Cotiser plus pour toucher moins...

10 janvier 2008

Retraites. Dans des textes officiels publiés en pleine trêve des confiseurs, le gouvernement dessine les contours de la future réforme qu’il entend imposer après les municipales.

D’abord, faire comme si l’affaire était pliée. Une affaire qui ne s’apparente pas à une broutille : rien de moins qu’une troisième réforme de la retraite qui durcirait encore l’accès à ce droit fondamental en élevant à 41 la barre du nombre d’annuités nécessaires pour une pension complète. Ensuite, faire le moins de bruit possible sur le sujet jusqu’aux élections municipales de mars. Enfin, renvoyer les décisions douloureuses au deuxième trimestre, en promettant une concertation avec les “partenaires sociaux”, alors que les choix fondamentaux sont déjà arrêtés. Telle est, selon toute vraisemblance, la stratégie retenue par Nicolas Sarkozy et son équipe pour imposer, avec le moins de dommages politiques possibles pour leur majorité, une nouvelle régression en matière de protection sociale. Un coup qui serait porté, cette fois, à l’ensemble des salariés. Cela saute désormais aux yeux : la mise en cause des régimes spéciaux n’était qu’un hors-d’oeuvre. Une fois les cheminots, les agents d’EDf-GDF et de la RATP mis aux normes de la réforme de 2003 (allongement de la durée de cotisation à 40 ans, indexation des pensions sur les prix, mise en oeuvre de la décote), il serait possible de réclamer de nouveaux sacrifices aux assurés du régime général et de la fonction publique.

Les vrais projets révélés à Noël

C’est en pleine trêve des confiseurs - ce qui, notons-le, ne dénote pas de sa part une grande assurance - que le gouvernement a abattu ses cartes. D’abord dans les projets de décrets d’application de la réforme des régimes spéciaux, rendus publics au lendemain de Noël. Outre un allongement de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation d’ici à 2012, ces textes anticipent sur la réforme à venir en prévoyant que cette durée continuera, par la suite, d’augmenter « d’un trimestre au 1er juillet de chaque année jusqu’à atteindre la durée maximum » définie par la loi Fillon de 2003. Une loi qui, justement, n’a rien fixé de tel : elle se contente d’envisager l’éventualité d’une augmentation du nombre d’annuités au-delà des 40 en fonction de l’évolution de plusieurs paramètres, notamment la situation de l’emploi, le taux d’activité des seniors et le financement des régimes. Aucune automaticité, donc, contrairement à ce que le Premier ministre tente de faire croire.
Le 31 décembre, rebelote : à l’heure où la France entière prépare les agapes du réveillon, le gouvernement remet au Parlement un rapport censé préparer le “rendez-vous” de 2008 sur la réforme des retraites. Selon la loi, il devait rendre cette copie avant... fin 2007. Le délai est donc tenu et, surtout, la discrétion assurée sur un document qui, fût-ce dans des formulations prudentes, dessine les contours de la future offensive. En premier lieu, s’appuyant sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en novembre, qui faisait cette préconisation au nom de l’équilibre financier des régimes, il tient pour acquise la poursuite de « l’allongement de la durée d’assurance, qui atteindra 164 trimestres en 2012 et 166 en 2020 ». Soit le passage à 41 puis 41,5 ans. Le gouvernement ne tient aucun compte du constat qu’il est pourtant obligé de faire : l’échec des précédentes réformes, qui ont programmé l’augmentation de la durée de cotisation, mais n’ont pas conduit à un allongement de la durée d’activité. Deux salariés sur trois ne sont déjà plus actifs au moment de leur départ en retraite. Dans ces conditions, augmenter le nombre d’annuités requises pour une pension à taux plein revient tout bonnement à programmer une baisse des retraites. Tel est le vrai choix, non-dit, que l’équipe Sarkozy-Fillon s’apprête à renouveler en 2008. D’autant que le rapport, en dépit de l’échec du précédent plan emploi seniors, n’envisage aucune mesure concrète susceptible de modifier le comportement des employeurs, qui continuent allégrement de se débarrasser des plus de 50 ans (la France, avec un taux d’activité des seniors de 38,1%, porte un bonnet d’âne en Europe en ce domaine). En revanche, pour parvenir à faire sauter « les verrous qui font obstacle au mouvement d’allongement des carrières », le gouvernement menace de s’en prendre à une série de droits et garanties.

La négociation vidée de contenu

Le dispositif « carrières longues », permettant aux personnes ayant commencé de travailler à 14, 15 ou 16 ans, de partir avant 60 ans serait « révisé », au motif de son coût jugé trop élevé. Les « bornes d’âge » de 60 ans (ouvrant droit au départ) et 65 ans (garantie d’une pension à taux plein) seraient remises en question. De même que la « dispense de recherche d’emploi » dont bénéficient les salariés de plus de 57 ans jetés au chômage. L’« assouplissement » de la décote, qui avait été concédé en 2003 dans le régime général, serait aussi réexaminé. Comme les syndicats l’ont dénoncé, le gouvernement tente, en catimini, de préempter le débat du printemps prochain, de vider par avance la négociation de son contenu, en écartant toute recherche de solution alternative. Un défi lancé à tous les assurés, et à la gauche, à qui il revient de montrer que l’allongement de l’espérance de vie n’entraîne pas fatalement une régression du droit à retraite.

Yves Housson


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