour Pôle emploi. Ainsi, seulement 1 300 demandeurs d’emplois supplémentaires sont enregistrés par rapport à mai. Les demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) ont, eux, augmenté de 0,2 % et s’élèvent à 3,817 millions.

Premier couac, les données du mois de mai avaient créé la polémique, en raison d’un « événement inhabituel » : l’envoi de deux messages de relance supplémentaires aux chômeurs, par SMS et message vocal. Il s’agissait de rappeler aux demandeurs d’emplois de penser à « actualiser » leur situation auprès de Pôle emploi.

Cet incident avait doublé l’ampleur de la hausse, selon le ministère du Travail, qui avait demandé à Pôle emploi et à la Dares (chargée des statistiques du ministère) de « mieux encadrer cette procédure de gestion des relances ». Ce problème biaise déjà le ratio entre mai et juin.

Ensuite, le Pôle emploi a modifié toute sa méthodologie. L’institution a accès à des données administratives plus complètes lui permettant de mieux connaître la situation des demandeurs d’emploi. Ces recoupements de données ont permis de mieux repérer des personnes en formation, en service civique ou en contrat aidé. Le ministère évalue à environ 25.000 le nombre de demandeurs d’emploi sortis de ce fait des catégories A, B et C (sans activité ou avec une activité réduite).

Une mauvaise utilisation des chiffres

Pour Eric Meyer, « la statistique de Pôle emploi est influencée par des décisions administratives : un mois on fait bien le tri dans les fichiers des chômeurs pour mieux savoir à quelles catégories ils appartiennent, un autre on rappelle aux gens de se mettre à jour plus souvent, etc. »

En effet, les différents dispositifs pour l’emploi, la hausse des radiations, la volonté des dirigeants politiques d’avoir des chiffres positifs, pèsent sur les statistiques globales du chômage. « Donc l’évolution que l’on constate n’est pas due à la seule évolution du marché du travail mais à des décisions administratives. Aucune comparaison n’est possible d’un mois sur l’autre », a assuré l’économiste.

A contrario Jean Bassères se défend. Il dit avoir l’aval de l’autorité des statistiques : « Nos statistiques mensuelles ont été labellisées par l’autorité de la statistique publique en 2014. Elles sont conformes au standard européen ». « Elles sont donc parfaitement fiables », toutefois, ces statistiques « peuvent naturellement être impactées par des modifications de procédure ».

Pourtant, Eric Meyer assure que la statistique trimestrielle de l’INSEE « est plus adaptée à l’analyse de l’évolution du chômage car elle le mesure selon la définition du Bureau international du travail (BIT). » Ce dernier a parallèlement assuré que le Pôle emploi a eu raison d’affiner ses critères, car ces données fournissent un paysage plus précis du chômage en France.

Une manipulation politique ?

Le chômage est l’enjeu majeur de la mandature de François Hollande, qui a d’ailleurs assuré qu’en cas de « baisse crédible » du chômage en 2016, il se représenterait à la présidentielle de 2017. Pourtant, depuis deux ans, les données du chômage sont souvent maniées et remaniées certainement pour des raisons politiques. Les données du Pôle emploi sont souvent orientées selon les mandatures, car il s’agit d’un élément essentiel de la conjoncture et donc de la vision de la population sur les politiques engagées.

A droite, le FN et « Les Républicains » (LR) ont parlé d’une même voix de manipulation. « Les chiffres ne sont pas trafiqués, ils sont manipulés comme tous les chiffres, puisque ce sont des chiffres administratifs », a déclaré le député LR, Henri Guaino sur “RMC” et “BFMTV”.
Ce dernier a assuré qu"ils peuvent être manipulés politiquement, mais ils peuvent être aussi tout simplement manipulés par les techniques administratives. La seule chose qui est vraie c’est qu’en France il y a un chômage de masse qui est en train de miner la société. »

Les syndicats ont eux émis des doutes. Pour la CGT, « on pourrait presque croire à un tassement de la montée du chômage s’il n’y avait pas eu de modifications intervenues au mois de juin sur la manière de classer les privés d’emploi par Pôle emploi ». Ces chiffres sont « désastreux mais très significatifs : la croissance et la relance économique sont incompatibles avec les politiques d’austérité imposées dans toute l’Europe ».

De son côté, Force Ouvrière (FO) doute d’un « véritable renversement de tendance », « parce qu’un mois unique ne fait pas une tendance » et « parce que la croissance du PIB n’est toujours pas assez forte et solide pour que le chômage baisse fortement et durablement ». « Le gouvernement doit comprendre que le Social ne peut être l’unique variable d’ajustement d’une politique économique exclusivement tournée vers la baisse du coût du travail », a assuré FO.


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